L'admiration pour Benjamin Péret de J. Sternberg s'épèle comme suit:

« Dans ses poésies comme dans ses textes brefs en prose, avec son refus du roman et de la littérature alimentaire, il demeura ... fidèle à lui-même, et comme il avait le surréalisme dans la peau, il jongla inlassablement avec les trouvailles et les mots, les images sidérantes et la folie créative.... Il ne capitula jamais devant la commercialisation de la littérature, il ne capitula jamais devant la commercialisation de la littérature et ne répondit que par des sarcasmes et des injures aux propositions pour le faire rentrer dans les rangs des écrivains pasteurisés par le fric. Publié depuis 1921, célèbre avant la guerre, il se fit peu à peu une place d'honneur parmi les poètes maudits et presque oubliés. » (DDIR, pp. 373-4)

Cet extrait de notice donne quelques raisons sternberguiennes d'apprécier ce poète, la moindre n'étant pas cette résistance aux sirènes de l'argent, auxquelles lui-même n'a pas toujours résisté.


Un autre extrait confirme que le surréalisme a beaucoup compté dans la vie de J. Sternberg:

« Séduit par le vertige confus que me donnait le surréalisme, j'avais été subjugué en 1945 par Le Chien andalou et L'Âge d'or, oeuvres vraiment gorgées d'un surréalisme que je n'ai jamais retrouvé dans les textes littéraires du groupe trop pompeux et trop poétique à mes yeux. Exception faite peut-être pour Benjamin Péret quelques textes de Desnos. » in DDIR, 284, début de la notice sur Luis Buñuel.


Trouvailles:

CLIN D’OEIL

Des vols de perroquets traversent ma tête quand je te vois
de profil
et le ciel de graisse se strie d’éclairs bleus
qui tracent ton nom dans tous les sens
Rosa coiffée d’une tribu nègre égarée sur un escalier
où les seins aigus des femmes regardent par les yeux des
hommes
Aujourd’hui je regarde par tes cheveux
Rosa d’opale du matin
et je m’éveille par tes yeux
Rosa d’armure
et je pense par tes seins d’explosion
Rosa d’étang verdi par les grenouilles
et je dors dans ton nombril de mer Caspienne
Rosa d’églantine pendant la grève générale
et je m’égare entre tes épaules de voie lactée fécondée par des
comètes
Rosa de jasmin dans la nuit de lessive
Rosa de maison hantée
Rosa de forêt noire inondée de timbres poste bleus et verts
Rosa de cerf-volant au-dessus d’un terrain vague où se battent
des enfants
Rosa de fumée de cigare
Rosa d’écume de mer faite cristal
Rosa

Vous n'avez pas envie de vous appeler Rosa, vous ?


Mots et Images sidérantes:

Les puces du champ

Laboure à tour de bras
Laboure les champs les rues les quais
et sèmes-y ce que tu voudras
des pavés de la fumée ou des bouteilles
mais laboure laboure comme un fou
et répands de l'engrais sur les pierres
pour y faire fleurir des drapeaux
mais qu'ils soient rouges
Les pluies et les vents te seront propices
si tu portes les aiguilles d'une montre à tes oreilles
et la récolte sera bonne comme la soupe de ta femme

Laboure ton champ et tous les autres
avec tes pieds avec ton nez
Défonce les haies comme un taureau
en chantant

Dans le Rousillon
il y avait un laboureur
qui sonnait de la bêche
il n'avait qu'une tête et deux bras
quatre pieds et deux yeux
une oreille et trois dents
mais c'était un laboureur
qui ne perdait pas son temps

Ce poème fait partie du Grand jeu.


Folie créative:

LE CARDINAL MERCIER EST MORT

Tous les curés, on les pendra
(LA CARMAGNOLE.)
Issu de la sueur des mains sales
le cardinal Mercier grandissait comme les vers qui détruisirent
la croix
En son CŒUR dormait une énorme punaise
qui plus tard
engendra ces hosties au parfum de poussière
qu'il déposait sur des langues grasses
Un jour dieu comme une vieille tache d'huile
apparut à ses yeux semblable à un anus
et Mercier depuis lors découvre la vierge dans tous les égouts

Ton père faisait le coup de feu à Bruxelles
et tu décrottais la vierge à Malines
Cardinal Mercier à cheval sur un agent
je t’ai vu l’autre jour semblable à une poubelle
débordante d’hosties
Cardinal Mercier tu sens dieu comme l’étable le fumier
et comme le fumier Jésus
Chacun dans son CŒUR a une divine colique qui sommeille
la tienne s’est éveillée au son de l’harmonium
du Dies irae et de la Brabançonne

Enfin la guerre que tu souhaitais vint comme ton messie
et ta bénédiction emprunta la trajectoire des obus
tandis que ton eau bénite explosait comme la mélinite
C’est ainsi que tu devins un asthmatique
vêtu de rouge comme un veau écorché
c’est ainsi que tes cheveux ont rempli les ostensoirs
de la Belgique

Cardinal Mercier tu n’es qu’une hostie que les porcs ont
mangée
mais les porcs en sont morts
et tu leur survécus
grâce à l' endurance et au patriotisme
que tu prêchais dans l’abattoir
Mais maintenant que tu es crevé
si le monde a moins d’ulcères
les hosties gardent leur goût de cadavre

On comprend mieux évidemment à la lecture de ce poème la virulence folle dont sa plume pouvait faire montre et pourquoi elle a pu être attirante à l'oeil sauvage.

L'association des amis de Benjamin Péret recense un large choix de ses poésies, tout comme la Bibliothèque numérique surréaliste de l'université de Paris-3.