Gérard de Sélys a choisi un mot savant1 comme titre de son premier roman. Éditions du Cerisier, éditeur hennuyer fort sélectif, nous offre une plongée dans notre hyper-réalité.

Cent-dix chapitres courts multiplient les points de vue de sujets singuliers, sans jamais nous perdre. Cette multiplicité même des points de vue ainsi offerts rend la lecture de ce roman court (137 pages) haletante. Les je multiples fascinent par la diversité des approches. Le plus original des points de vue est son cancer qui se met aussi à nous parler sans qu’Antonin en soit conscient. Comme les forces de l’ordre, d’ailleurs dont nous captons les conversations alors qu’Antonin ne fait que les subodorer.

L’auteur, très omniscient, très informé, varie les points de vue pour le plus grand bénéfice de son intrigue. Les notes d’Antonin alternent avec les pensées orales de sa compagne et de ses deux enfants. Croisement de journaux intimes, fils de pensée non dites que le romancier couche sur le papier, en oeuvrant finement à la différenciation des styles.

Big Brother est à mon sens définitivement remis à jour. Vous me permettrez de n'en rien dévoiler; j'aimerais que vous le lisiez! La littérature belge francophone a trouvé son George Orwell. Ce roman caracole sur la vague de nos paranoïas assoiffées de nouvelles sensations.

Le journaliste radio retiré de la Rtbf nous avait appris à attendre presque fébrilement ses bulletins d’informations aux heures les plus improbables, tant il nous apprenait l’existence d’évènements ignorés par d’autres. Gérard de Sélys pratiquait en ces temps-là une sorte d’éducation brute aux médias. Sa puissance de déniaisification de nos esprits embrumés n’a pas faibli.

Je militerais bien pour que cet ouvrage devienne lecture proposée à nos ados dans l’enseignement secondaire… même si « l’arbre ne parle jamais de ses feuilles tombées » (Louis Scutenaire, Mes Inscriptions 1974-1980, Le Pré aux Clercs, 262p ; p98).

1 En gros ce qui provoque la chute des feuilles en automne ; mort génétiquement autoprogrammée d’une cellule, me confie le Grand Robert.


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Aphorisme, comme ça...

« La retraite est une chose merveilleuse,
qui libère de terribles puissances.
& elle donne au silence de grandes douceurs. »
Gilles Deleuze, dans une lettre adressée à Arnaud Villani,
publiée dans L'abeille & l'orchidée, p. 149.

 

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