Cette collection de Petites proses plus ou moins brisées, Jacques Abeille y engrange phrases, poèmes, aphorismes. Une grange à situations aussi, dialogues brefs et essais divers. C'est irrémédiablement enthousiasmant.

Dans les bois encore, le visage projeté avoue les méplats de cris inaudibles. Les orbites sont pleines de la nuit des signes. La bouche alors n'est plus que la fêlure obscure du masque sur le vide intime de la voix. 80
 Initiatrice inconnue - effacée.
Protéger l'invincible est la plus urgente tâche. 82

 

Le tout emballé dans un phrasé, une période, un charpentage syntaxique dont l'ampleur est autrement indescriptible, fors la citation. Ce qui, n'en déplaise, dément presque l'utilité d'un colloque consacré aux Contrées* et de tout le baratin que vous trouverez également sur Nulle part ! Mais comment vous convaincre autrement de vous saisir de toute urgence de ce que votre bibliothèque publique (ici le réseau liégeois) recèle de l'auteur ? Avant de rejoindre votre bibliothèque personnelle, ce qui est vraisemblable si la magie prend ! En plus, ce sont de beaux objets.

Arfuyen, 2015, 121p.

Deux autres exemples:


Car il est aussi des textes poétiques en ces brisures, & de fort belles factures, chacune sa tenue.


* J'aurais préféré que des poètes, des amis ouvrent davantage le champ des possibles sur les huit oeuvres qui constituent le Cycle des Contrées que des universitaires aux méthodes d'investigation parfois inadéquates à rendre la profondeur d'une ambition littéraire si bien habitée. Il n'en demeure pas moins que la lecture du volume intitulé Le dépossédé donne un aperçu fidèle, quoique légèrement obéré par les lourdeurs d'une prose trop universitaire et ce désir d'exhaustivité face à une oeuvre qui jamais ne lasse, elle, tant elle est riche en mises en abymes polymorphes. Y laisser planer le mystère de la découverte personnelle semble parfois plus urgent que d'en révéler les derniers arcanes.