Décroitre

Aucun développement n'est durable, aucune expansion de l'activité humaine n'est envisageable. Décroitre est le chemin. C'est à diminuer drastiquement notre pression sur la planète que nous devons nous employer. Quand on s'aperçoit que l'accroissement de la masse monétaire disponible n'est subitement pas un problème pour notre soi-disant bien--etre, on se demande pourquoi cela s'arrêterait, non ?


L'ESPOIR QUI DÉÇOIT

Souvent, l'espoir parait être
une fuite en avant
vers la déception.

Bloqué dans le cycle délétère de L'ESPOIR QUI DÉÇOIT, la plupart des commentatrices et commentateurs nomment pessimiste le réalisme qui prend en compte le fait que tout va redevenir comme avant, malheureusement, à moins qu'un groupe d'expertise philosophique du spinozisme soit mis en place par le politique... On peut rêver, non ? En territoire chrétien, c'est évidemment une utopie pure & dure. N'oublions jamais que Bento avait été mis à l'index de l'église catholique et avait été exclu de sa synagogue !

De plus, Spinoza n'est pas aux programmes universitaires en économie & commerce... Il aurait pu nous expliquer, ce groupe d'expertise de philosophie spinoziste, en mettant à jour Spinoza, comment sortir par le haut de cet épisode de confinement.

M. Van Ranst, ce virologue de la KUL, semble être le plus réaliste d'entre ces scientifiques aux manettes pour l'instant; sur un plateau de la VRT, il a prédit que nous en avions pour 10 semaines de confinement !

Ce groupe d'expertise philosophique qui restera dans les limbes aurait pu nous expliquer pourquoi & comment négocier la réorientation de nos économies, le renversement de nos perspectives mentales, la conversion qu'il y aurait lieu d'opérer pour faire advenir des modes de vie enfin plus terrestres, davantage respectueux de notre hébergeuse:

 


Réorientation

C'est Bruno Latour qui illustre de la sorte dans Où atterrir le sens du mot réorientation.

La durée longue de ce confinement consenti par la moitié de la planète offre du temps pour la mise en place de cette réorientation de nos cheminements de vie. Le fonctionnement des choses ne devrait plus être le même après. Mais, sur notre mouchoir de poche territorial, ce n'est pas avec dix ministres libéraux au niveau fédéral en Belgique, adeptes du laisser-faire le plus absolu en matière d'économie (les lobbies en tous genres, la Chine, les GAFAM, la 5G...), que cette idée a la moindre chance d'aboutir, quand bien même ils seraient surveillés par les Belles-mères...

À côté de conversion & de renversement, bien étudiés par R. Misrahi, le très récent et très réussi réorientation dû à B. Latour insiste sur le changement de direction à impulser à nos vies. Il n'est pas nécessairement question de retournement complet sur soi, il ne s'agit pas de rebrousser chemin, flèche du temps oblige. Il s'agit d'imaginer de nouvelles convergences

  • entre les tenants d'un retour salutaire à la terre, mais qui n'ont rien à faire
    • de frontières,
    • de repli frileux sur soi
    • et de racisme,
  • et les ancien·ne·s de la mondialisation à tous crins.

Ces deux courants antagonistes pourraient se rejoindre en favorisant les meilleurs côtés des deux approches (local-global).


Le Terrestre

Bruno Latour sur le Terrestre:

« On peut se tourner vers l'attracteur Terrestre

  • depuis le rêve maintenant terminé d'un accès impossible au Global (l'arête 2-3 sur le schéma)
  • mais aussi depuis l'horizon, toujours aussi éloigné, du retour au Local (l'arête 1-3). » 68

Bruno Latour écrit clairement: une phrase se coule derrière la précédente et la suivante, si fluide, se coule savamment dans les pas des précédentes pour en prolonger le propos. Tout s'enchaine.

« L'écologisme n'est pas parvenu à définir cet acteur politique de première grandeur, le Terrestre, avec assez de précision. » La preuve ? : « Il n'a pas su mobiliser à l'échelle des enjeux » dont il a imparfaitement évalué la portée. 74.

Le troisième attracteur est le Terrestre, ce système-Terre lui-même, se trouve bouleversé. 59

« il s'agit d'un concept [qui prend en compte] le Terrestre comme nouvel acteur politique. La puissance d'agir [Merci Bento !] de ce Terrestre est un évènement massif qu'il s'agit d'encaisser. » 56

Le territoire « n'est plus le décor, l'arrière-scène, de l'action des humains. » 56

L'ancienne répartition entre géographie phjysique et géographie humaine voient les limites entre s'estomper. Il s'agit de se laisser posséder par le territoire. Ce troisième attracteur, à la fois connu de tous/toutes & complètement étrange, complique la compréhension de l'époque à laquelle nous appartenons. 58

B. Latour vient d'ailleurs de mettre à jour, profitant des confinements contraints du printemps 2020, ses propositions dans un article payant sur AOC & dont l'UCLouvain a eu la bonne idée de faire une actualité. Le titre est très révélateur du style d'humour assez British dont l'auteur est empreint: Imaginer les gestes-barrières contre le retour à la production d’avant-crise. C'est un petit bijou.


Devenir stratèges et 400.000

Le jour d'après nos vies restreintes par la pandémie de COVID-19, combien de Terriens auront découvert qu'ils couraient après du vent & décideront de raccrocher leur tablier, de le rendre & exigeront que ce qui était possible en temps de pandémie le reste. Peu, pas assez en tout cas pour constituer une masse critique significative.

Pour beaucoup, c'est un temps de viduités, quelle meilleure occasion dès lors d'y réfléchir au niveau institutionnel ? Réorienter nos efforts, y compris ceux du corps, pour persévérer dans notre être tout en progressant et en nous acomplissant davantage, est une démarche qui s'accompagne & que l'oeuvre de Spinoza avait mise en chantier, notamment dans le Traité politique.

Erica Chenoweth, Professeur de Politique publique à la Harvard Kennedy School, a longuement étudié la manière dont les luttes non-violentes atteignent leur but en emmenant derrière elles 3,5% d'une population donnée. Elle en parle ici et écrit sur le même thème ici. Pour la population belge (11.539.326 au 31.12.19), cela représente 403.877 personnes. Groupées, évidemment, ensemble & pas chacun/chacune derrière son étendard manuscrit dans sa petite manif' corporatiste... En 1995, c'étaient pas loin de 200.000 personnes dans les rues suite à l'affaire Dutroux... Il faudrait doubler... et qu'elles se munissent de la mise en place d'une stratégie complexe pour arriver à leurs fins. Sans stratégie, le nombre seul ne parait pas être suffisant: un article du Guardian aborde brièvement la question à propos d'Extension Rebellion.

C'est donc à une réorientation stratégique qu'il s'agirait de procéder afin de ralentir & d'ancrer nos vies.