L'innocence retrouvée de la cuirasse perdue

Une chronologie

Une brocante de livres organisée par l'asbl Mémoire de Neupré à la bibliothèque Renaud Strivay (Neupré), le 5 3 2016. Je participe à la belle équipée de la mise en place, avec beaucoup d'autres.
Un Reich parle de Freud (Payot) attire le regard. (Outre le fait que l'entretien est introduit par W. Reich en 1954.) Publié en anglais dix ans après la mort de W. Reich en prison le 3 11 1957. Traduit en français en 1972.
S'y découvre à première ouverture une convergence terminologique avec un texte écrit sur Nulle Part: Déposer. Il révèle une constance chronologique. Voici ce texte et ses développements:

Pour A.L.

Déposer l’armure
en un lieu sûr
et vaquer désormais

émotion affleurante
sans l’urgence
propre aux égarements.

(extrait de Images)
17.4.12

***
Les armures se dissolvent
dans un présent
qui n'a plus besoin d'elles.

17.4.14
(Co-incidence, à deux ans d'intervalle ?)

***

D’avoir déposé les armures,
donné de la substance au corps,
trouvé un meilleur diapason,
affermi les liens amicaux,
resserré le tissu qui fait sa matrice.
D’avoir compris de quoi ma vie est faite, merci à soi.

28.1.16
(Presque deux ans plus tard...)


Armure vs Cuirasse
Le Grand Robert, comme souvent, éclaire et précise:
armure [aʀmyʀ] n. f. 1155, armeüre; lat. armatura; de armare. → Armer.

 I  . Ensemble des armes défensives qui protégeaient le corps de certains soldats.  Arme, 1. bouclier, écu, targe; 1. cotte, cuirasse; cataphracte. — . Harnois, composé d'un assemblage de plaques de fer forgé ( Plates), que revêtait l'homme d'armes au moyen âge ( au harnois de mailles  Adoubement). Armure de guerre. Armure de joute. Armure de parade. Armure complète du chevalier.  Panoplie. Armure à tonne*. Armures antiques, orientales.

cuirasse [kɥiʀas] n. f. 1417; curasse, cuirace, xiiie; d'une langue romane (anc. provençal coirassa, ital. corazza, catalan cuyrasse, etc.); du lat. coriaceus, d'après cuir, les premières cuirasses pouvant avoir été en cuir.
 1  Partie d'une armure* protégeant le buste.  Corselet, 1. cotte. Cuirasse antique.  Cataphracte. Cuirasse des chevaliers, des hommes d'armes. Cavalier portant la cuirasse.  Cuirassier (dér.). Corps* de cuirasse. Le devant ( Plastron), le dos ( Dossière) de la cuirasse. Support de lance fixé à la cuirasse.  Faucre.
Pourquoi l'idée m'est venue de comparer les deux ? Parce que dans leur ouvrage, Vampyroteuthis infernalis, V. Flusser et L. Bec emploient le mot cuirasse, partie de l'armure donc, au début de leur troisième chapitre intitulé Le monde vampyroteuthique:
Les auteurs continuent en se référant à W. Reich qui a développé le concept de cuirasse, dans le sillage de l'inconscient collectif cher à C. Jung. Il me semble que la suite mérite dès lors citation également:
Cette longue citation poursuit un double objectif: d'une part, rapprocher par massage (!)
- le mot armure qui a émergé petit à petit comme ce dont le corps se dépouillait à mesure que l'approfondissement vital libérait le passage de l'énergie au sein de celui-ci. L'image est forte et la vision est précise d'un ensemble de pièces lourdes enrobant le corps qui d'abord se déposent, puis se dissolvent à mesure que leur inutilité grandit;
- et le mot cuirasse qui apparaît à cette plume-ci soudainement un peu plus précis, plus affûté; l'ouvrage cité file en effet une métaphore bien séduisante autour de la guerre et de l'amour.
Pourtant, le référentiel psychanalytique - que cette plume-ci ne récuse ni n'inclut - induit par l'usage du mot cuirasse lui fait conserver le mot armure pour rendre compte de son vécu personnel. 
D'autre part, offrir un échantillon de la prose que nous offrent les auteurs de cet ouvrage créativement pollinisateur.
Être ainsi parcouru dans la durée par des jalonnements qui se fécondent mutuellement représente une forme plus aboutie de sourire intérieur...

5 mars 2016, deuxième affûtage dans la source même
Bien avant, par des voies occidentalisées, ce psychanalyste américain d'origine autrichienne, W. Reich, cité dans l'extrait ci-dessus, a conceptualisé la notion de cuirasse. Les paroles du maître ci-dessous, même si cette théorie & ses développements énergétiques sont formulés dans un contexte fort éloigné de mes intérêts:
« La découverte de la cuirasse musculaire rendit nécessaire la mise au point d'une nouvelle technique capable de libérer les énergies végétatives liées et de rétablir ainsi la motilité végétative du malade. » p. 22 n
« L'être vivant non cuirassé sent & comprend les mouvements expressifs d'autres organismes non cuirassés clairement et simplement par le moyen de ses propres mouvements et sensations d'organes empathiques. L'être vivant cuirassé par contre ne perçoit pas de sensations d'organes ou... de manière déformée; ... il perd le contact de la matière vivante et de compréhension de ses fonctions. » p 33 n2

Psychoanalysis has never been, is not and will probably never be my cup of tea.
Seule une convergence terminologique et des observations proches d'un ressenti m'intéressent. Je me sens proche des conclusions tirées par l'auteur, même si les voies pour y parvenir sont bien différentes. Ces observations, ce ressenti, ces voies ne valident ni n'invalident rien. Il se fait état d'une connivence qui interpelle. Sans plus. Il m'a plu d'en préciser la chronologie dans ce texte de synthèse.