Gérard de Sélys établit un constat implacable sur son mur de visagier, le 19 11 15:

« Liberté de manifester: abolie. Liberté de réunion: abolie. Liberté de circuler: abolie. Protection du domicile: abolie. Comme les attentats du 11 septembre 2001 ont été le prétexte à l’adoption de lois liberticides (Patriot act aux États-unis, Lois de « lutte contre le terrorisme » en Europe), les attentats de Paris sont l’occasion, pour nos gouvernements, de prendre des mesures anti-sociales sans précédent. Manifestation pour le climat du 29 novembre à Paris: interdite. Libre passage aux frontières: annulé. Perquisitions: généralisées. Garde à vue: allongée.

La guerre déclarée par François Hollande à l’état Islamique est une guerre déclenchée contre nous, démocrates d’Europe. Tout est en place pour museler les travailleurs, réprimer ou interdire leurs moyens de lutte, les contrôler de plus près encore. Comme l’entrée en guerre des États-unis en 1917 avait permis à ce pays de détruire les syndicats américains, l’entrée en guerre de l’Europe contre Daesh ouvre une ère de répression sociale généralisée.
Nous entrons en dictature.
Dire non et résister est plus impératif que jamais. »

Cette liste de nos libertés (bientôt) perdues est un catalogue très autorisé. Il nous reste(ra/rait) la liberté des interstices, de notre bonne foi, de notre bonne bouille (& tant pis, n'est-ce pas, pour celles & ceux qui l'ont moins bonne !! Même et y compris s'il se commettra alors tant de délits de faciès à caractère raciste ? Même cela: Non, n'est-ce pas. N'est-ce pas ?)
Reste à dépendre de leur humanité (à nos forces de l’Ordre) – cet arbitraire, source potentielle d’arbitraires multiples. Men are but men.

Bien sûr que les limites temporelles (21h-5h*) doivent être levées pour des dossiers reconnus comme « terroristes ». Là n'est pas la question. Mais qu'est-ce qui les empêchera de considérer que forcer notre porte à 3h du matin, à nous les honnêtes, les sans-grade, les Citoyens lambda, sous le (vain) prétexte de terrorisme ? Car bien sûr, aucun texte ne précisera le contenu de ce mot... Ce serait trop simple. 72h de garde à vue pour les terroristes ? Oui, bien sûr, si cela participe à la manifestation de la vérité. Mais un juge d'instruction doit être désigné dès la première heure. Aucun état d'urgence ne justiferait de tels manquements à l'état de droit, qui doit primer. Toujours.

La vitesse avec laquelle nos gouvernants « trouvent» ces « solutions » liberticides indique-t-elle qu’il s’agit ainsi pour eux d’actualiser leur vrai fondement ? Que cela fait partie de leur génétique profonde, de nous asservir ? L’assentiment presque unanime de tous les groupes parlementaires belges francophones hier (PTB compris, cher Gérard !) tendrait à substantifier cette hypothèse. Le JT de la Rtbf du 19 novembre 2015 (à partir de la 14e minute) en atteste.
Il nous manquerait un Mélenchon...

Quelles peurs abyssales nous font donc consentir à ces interstices résiduels pour nos libertés, bientôt disparues sur le papier ? Nos gouvernants feront-ils marche arrière une fois la Menace éloignée ? S’en laisseront-ils la possibilité, nous en laisseront-ils l’opportunité, dans les textes législatifs qu’ils ne manqueront pas de voter ? Ou bien devrons-nous remercier ces voyous armés de kalach’ par nos laxismes cumulés pour une régression définitive de nos libertés ?
S’il devait en être ainsi, cela serait une vraie catastrophe. Pas la disparition de ces vies (qui sont bien sûr déplorables car elles auraient pu être évitées) mais bien celles des libertés de tous.

Vous aurez remarqué la prudence que le maniement du conditionnel présent introduit dans un raisonnement. C’est ce qui différencie cette plume-ci de celle de G. de Sélys, très absolue. La forme nous différencie, la prudence; pas le fond.


* Source, Le Soir, 20.11.15)