Les parfums incisifs de ses amours
crissent sous un tissu un peu balourd,
entre illicite et anthracite,
avec une touche de bouche cousue.

Elle emporte dans son sillon
la moiteur d’une peau coite,
une forme de dérision
sans autre objet que son rejet.

Elle émeut un soleil naissant.
Il se dresse, en ferme amant,
bien au-delà de son émoi
pour nous abreuver d’une joie.

(Sur une lecture de Séraphine la Kimboiseuse, Jacques Abeille (2007), les éditions de l'atelier in 8, 27p.)

Ce texte figure également dans le recueil Chômage ambigu de la forme/Zero-tic sur ce site.


(màj  2 4 16) L'auteur, ce Bordelais à la langue volontiers jouisseuse, a abordé à sa manière le passé esclavagiste de sa ville.
De hautes valeurs morales s'insinuent au coeur même du récit. (18) Le personnage dont nous partageons le point de vue dans ce bref opuscule possède une plantation aux temps pas si lointains de l'esclavage. Ce Maître apporte volontiers « quelques améliorations sensibles aux conditions de vie de ceux qui dépendaient de » lui, interdisant par exemple à ses régisseurs « l'usage des châtiments corporels. » (10)
Parce qu'à son arrivée l'un d'entre eux met en scène le fouettage public d'une belle esclave, Séraphine, il le congédie, avec des péripéties qui rendent la présence de Séraphine, aux pouvoirs de magicienne maîtresse des plantes, indispensable à ses côtés.

Le maître constate que sa « virilité était appesantie d'attente » (21)
La vertu lui est douloureuse (22), ce par quoi l'Homme jouit rarement. Il tombe malade. Fièvres: « Par tous les pores de ma peau, je me purgeais de la sanie (= pus) dont mes organes s'étaient chargés au cours de mon existence. »
Les soins dont elle l'entoure vont jusqu'à... « Elle était nue, massant ma peau de la sienne, me lavant de mes suées avec ses propres fluides et opposant à mes humeurs délétères l'essence de sa vitalité. » (23).

Et bien sûr...

... « à croire qu'avec ma semence elle expulsait le mal de mon corps. Non pas le mal, protesta-t-elle, mais un excédent de bien qui m'étouffait tandis qu'il pouvait la sustenter. » (25).

« ... je n'en avais pas fini avec les pièges de l'esclavage. » (26)