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Les Empêcheurs
de tourner en rond,
2005
 Encre marine, 1997  Belin, 2014

 

L'être et la joie est le titre qu'a donné Robert Misrahi à un ouvrage rassemblant, en 1997, des « écrits sur Spinoza, publiés ou inédits, revus et corrigés avec notices de transition ». Ces essais couvrent cinquante années, de 1947 à 1997, d'une vie philosophique consacrée à l'oeuvre de Spinoza & à la sienne propre. Y figurent des « perspectives synthétiques sur le spinozisme ».
L'auteur y articule la table des matières en quatre parties qui se complètent d'un index de 15 pages et de bibliographies:

Parties Écrit présenté ici
 I L'accès à l'oeuvre  ...
5. Le système (2): article dans le Dictionnaire des philosophes
109-124
 II La signification de l'immanence  
 III L'éthique existentielle  
 IV La politique  


Dès l'avant-propos, Robert Misrahi (RM) précise ce que Spinoza entend par JOIE: la joie est l'expérience d'être. Il s'établit donc sous nos yeux un lien ontologique entre l'Être et la joie.

Méthode de progression en suivant quatre axes
1- Dans la première partie consacrée à l'accès à l'oeuvre, j'ai sélectionné l'essai qu'il a consacré au système spinoziste dans le Dictionnaire des philosophes. D'abord parce que l'essai est bellement structuré autour de mots clés définis dans Les 100 mots, ensuite parce que c'est dans un Dictionnaire, lieu de synthèse par excellence, qu'une approche de Spinoza a le plus de chance d'être la plus pertinente, sans simplisme inutile, vu le public visé par ce type d'ouvrage de référence, mais aussi sans développements plus finement ouvragés qui n'y auraient pas leur place.

2- En parallèle, Les 100 mots sur l'éthique de Spinoza, offrent aussi un éclairage complémentaire, notamment pour clarifier certains concepts.

3- Quelques ponts continueront à se tendre ici, entre la rive mésologique et la rive spinozienne du fleuve philosophique qui irrigue Nulle Part.

4- Et d'abord, je prendrai un peu de temps à préciser la portée des réécritures syntaxiques auxquelles, comme linguiste, je procède souvent pour me permettre d'intégrer les concepts, de les mâchouiller tout à loisir dans une syntaxe qui devient mienne, tout en ayant pour tension constante le respect des idées présentées, moins la forme stricte que les auteurs leur donnent.


PLAN DE L'ESSAI de RM
1.  le système & l’existence singulière 113-116
2.  le désir & l’être 116-119
3.  le contenu & la possibilité de l’éthique spinoziste120-122
4.  Éthique & politique 122-124
5.  la rigueur & l’utopie 124

RÉÉCRITURES DÉFINITOIRES
Une méthode


 1. Il ne s'écoule pas de concepts novateurs de la plume nullepartienne.
Elle habille, formule, de façon terminologique, des liaisons, des liens, des rapprochements effectués entre les concepts développés par des philosophes comme Robert Misrahi (RM) et à travers lui, Benedictus de Spinoza (BS).
2. L'apport de cette plume-ci tient tout entier dans la reformulation syntaxique serrée à laquelle elle soumet les phrases qui lui parlent, qui évoquent en elle un écho positif; cette reformulation a pour effet de lever toute ambiguïté qui avait pu glisser du doute dans la compréhension.
3. Ces réécritures définitoires sont peut-être une contribution spécifique.

4. La densité des jours, éclairés par la philosophie spinoziste telle que RM l'expose, a pris un tour époustouflant ! Cette densité joyeuse est de nature à unifier plus encore une vie tendue vers cet accomplissement-ci.

5. Il a fallu procéder, au long cours, par actes singuliers, tels que prendre
connaissance approfondie de la linguistique pragmatique, façon François Richaudeau, pour adapter une méthode de lecture dynamique de textes scientifiques en anglais !
6. Il se développe ici une autre utilisation particulière, évoluant avec le temps vers des cartes mentales, qui sont peut-être en passe de devenir un instrument puissant de visualisation très clair de ces deux approches philosophiques que sont le spinozisme et la mésologie.

7. C’est comme si chaque étape dans une carrière, finie désormais, concourait à cette forme d’intégration aboutie qui pourrait déboucher sur une originalité donnant au parcours entier une signification intuitivement acquise et débouchant sur une apothéose heureuse, en n’omettant aucune des étapes dont ce parcours est jalonné.
8. Je suis tout à la fois enchanté, épanoui et serein face à ce balisage essentiel de ce parcours-ci.
9. Dans la technique de lecture, il peut aussi se faire qu'elle procède à l'envers du déroulement du texte pour en mieux apprécier la structure fine, parfois implicite.


