Nulle maladie de ma part que de récolter ces nulle part po&tiques, juste un sourire en coin à l'innocence qui m'a fait choisir ce nom de site il y a quelques années, sans être conscient des univers infinis auquel ce non-lieu allait m'ouvrir.


Danièle Duteil, 2014

Rencontré sur l'étal d'un librairie...
En cliquant sur l'image, l'éditeur

 

Haïga de Ion Codrescu

 

1979

 

2010, Malmédien.

 

2013

« Je crois que je pourrais faire le tour du monde: NULLE PART, je ne trouverai de paysages plus attachants que ceux du Condroz, parce que j'ai vécu dans leur intimité, de sorte que chaque tournant de sentier, chaque ruisselet, chaque cime de monticule, chaque arbre se profilant sur le ciel albugineux me rappellent de chers moments filés d'impatience. »
Renaud Strivay, L'écrin des souvenirs, Seraing, Imp. P. Martino, 1922. Ce paragraphe est extrait d'un récit intitulé J'aime aussi à revivre, 94.


François Cheng, Le livre du vide médian, Albin Michel, 2004:
« Ne laisser nulle part vos empreintes
Pour que notre regard conserve entier
sa saveur de larme et de sel. » (73, Embruns)


René Char, Oeuvres complètes, coll. Pléiade, 471-2:

« Nous avions allongé puissamment le chemin. Ne menait nulle part. nous avions multiplié les étincelles. Enfin où menait-il ? Aux brumes dissipées, au brouillard rappelé. Et la nature entière était frappée de pandémie. »


Serge Delaive, La trilogie Lunus Poèmes, Anthologies de l'Arbre à paroles, 2015, 21:

« Vide
la tête vide
Comme un espace vide
Comme entre deux points
Si près
Tellement loin
La tête si vide
Tellement pleine
Qu'elle va imploser
Se retourner vers nulle part
Vers le vide
Dont elle est pleine. »


Louis-René des Forêts, Poèmes de Samuel Wood, 981-982 in Oeuvres complètes, Quarto Gallimard, 2015:

« Feindre d'ignorer les lois de la nature,
Réincarner en songe la forme abolie,
Prêter au mirage les vertus d'un miracle
Est-ce pour autant faire échec à la mort ?
Tout au plus douter qu'elle nous sépare,
Que ce soit un fait d'être nulle part. »


Robert Goffin, et la sève me dit... in Le versant noir, 36-37, Fammarion, Poésie, 1967

et la sève me dit...

Et la sève me dit au minuit des dérives
Selon sa longueur d'onde en aval du brouillard
Je ne reviens que des  baisers de nulle part
Pour la divinité de fleurir et de vivre

Je fus essence d'algue et lait de goéland
Dans le limon sourcier des mers fondamentales
Fugitive à jamais des écluses astrales
Je préparais les grandes orgues des printemps

Je t'ai rejoint du fond de toi jusqu'au bout d'elle
Maternelle aux charnels coups de dés du désir
Une mais innombrable afin de répartir
De  feuille en corps rnon indéfectible étincelle

Je voyage ainsi loin de moi-même et reviens
Sur la bouche mêlée au feu d'une autre bouche
En vertu du pouvoir des lèvres qui se touchent
Pour réchauffer l'incandescence des  humains

Mon fluide te scelle à l'amante éloignée
Avec l'unique aimant de me restituer
Au fil des vases communicants des baisers
Jusqu'au buisson ardent de sa bouche embrasée

Et sache tellement je suis loin de mon feu
Que je me sens parfois absente de moi-même
Mais comment peux-tu dire à l'autre que tu l'aimes
Si ce n'est que mon rythme qui bat en vous deux

Rappelle-toi que je suis la sève  infinie
D'un monde ou tu ne vois que les nids entrouverts
Dans les branches du tulipier au dôme vert
Préparant le bois mort ou finira ta vie

Plus tard après le sang le cou blanc les yeux bleus
Verrouillés au lasso de la chair elle-même
Sève je survivrai toujours - et  tes poèmes
Ne te prolongeront que si je chante en eux


Gaspard Hons, Roses improbables, Taillis Pré, 2009, 77:

« une rose tombe de nulle part
dans  le vide,
elle rejoint la pensée
d'une rose imaginaire
remontent de sa fin
pour échouer dans son origine,

c'est sa nature de rose incréée
qui en fait une rose aléatoire
tombant dans le nulle part
à moins que le nulle part la rejoigne
dans un vase débordant de vide »


Gaspard Hons, L’écart, la distance, Taillis Pré, 2001, 95:

« Sur le rivage de nulle part
S’échouent de bouche à oreille
Les bouteilles de toi-moi

Arpente les trous
Que tu crois vides
Arpente le rêve
Des outils emboîtés »


Gaspard Hons, Roses incréées, Le Taillis Pré, 2009, 20:
« la rose qui pense  
s’initie au séjour  
dans nulle part  
à l’essence de la solitude. »


Roger Lannes, Jean Cocteau, éd. Seghers, coll. Poètes d’aujourd’hui, n°4:

 dancer in the dark

«  Le nulle part des poètes porte plusieurs noms. Cet habitacle est innombrable. Par exemple, il y a longtemps, nous autres poètes, que nous sommes dans la lune, et c’est même avec plaisir que nous y accueillerons les touristes, à quelque nation qu’ils appartiennent. »
Extrait des lignes mises en exergue du film (1959)  de Cocteau: Le testament d’Orphée ou ne me demandez pas pourquoi.


