Corps offert au Soleil s'allonge, souplesse,
s'entremet dans le flux soutenu qui lie
la Terre à son astre, s'y entrelace

une fois ressentie leur harmonie
et se laisse ondoyer, assuré que
son complice, l'esprit, veille à leur bien-être.

Le terme de l'épure primitive
invite au lent aplomb de soi, les ôtant
avec soin du flux primordial, conservant

la béatitude* née de l'offrande
conjointe en leur sein. Le mince tapis
disposé là prend le vent doux, tenu par

les mains: elles l'y épanouissent un temps,
le corps y sèche mollement la sueur
née du partage & enroule l'objet,

marche vers la maison & l'y range. Soif.


* Nulle mystique ici. La béatitude est la félicité: « elle est exactement définissable comme joie suprême, elle est le bonheur (felicitas dans le texte spinoziste) c’est-à-dire la liberté & la joie suprême. » Robert Misrahi, 100 mots sur l'éthique de Spinoza, 86.
Ce texte mien s'est formulé lentement, comme pour correspondre par avance « à l'appréhension évidente, dans une intuition intellectuelle, de l'INSERTION des choses singulières [le corps dans ce texte mien] dans un attribut infini (ou l'Étendue ou la Pensée), celui-ci… étant un aspect de la Nature. » 100 mots, 87.
« Nous trouvons une nouvelle confirmation dans le rôle central que joue le corps dans l'instauration & le déploiement de cette béatitude. » 88

J'avais terminé de peaufiner l'approche du texte confrontée à l'hendécasyllabe comme contrainte formelle stricte: elle invite à resserrer l'expression de soi, à la polir sur l'établi des mots pour la conduire, en quatre reformulations manuscrites, jusqu'à l'état livré à votre lecture. J'ai alors décidé de lire ce que Spinoza disait de la béatitude (Éth. V, prop. 42). Le besoin d'un décodage s'est fait sentir, d'où le recours à R. Misrahi.

J'ai eu l'intuition en écrivant progressivement le texte que le vécu solaire était insertion du corps dans un flux plus large que lui. Ce n'est que dans sa troisième version que « s'entremet dans le flux » apparaît.

« L'esprit n'agit pas sur le corps, ni le corps sur l'esprit. » 164. Nous en sommes bien d'accord. Ces deux entités autonomes concourent cependant au meilleur vécu de soi. L'approfondissement consiste à rendre l'esprit davantage à l'écoute du corps.

Le décodage de ses « messages » n'est pas toujours clair dès l'abord. La réflexion peut devoir tâtonner, puis décider de l'interprétation retenue comme la plus certaine. Le droit à l'erreur existe; il se rappelle d'une manière ou d'une autre au soi par la suite et une réinterprétation moins éloignée de la perception se reformule alors.

Vous pourriez ne pas « croire » que j'ai d'abord terminé de rédiger le texte avant de relire des passages béats de R. Misrahi. Pourtant, c'est ainsi que cela s'est déroulé. Je suis assez surpris (mais non ému)  de cette concordance extrême mue par le très fin décodage que R.M. livre aux lecteurs de son ouvrage.

Cela semble indiquer que j'aurais intériorisé certains concepts porteurs du spinozisme par connaissance du troisième genre, cette science intuitive. Cela ne procède évidemment pas de façon inconsciente par une quelconque sérendipité (fortuité) floue. Plutôt, cela s'applique par la lente mise à l'effort consenti à cette meilleure appréhension même.