Conservons notre joie sous un manteau de pluie.

 

 

ou Comment éviter désormais
de se rendre tristes parce qu'il pleut, il vente, etc.
Bref parce que le temps est ce qu'il est
et pas ce que nous voudrions qu'il soit !

Jamais nous n'arriverons à agir  sur le temps qu'il fait pour qu'il corresponde à ce que nous aurions voulu qu'il soit toujours, dans une fixité rassurante, qui tien d'un paradis inaccessible sur Terre (et ailleurs, qui est un grand NULLE PART... ). Alors autant faire avec ce qu'il est et prendre son pied quand le réel prend des atours idéaux pour vous, le temps d'un entre-deux plus ou moins long. Et en dehors, nulle nostalgie (Ah qu'il était beau le temps où...) ou quelque impatience à ce qu'il revienne...

Plan de l'essai

In a nutshell (en résumé)
Double origine à cette bribe philosophique:

1. Institut Royal Météorologique (IRM - Belgique) 
2. Le philosophe Robert Misrahi.

La joie, la tristesse
Et la pluie dans tout ça ?
Un exemple ?
Un deuxième exemple, vécu et personnel celui-là
Conclusion
Sources
Notes


In a nutshell (en résumé)
- « Il suffit de » décider de découpler le temps qu'il fait en nous du temps qu'il fait en dehors.
- Décider que l'humeur de soi ne dépend en rien de la météo du jour.
- « Il suffit de » décider que notre humeur ne dépend pas du temps qu'il fait. Cela ira bien mieux en nous.

Et nous arrêterons de suivre ces météorologues de pacotille qui sont (mal) payés pour nous dire de façon peu scientifique ce que nous avons envie d'entendre sans que cela corresponde vraiment à la situation réelle d'ailleurs. Mais ils (ou elles, le plus souvent, là où le sexisme va se nicher quand même !) sont si joli-e-s à l'antenne, n'est-ce pas !

Mais je vous dois bien sûr un raisonnement reposant sur davantage que l'assénatif...


Double origine à cette bribe philosophique
1.L'Institut Royal Météorologique (IRM - Belgique)
Ce bref essai résulte d'une part de l'envie de soutenir les efforts scientifiques des météorologues professionnels.
Vous lirez sur leur site un décodage sans concession du mauvais travail effectué par les bulletins météo en télévision, BBC et VRT exceptés... mais aussi beaucoup de pédagogie sur les arcanes de leur science.

2. Le philosophe Robert Misrahi
Et d'autre part cet essai résulte aussi de la lecture attentive de l'ouvrage philosophique de Robert Misrahi, « Les voies de l'accomplissement », paru en 2016 chez Encre marine (Belles lettres). Il y définit la tristesse d'utile façon à l'initial propos, comme vous l'allez voir...


La joie, la tristesse
Chez Spinoza, nous dit R. Misrahi (et il en est un spécialiste reconnu), la JOIE unifie tous les affects positifs, la TRISTESSE tous les affects négatifs. 34
Elles sont « les deux grandes formes de la puissance d'exister selon qu'elle se réduit (dans les affects négatifs, douloureux) ou qu'elle s'accroît (dans les affects agréables ou exaltants). » La tristesse telle qu'il la définit est « ce sentiment de soi, cette impression par laquelle s'exprime la perte des raisons de vivre ». La tristesse est calme et pudique, elle est une attitude, « une manière de se sentir soi-même, manière établie par le sujet lui-même ». 35
La tristesse résulte de jugements de valeur « qui sont des actes de l'intelligence et de la réflexion ». 35
Elle résulte aussi en « acte affectif qui décide, face à toutes ces négations de sens, d'en être personnellement affecté. Le sujet lie son sort et son sens à ces évènements qu'il a lui-même repérés et qualifiés. C'est dire que la tristesse est un acte libre et autonome qui décide simultanément d'accorder telle ou telle signification à un évènement... et se constituer soi-même prisonnier de cet évènement en se faisant soi-même souffrance. « Ma tristesse est significative: elle construit et INVENTE le sens des évènements et elle se lie à eux par un sentiment de déperdition. Le sens s'exprime comme vécu. »


ET la pluie dans tout ça ?
La météo devient l'expression de notre vécu. Notre tristesse quand il pleut construit mais surtout invente le sens d'évènements météorologiques que nous DÉCIDONS de lier à nous par « un sentiment intense de déperdition » 35.
« Et le vécu s'exprime comme sens. », ajoute notre auteur, fermant ainsi le piège autour de nous !


Un exemple ?
C'est mon jour de congé et il n'a pas arrêté de pleuvoir !

Nous avons toutes et tous pensé que la météo nous en veut ! C'est comme un fait exprès, hein.

Ben, non ! C'est juste une co-occurrence de deux évènements distincts qui ne sont pas associables selon un lien logique, comme cause-conséquence:
- la météo est à la pluie; mais si nous avions vérifié sur le site de l'IRM, nous l'aurions su 2, voire 3 jours à l'avance, de façon précise...
et
- nous avons congé. Peut-être que, si nous pouvons décider de nos petits congés nous-même, nous aurions pu décider de le prendre après avoir consulté leurs prévisions scientifiques... Et notre joie d'exister aurait pu reprendre la main !

