Quand, un siècle plus tard, le constat du triomphe de l'artiste peut s'établir, cela donne cet ouvrage lumineux & essentiel à la compréhension des deux révolutions russes de 1917.

Le dernier ouvrage écrit par cet auteur est une somme passionnante et très documentée sur la littérature & les arts au tournant de la révolution de 1917 en Russie.
Il assied notre meilleure appréhension des débuts et de l’assise littéraire et artistique des deux révolutions russes, celle de février, légale, et celle d’octobre qui ressemble bien davantage à un coup d’état sous forme de « putsch ».

Cet ouvrage est magistral dans la mesure où il brosse à grands traits, sans jamais les caricaturer, les grandes tendances les réactions d’une quinzaine de littérateurs. Jamais il n’alourdit son exposé de faits qui ne nourriraient pas son propos. Il ne perd en effet jamais l’objectif qu’il poursuit.
L’auteur, écrivain confirmé, use avantageusement de balises textuelles qui lui font tenir des propos limpides (genre: donner un exemple; user de « premier » - « second » etc. au coeur d’une trame d’exposé qui tient la route & le lecteur en haleine; baliser chaque chapitre de sous-titres clairs; etc.).

Il se lit ici un essai réussi de balisage transversal de la littérature russe entre 1917 & 1941.
Il est divisé en deux parties. La première s’intitule De l’amour à la mort et se structure en quatre chapitres :
1. Le choc révolutionnaire ;
2. Choisir sa voie ;
3. La contre-révolution culturelle (où les volutes suivies par S. Eisenstein sont suivies avec moult précisions) ;
4. Necrologe.
La seconde partie est entièrement consacrée au peintre K. Malevitch.

Toute situation de guerre (qu’elle soit armée et/ou civile) induit les mêmes réflexes chez les civils. L’instinct de conservation prime, à raison. En 1922, l’évolution du régime vers une dictature pure et dure incite à fuir une mort certaine pour certaines catégories de la population.

Les « Russes blancs » qui avaient « tenu » plus de quatre ans, rivés à l’espoir d’un retour à la situation « d’avant ». Celles et ceux qui avaient fui dès les prémices avaient eu raison, comme c’est souvent le cas des précurseurs.
Maxime Gorki (1868-1936), ce partisan des lumières, représentant de ce que T. Todorov appelle la voie critique, est de ceux-là, en 1921. 43; il revient
cependant en 1932. Il mourra en 1936. 49-54.

« D’autres sont expulsés par le régime lui-même, ainsi un groupe d’intellectuels & théologiens, qu’on embarque sur un bateau en partance pour l’Occident en 1922. Lénine, à cette origine de l’initiative, l’annonce ainsi à Staline : "On nettoiera la Russie pour longtemps. […] Tous ces ennemis hors de la Russie. Arrêter quelques centaines sans annoncer aucun motif – allez-vousen messieurs ! […] Il faut nettoyer vite."
Plus tard, certains supplieront Staline lui-même d’être autorisés à s’exiler et le pouvoir dictatorial en jouera pour le refuser à certains et l’autoriser à d’autres.

L’auteur détaille ensuite le parcours d'une quinzaine d'artistes qui adhèrent à la révolution 54-72 pour terminer par deux qui ont un jugement plus nuancé, tels B. Pasternak (1890-1960 ) & M. Tsetaïeva (1892-1941). (Probably more to come...)