Karel Logist, Mesures du possible, Un danseur évident, Anthologies, L'arbre à paroles, 2011, 138:

« Elle n'est plus bien nulle part
Elle manque de courage
Elle manque de confiance
Elle a depuis longtemps
Usé sa résistance à l'acier des regards

Elle revoit ses amants comme on revoit un film
Cherchant quelle alchimie opérait dans quel philtre
Elle ne fait plus la guerre
Elle ne fait plus l'amour

Elle dit qu'il est trop tard, que la donne est truquée
Que les acteurs [n'ont] pas reçu le même texte
Qu'il n'y a jamais eu ni rôle ni beau rôle

Elle ne recherche plus
Pour chérir son reflet
Comme hier
Un sourire à ses lèvres nues
La nonchalance flatteuse des vitrines

Elle ne sort plus. Elle reste dans le noir
Avec le même rêve
D'un danseur évident
Qui passe devant elle et ne la voit pas. »
...


Poésie nahuatl d'amour et d'amitié, La différence, coll. Orphée, 1991, 121:

« La demeure de l'Inventeur de soi-même
ne peut être nulle part;... »


 Yves Namur,  Fragments de l'inachevée, Les éperonniers, 1992, 27:

L'Autre
Est nulle part
Et en nulle part.

L'Autre
Est en tout
Et l'Autre est partout.

 

Jusqu'en la fêlure
de l'Un,

Jusqu'en l'absence
de l'Un.


Octavio Paz, Le singe grammairien, cité par Y. Namur dans la postface de Trois visages de l'écrit (L. Wouters, Espace Nord, 2016, p. 199):

« Je me rends compte à présent que mon texte n'allait nulle part, , sinon à la rencontre de moi-même. »


Gérard Prévot, L’impromptu de Coye, Le Taillis Pré, 2012, 229-230:

76 « Et si l’ange n’existait pas ? disent les sages.
Si la mort s’amusait à brouiller les messages
Avant d’anéantir la ville et ses remparts ?
Que répondre ? Je sais à peine si j’existe.
J’estime qu’il serait effroyablement triste
Que l’amour à la fin n’existât nulle part. »


Jean-Philippe Querton, Squelettes au haras, Cactus inébranlable, 2014:
« Un beau projet de vie: partir de rien pour arriver nulle part. »


Un papillon ou deux, Olga Sedakova, in Anthologie de la  poésie russe contemporaine 1989-2009.

à la mémoire de Vélimir Khlebnikov...

 Que nous chaut le dernier cri du jour
 et ce qui fait fureur dans la nuit ?
 Ce monde, comme un crâne, regarde:
 nulle part, fixement...
 D'un papillon, Vélimir, ou de manière
 encore plus brève
 nous pavoisons les résidus.


 Fernand Séverin, ART POÉTIQUE,  recueil La solitude heureuse inclus dans Poèmes, La Renaissance du livre, 1930, 179

Tu ne te trouveras nulle part, sauf en toi...
Pour avoir méconnu l'unique et simple loi,
Que maints autres, plus grands, ont humblement suivie,
Et cherché ton poème ailleurs que dans ta vie,
Voici que, dès le seuil, tu te prends à douter...

Ton âme parle: il te suffit de l'écouter.
Sa voix est douce: elle est insinuante et tendre;
Parfois le bruit du monde empêche de l'entendre
Parce qu'étant une âme elle parle tout bas:
Si tu l'écoutes bien, pourtant, tu l'entendras...

Fernand Séverin,


 Marie-José Viseur, in Nulle part amarrée, poèmes, éd. De l’Acanthe, 1998, 9:

Donner sa chance  
au vent qui vient de terre si lointaine  
qu’on ne sait cette terre nulle part amarrée,  
consolée
par des eaux fraternelles  

un vent qui ne naquit  
ni mistral, ni tramontane,  
sirocco, aquilon,
ni derviche tourneur.

Donner sa chance  
au vent debout sur son vertige.


Liliane Wouters, in Le livre du Soufi, Le Taillis Pré, 2009.

Même si tout s’arrêtait là,
Au dernier souffle, à la fosse, à la cendre,
Même s’il me fallait descendre
Ces escaliers qui ne conduisent nulle part,

Cela valait la peine d’être né,
D’avoir bu à longs traits le vin de l’existence,
D’avoir connu des joies et des douleurs intenses,
D’avoir aimé, d’avoir lutté, d’avoir pleuré.

Je n’ai pourtant pas fait des étincelles,
Rien que ces choses que l’on dit très ordinaires.
Mes fautes ne sont pas des actes mais des manques.
Je confesse médiocrité.

Mais j’ai parfois marché sur l’eau, flotté dans l’air,
Je me suis vu sur la plus haute vague,
J’ai respiré un peu d’éternité.