L’être & la joie 109-124 Le système (2), article signé par RM dans le Dictionnaire des philosophes, Puf, 1986. Collection Quadrige.

Introduction
En 1660 BS s’installe, il a 28 ans, à Rijnsburg, unvillage près de Leiden. Il forme un cercle d’études avec ses amis protestants non calvinistes. RM ne dit rien d’autre de ce cercle d’études.
En 1663, il se rapproche d’autres protestants en s’installant à Voorburg près de Den Haag: Huygens, Saint-Evremond, le libertin érudit, FR; Saint-Glain, traducteur du Traité théologico-politique (TTP).
En 63, BS publie son 1er ouvrage Principes de philosophie cartésienne pour son élève Caserius. et le début d'une Grammaire hébraïque; il traduit aussi Le Pentateuque en néerlandais.
En 1670, il doit quitter Voorburg pour Den Haag. Il publie de façon anonyme le TTP. Il inaugure avec lui la critique rationnelle de la bible. C’est le plus important ouvrage publié de son vivant.
Il met en place sa doctrine immanentiste et révolutionnaire. Toute l’Europe traditionaliste & chrétienne comprendra qu’il y a dans cette œuvre un « danger » d’athéisme et une ouverture sur une morale et une politique indépendantes.
L’originalité et la force de l’éthique tiennent à l’anthropologie du désir. 113


L’article ensuite se structure en 5 axes:

1.  le système & l’existence singulière 113-116

Du désir comme mouvement vers l’être. Le désir est par définition désir de la joie. Le pacte social du régime politique démocratique n’a pas d’autres buts que la liberté.


RAPPORT
Quel est le rapport entre le système total du monde et l’existence d’un être ? La doctrine moniste de la substance a pour fonction d’éclairer ce rapport.

La méthode géométrique est un moyen de   
  1 convaincre 
   2 démontrer
   3 communiquer.


Il ne s’agit pas d’exprimer avec ce moyen une vision quantitative du monde.
Tiens, ici aussi RM revient sur

   Typologie des trois genres de connaissance: 113
 1er genre  Par ouï-dire Connaissance empirique sans fondement.
Elle ressortit de la confusion des sens.
Elle est passive et répétitive;
elle est source de toutes les désillusions.
 2genre  Rationnel et démonstratif
 (comme les maths)
 La connaissance de 2e genre
procède par l’enchainement déductif
&  emploie des notions communes.
Elle définit la science intuitive.
Le savoir ici est certes fondé, nécessaire & universel
mais uniquement conceptuel & abstrait.
 3e genre  la science intuitive  Elle saisit intuitivement un rapport de façon intellectuelle
et immédiate le rapport entre un attribut infini de la nature
et l’essence de la chose= un mode singulier de cet attribut.
La connaissance du 3e genre appréhende,
comprend de façon immédiate, le lien entre les réalités
singulières et les aspects spécifiques de la nature infinie
qui les fonde (choses ou idées).
C’est vers ce genre de connaissances
que toute l’éthique conduit son lecteur.
Le contenu, la signification  ne peuvent être saisis
qu’avec la vérité.
La science intuitive appréhende concrètement
(et non plus abstraitement comme dans le 2egenre)
LE RAPPORT / LE LIEN. 114


1er Par ouï-dire: connaissance empirique sans fondement
2e Rationnel et démonstratif (comme les maths); le savoir ici est certes fondé, nécessaire & universel mais uniquement conceptuel & abstrait.
3e Le contenu, la signification ne peuvent être saisis qu’avec la vérité / la connaissance du 3e genre est la science intuitive: elle appréhende concrètement (et non plus abstraitement comme dans le 2egenre) 114
LE RAPPORT / LE LIEN, dit RM dans les 100 MOTS, s'opère entre 1-  la totalité comme substance & 2- la singularité de tout être.

Cette science intuitive (3e genre) consiste à saisir l’immanence de la manière dont les réalités singulières s’insèrent dans la nature infinie.
Cette science intuitive implique de se libérer par rapport à tous les mythes de transcendance & de libre arbitre.
La science intuitive libère l’esprit à la fois de l’imagination et de la servitude.
Il s’agit dès lors de se libérer définitivement de la connaissance de 1er genre, la connaissance empirique, car elle produit l’imagination illusoire et la fausseté des idées tronquées. Seule la connaissance de 2e genre, la connaissance rationnelle, peut déboucher sur et engendrer un système d’idées adéquates relatives aux structures de l’être, c’est-à-dire la nature. C’est seulement à partir de cette connaissance rationnelle, à partir de l’unité de nature que peut émerger la saisie intuitive du lien entre
-  les choses singulières &
-  la nature infinie.
La béatitude et la liberté en découlent, d’où naît le sentiment d’éternité.
Plus on est capable de saisir du lien par la science intuitive, plus nous acquérons de l’intérieur la conviction de l’unité du monde & plus nous accédons à la plus haute joie.

