Et si je suis désespéré que voulez-vous que j'y fasse ? C'est par cette phrase que se conclut l'entretien accordé par Günther Anders (1902-1992) à Mathias Greffrath en 1977. La traduction française de cet entretien est parue en 2001 aux éditions Allia. Réimpression, 2022, ce qui m'a valu de pêcher l'ouvrage dans ces boites à livres que l'éditeur met à disposition des libraires... Peut-être même bien parce qu'elle trouve un écho puissant en moi face à "la situation" que je me dispenserai bien de qualifier plus avant, tant elle est à bien des égards devenue proprement inqualifiable.

L'entretien est une bonne introduction au parcours philosophique de cet écrivain qui a traversé le siècle et est passé au travers de ses soubresauts les plus sombres. Deux de ses professeurs, Husserl & Heidegger, bénéficient de positionnements très formateurs pour l'amateur de philosophie que je suis. Souvent, un entretien bien mené avec un auteur est une bonne manière de faire la connaissance d'une personnalité dont nous ne savions rien auparavant. Cette incursion par son intermédiaire dans la philosophie allemande, puis l'anti-nucléaire et le pacifisme, est riche de possibles sujets d'approfondissements conceptuels personnels. Il avait autour de 75 ans lors de cet entretien: il avait été interrogé comme d'autres personnes qui avaient dû quitter l'Allemagne en 1933 dès la prise de fonction de Hitler aux commandes de la chancellerie, avec la complicité de la droite chrétienne. G. Stern/Anders se présente comme un philosophe de la morale (32) autant que comme littéraire: "plus de la moitié de ce qu['il a] écrit relève de la littérature, même si ... c'est de la littérature politique et philosophique." (37)

 De ce penseur-activiste, les éditions Allia ont également publié L'émigré qui m'a laissé forte impression à la lecture tant la langue native est au centre de ce décentrement majeur que représentent ces exils successifs auxquels son appartenance l'a contraint avant qu'il ne rejoigne un pays germanophone qui n'était originellement pas le sien, l'Autriche, pays de naissance de Hitler... La vie a de ces ironies, parfois.

 

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