Les fenêtres suffisent à lui donner un corps, à accueillir le jour, à se jouer des ombres, à se noyer de nuit. Dans la maison, ni boussole ni  table d’orientation, chacun  se trouve, se retrouve et s’oriente au gré des hublots.

À l’aurore, par la fenêtre, la chambre des enfants s’éclaire d’une lumière voilée, un peu tremblante, qui se pose en touches pâles sur leurs paupières closes. À l’est rien de nouveau, dit-elle, juste le jour qui suit la nuit, comme la nuit suivra le jour. Infaillible rituel marquant le temps qui passe en ne gravant au cœur que soupirs endormis.

Des trappes de ciel sourd indiquent le nord, fenêtres concédées au point cardinal privé de soleil. Mais si la nuit s’y prête, l’étoile polaire module les rêves des dormeurs, les garde de se perdre dehors et dedans.

Au sud-est, à l’heure matinale, un faisceau sculpte la table de bois. Elle  est garnie, prête à nourrir. Des arômes de café parfument l’air et l’odeur de pain frais titille l’appétit, réveille les papilles. La fenêtre dévoile le vol d’une hirondelle, flèche noire sur fond laiteux. Les voix sont assourdies, encore endormies. Les bonjours s’avalent entre deux bouchées dans l’air chaleureux de la cuisine blonde.

Au soleil d’aplomb, les fenêtres s’ouvrent au souffle du vent. Odeurs de pivoine, odeurs d’herbe sèche, la maison voyage, toutes voiles dehors ! À l’heure indiscrète, les fenêtres écoutent de tous leurs ouvrants les dires des passants. Et les mots s’envolent dedans la maison comme la mélopée d’une vieille histoire.

Quand à l’ouest roulent les tambours, les fenêtres endiguent toutes les tempêtes, dehors et dedans. La pluie peut perler et les cris pleuvoir, les fenêtres tiennent aux coups de boutoir.

Fenêtres affamées de rayons de lune, miroirs aux étoiles, écrins de cieux gris, cadre de la nuit, jouent la transparence, même dans le noir.
Domi Lejeune 08/02/2013