Se convaincre que le monde est un.

Accéder à la plus haute joie.


Car mieux on a conscience de soi-même, c’est-à-dire plus on est parfait et heureux.
À la fin de l'article consacré à la connaissance, ces mots-clés apparaissent: amour conscience éternité idée raison satisfaction de soi vérité.

Il s’écrit ainsi un balisage essentiel du spinozisme grâce au génie philosophique de Robert Misrahi, bien ancré dans notre temps.


LA CONNAISSANCE
En saisissant un rapport il s’agit d’une CONNAISSANCE et non d’une effusion mystique.
Q/ Mais pourquoi cette connaissance est-elle

-  intuitive,
-  totalisatrice
-  & singulière ?

R/ Parce que sa fonction véritable est d'être existentielle.
Le système et sa connaissance ont pour but d’accéder à sa fonction véritable, qui est existentielle.
Le système et sa connaissance ont pour but d’accéder à la sagesse comme joie. La joie est la conscience de l’intégration de l’individu à la totalité dont il fait partie.
Cette intégration au tout est une libération et une joie.

La connaissance a pour fonction de fonder l'existence.


LA BÉATITUDE
Cette joie se nomme BÉATITUDE et se pense comme bonheur

- de plénitude &
- de connaissance.

Ce bonheur est le but véritable de la philosophie comme système. Le système de l’être n’est pas au sommet de la pyramide substance, ensuite attributs et enfin modes. Ce sont les trois concepts fondamentaux de l’ontologie spinoziste.
Il faut représenter le système de l’être, Pas sous forme de pyramide, mais d'un plan horizontal et homogène où il y a identité absolue de la substance et (avec ?) de ce monde-ci (C’EST-À-DIRE de Dieu) & (avec ?) de la nature Attribut
La substance est connaissable par ses attributs. Et les attributs sont réels parce qu’ils sont la substance. L’attribut est une perception véridique de cette réalité qu’est la substance. L’attribut et la substance sont identiques. L’attribut est infini, éternel & nécessaire.
En cela il est la substance qui possède les trois mêmes "caractéristiques". Les attributs se définissent des aspects réels de la substance qui sont perçus par l’esprit humain au moyen de l’entendement.
Les attributs ne sont pas d’un niveau ontologique inférieur à la substance car il n’y a qu’un seul niveau de l’être.
Les attributs sont AUTONOMES dit RM, et ont DEUX FONCTIONS:

1. la première permet d’écrire DIEU= LE MONDE
2 LA 2e affirme l’absolue autonomie de l’attribut et permet une nouvelle approche de la question des relations entre le corps et l’esprit; entre la matière et la pensée. 100 mots, 81


LA VERTU
La vertu est-elle une caution du désir ? LA VERTU occupe une place centrale dans la philosophie de Spinoza, ce système, tout autant que LA PERFECTION. Subversif, Spinoza en construit sa propre définition « en opposition critique à la conception monothéiste. » « Il commence par donner au mot vertu le sens étymologique qu’il possède en latin: la vertu est la force intrinsèque d’une réalité. » La vertu « n’est pas une qualité morale, mais le contenu et l’efficacité de l’essence même de l’acte de penser. »
« Le fondement de la morale, càd le fondement de lavertu. Le fondement de la vertu est l’effort même pour conserver son être. » 100 mots, 390
« La vertu n’est rien d’autre qu’agir selon les lois de sa propre nature. » Agir: « il s’agit bien d’action ».


L'IMPUISSANCE
Le contraire de la vertu est « L’IMPUISSANCE DE L’ÂME. La vertu véritable est l’action autonome & adéquate d’un être qui n’agit que selon sa propre essence. » « L’essence est la définition d’une chose. » 160
Spinoza « s’efforce d’[en] analyser au plus près lanature et les pouvoirs. »
« L’essence de l’homme est une contingence comme appétit, comme désir et comme raison. »

 

Il n’est probablement pas inutile de rappeler que CONTINGENCE est un terme dont RM et Augustin Berque (AB) partagent l’usage & la définition dans l’exposé de leurs systèmes de portée philosophique.
Définition extraite de la Terminologie mésologique dynamique: La contingence se situe entre le hasard et la nécessité.
Pour la contingence, « Les choses pourraient toujours être autrement qu’elles ne sont, mais elles sont concrètement ce qu’elles sont en fonction d’une certaine histoire & d’un certain milieu, qui ont du sens pour & par un certain interprète » qui est un sujet individuel ou collectif.
Pour définir le lien entre langue et pensée, pas de causalité mais de la contingence.
Le terme provient se co-toucher (cum tangere).
AB, Poétique de la Terre, 207 & PT §32 150


