J'extrais cette réflexion dun essai plus long intitulé: Une appropriation épurée. La raison de cette extraction: retrouver plus aisément sur le site ce développement auquel je fais souvent référence par ailleurs.

[13] La lisière débordante


Désirer ce qui nous est nécessaire diffère radicalement de l'approche inverse consistant à se laisser gouverner pas ce que nous croyons être nos désirs propres (& qui débouchent la plupart sur des achats compulsifs, par exemple) et d'en faire des besoins – j'ai besoin de ce nouveau pantalon. C'est la meilleure manière de tomber dans le cercle vicieux espoir/déception. C'est en maintenant accouplé le désir & le besoin que l'essentiel se perfectionne sous la forme, entre autres, de la connaissance que le sujet acquiert des lois de son activité propre. j'ai besoin de ce nouveau pantalon; en le repassant, le constat qu'il est troué à l'entrejambe rend cet achat nécessaire.

L'énergie est un vide entièrement disponible. ($7). Une sensation proche de ce que j'imagine être le vide m'a envahi en prenant conscience que l'escompté est en train de rejoindre une réalité proche. C'est dans ce vide que s'assemble la voie. La voie, c'est le jeûne de l'esprit. Autrement dit, je suppose, en suspendant la prégnance de l'esprit, l'attention progresse jusqu'à l'activité du corps propre. Le corps propre, lui, rassemble la totalité des forces, des ressources & des facultés disponibles, connues & inconnues, en ce compris le versant intuitif de ces forces, ressources & facultés.

Un tableau ?

Forces disponibles connues
Forces disponibles inconnues
Forces indisponibles connues
Forces indisponibles inconnues
   
Ressources disponibles connues
Ressources disponibles inconnues
Ressources indisponibles connues
Ressources indisponibles inconnues
   
Facultés disponibles  connues
Facultés disponibles inconnues
Facultés indisponibles connues
Facultés indisponibles inconnues

L'air de rien comme ça, mais cette simple combinatoire ON/OFF (binaire) ouvre des champs réflexifs nombreux.

  1. En effet, le corps est l'activité qui nourrit notre vie consciente.
  2. Par ailleurs, le corps excède notre vie consciente de toutes parts.
  3. En quelque sorte, le corps est bien davantage; le corps déborde par sa présence l'ensemble de la vie consciente qui bat en lui.

C'est cette excédence, ce qui déborde hors la vie consciente, que le corps souhaite dès lors soumettre à cette neuve expérimentation en élargissant si possible le champ conscient qui l'enceint. C'est en parcourant de neuf ce qui précède, récemment mis à jour, que le corps parvient/parviendra à mieux habiter de l'intérieur ce qu'il cherche à faire vivre en soi en sondant de manière pleinement consciente LA LISIÈRE DÉBORDANTE dans laquelle

  1. le corps propre se place aussi dans cette lisière débordante sans que la vie consciente y soit pleinement présente;
  2. le corps possède une vie propre à la lisière de cet au-delà de la conscience. Parfois les intuitions nous viennent d'on ne sait où, n'est-ce pas.
  3. En quelque sorte, il est déjà bénéfique que toute occasion qui se présente permette d'approfondir la réflexion théorique bien entamée déjà sur l'appropriation personnelle entreprise avec l'oeuvre de J F Billeter. Elle va bientôt s'enrichir de deux nouveaux volumes d'ailleurs, l'un sur Héraclite & l'autre sur le Tchouang-tseu, intitulé Court traité du langage & des choses.

Il semble raisonnable de formuler l'hypothèse suivante: Ces intuitions proviendraient-elles de la lisière débordante, telle que définie ?


La lisière débordante, ce vaste hors-champ de la conscience

Ce hors-champ de la conscience est si vaste qu'une vie n'y suffit probablement pas pour en faire le tour, ne fut-ce qu'une fois. C'est à coups d'intuitions apparues à la surface, telles ces bulles remontantes d'une masse d'eau dynamique, trahissant la présence d'un courant né dans ses profondeurs; c'est la raison pour laquelle elles nous sont si précieuses, ces intuitions. Elles nous offrent des aperçus fugaces sur certains au-delà des rivages notre conscience propre.

C'est dans l'organisation géométrique de son Éthique que Spinoza pose les bases solides d'une définition convaincante de l'intuition. Le temps les solidifiera encore après lui.