SI nous décidons d'associer les deux, c'est peut-être aussi parce que nous n'avons pas suffisamment pris en compte le sens, qui est du côté de la science et que nous nous laissons trop mener par nos émotions négatives dans notre vie de tous les jours.
La joie est pourtant à portée de main car il est de notre pouvoir d'agir contre une tristesse erronément induite par le fait que nous nous laissions affecter par le temps qu'il fait.

C'est quand nous prenons conscience que nous faisons dépendre notre état intérieur d'un paramètre extérieur sur lequel nous n'avons de toute façon aucune prise: la météo, que nous reprenons la main, que nous ouvrons le piège dans lequel nous nous étions laissé enfermer.
Une fois la décision prise de ne plus se laisser abattre par le froid, la pluie, la neige, le vent, le ciel se dégage au-dessus de nos têtes !

Le moindre sourire de lumière
se faufilant entre deux nuages
momentanément disjoints
nous remplit de joie.

La simple douceur de l'air, même par temps couvert sans pluie, est bonne à prendre. Y porter une attention plus soutenue soutient le moral d'incroyable façon.
Être attentif/attentive à l'instant présent plutôt que d'espérer pour soi une perfection (soleil sans nuages, 24h sur 24 tant qu'on y est !1, température idéale - ah non pas de canicule ! - vent fripon et chaud), ce qui débouche forcément sur autant de déceptions que nous avions espéré de chimères !

Rendre le désirable accessible sans se casser les dents sur d'incommensurables idéaux, de toute façon hors de portée.

L'être humain n'a aucun pouvoir sur le temps qu'il fait au jour le jour2.

Désirer ce qui est à notre portée est le plus sûr moyen de ne pas sombrer dans une tristesse qui s'autoalimenterait d'autant mieux que nous en serions la source !


Un second exemple, personnel et vécu celui-là
J'ai souhaité concrétiser davantage encore l'effet de cette approche philosophique dans la vie de tous les jours. Rien de tel pour ce faire qu'une anecdote personnelle: mardi 12 juillet 2016, la prévision fine du déroulement de la journée sur Info Météo signale la pluie sur la région où j'habite vers 17-18h.

(Source Info Météo, sur le livre des visages) La carte est diffusée le lundi 11 juillet 2016 vers 23h, bien à temps pour me permettre de viser juste...
Elle est accompagnée du message suivant:

« RISQUE ORAGEUX

Bonjour à toutes et à tous ;) Le modèle Arôme, duquel l'image jointe est tirée, ainsi que d'autres pressentent de nombreuses averses sur nos régions cet après-midi et en début de soirée. Elles pourront localement être assez intenses et accompagnées d'orages. Quelques bonnes rafales et un peu de grêle sont possibles, mais dans des proportions raisonnables et de manière locale. Nous plaçons donc l'ensemble de nos régions en avis d'orages de niveau B (risque d'orages faibles à modérés) pour ce mardi. »

J'en profite vers 13h donc pour aller faire des courses en ville (voiture vers une gare proche de mon domicile, genre RER de province qui ne dit pas son nom et à pied... mais c'est un autre débat !). Je reprends le train à 17h14... Pendant le trajet vers la petite gare où est rangée ma voiture, la vitre se couvre de pluie. Déjà en marchant vers la grande gare blanche, le vent s'était mis à tirer des salves de rafales froides, annonciatrices de noirs nuages bien visibles & fort chargés ! J'avais enfilé l'anorak emporté, voilà tout.

Et j'ai joyeusement profité de mes déambulations citadines où le soleil et moi avons joué à cache-cache !

Le sens (donné par Info Météo) éclaire le vécu; ce n'est pas le vécu qui subit le sens (je m'y serais mal pris en choisissant la fin de l'après-midi pour aller faire quelques courses). Je n'ai pas laissé la météo me surprendre. Grâce à qui ? Pas moi, 'spas, j'suis pas météorologue... ni devin à Kaamelott. Ni triste en moi.


Conclusion
Quand les profs de philo insistent en Belgique pour généraliser leur discipline à toutes les formations et à tous les niveaux d'enseignement, on ne peut pas leur donner tort...
Je vois au moins les journalistes et les météorologues comme candidats bien placés dans la course...
Les journalistes y apprendraient les bases philosophiques d'une éthique personnelle qui ne permet pas de raconter n'importe quoi... Un code de déontologie professionnelle, texte imposé de l'extérieur mais non vécu de l'intérieur, ne suffit manifestement pas. Sauf pour s'asseoir dessus !
Et les météorologues pourraient mieux prendre en compte de façon philosophique les expressions d'insatisfaction de leur public, et moins de façon psychologique...


Sources
Robert Misrahi (2005), 100 mots sur l'éthique de Spinoza, Les empêcheurs de tourner en rond, 2005, 413p.
Robert Misrahi (2016), Les voies de l'accomplissement, Encre marine, 2016, 154p.


Notes

1 Au mépris du savoir que le Terre tourne sur son axe...

2 Sur une échelle plus large, l'être humain est peut-être collectivement responsable d'avoir joué à l'apprenti sorcier avec une industrialisation outrancière, ce qui affecte le climat global en le réchauffant. C'est un tout autre débat évidemment.