LA VERTU, deuxième
« La nature, à travers l’esprit humain, pense activement des objets et leurs définitions » 100 mots, 161
Le mot morale, puis celui de vertu me sont offerts par l’éveil. « La vertu est aussi la recherche de l’utile propre, càd ce qui va réellement accroître la puissance et donc la joie d’un individu spécifique. » 100 mots, 390
Spinoza « pose les nouveaux fondements de la moraleà la seule lumière de la vérité et des structures de l’esprit humain. » 100 mots, 391
« Plus on a le pouvoir de conserver son être, plus onest doué de vertu. » Citation écrite par BS, citée in 100 mots, 391
Le droit de nature est « la puissance de l’effort livrée à elle-même. Il produit la guerre et la destruction. » 100 mots, 391
Seul le droit civil, posé par un pacte social affiné par la raison, permet le développement pacifique de la puissance de vivre de chacun. Il en va de même de la vertu: la vraie vertu ne consiste en rien d’autre qu’à vivre sous la conduite de la raison. »
La vraie vertu consiste seulement à vivre sous la conduite de la raison.
« la vertu est la recherche de son propre bonheur et de ce qui nous est utile. »
« Notre action doit être éclairée par la raison, càd À LA FOIS par la connaissance de notre propre essence ET par la référence à l’autre homme car « une action vertueuse, càd éclairée et autonome, rencontre fort logiquement le souci de l’autre. » 100 mots, 392


Ce souci de l’autre: AB ne dit rien d’autre, mais d’autre façon,
quand il nous entretient dans la décosmisation:
Le souci de l'autre est
absent dans la première partie de Poétique de la Terre;
il se réintroduit dans la partie consacrée à la recosmisation.

La vertu est maitrise rationnelle du déploiement existentiel d’ellemême comme JOIE. La vertu est « la félicité même ».« Elle est elle-même et par elle-même JOIE & LIBERTÉ. » 100 mots, 392


LA BÉATITUDE

« La vertu spinoziste n’est rien d’autre que la réalisation de soi et la félicité même. »
La réalisation de soi et la félicité même sont « rendues possibles par la connaissance rationnelle. LA VERTU EST LA BÉATITUDE MÊME. » 100 mots, 393
LA VERTU EST JOIE SUPRÊME PARCE QU’ELLE EST LIBERTÉ & BÉATITUDE. LA VERTU TROUVE EN ELLE-MÊME SA PROPRE SATISFACTION » 100 mots, 393
Spinoza « condamne ici … toute morale de la rétribution. » 100 mots, 394
« La béatitude, qui est la joie suprême, n’est pas une récompense de la vertu. » La vertu doit « être poursuivie pour elle-même. »
C’est parce que nous éprouvons la joie de nos désirs sensuels, qui sont eux passifs, que nous pouvons réprimer ces désirs car « la béatitude n’est pas la récompense de la vertu, maisla vertu même. » 100 mots, 394


2. le désir & l’être 116-119
L'ÊTRE
L’être est le tout de la nature. À LA FOIS comme l’ensemble des esprits singuliers ET l’ensemble des corps matériels. L’être est le réel lui-même EN TANT QU’il se fonde lui-même sur lui-même comme fait global, originel, autonome et non créé. L’être est cette autonomie absolue et indépassable de la Nature conçue PAR-DELÀ ses déterminations particulières et ses apparences particulières.
Il s’agit d’une ONTOLOGIE NATURALISTE ET MONISTE QUI A VALEUR D’ATHÉISME.


L’ÉTHIQUE SPINOZISTE
-  n’a pas de fondement théologique,
- est le contraire d’un moralisme qui s’efforceraitde définir des obligations d’origine transcendante.
L’éthique spinoziste ne définit aucune obligation d’origine transcendante.
Spinoza rejette À LA FOIS l’idée d’une morale fondée sur des sanctions
- extérieures comme les menaces et les promesses, comme les châtiments et les récompenses ;
- intérieures comme le remords OU la bonne conscience orgueilleuse.


LA NATURE

Dieu càd la Nature n’est pas un
- juge
- monarque
- père,
* ce qui serait un anthropomorphisme,
* ce qui donnerait à Dieu forme humaine.
Tout comme Spinoza rejette la transcendance, Spinoza rejette cet anthropomorphisme et le moralisme autoritaire qui en découle. De même, la politique ne saurait avoir de fondement théologique. LE DROIT repose sur la collectivité rationnelle, [qui découle de] l’acte même du pacte social, strictement humaniste. L’État, la communauté politique, décide par ses instances démocratiques d’observer une série de coutumes qui unissent les hommes par le principe moral de la justice et de la charité », qui n’est pas considérée comme une vertu dans l’Éthique. » 117


LE DÉSIR
La philosophie du DÉSIR est une anthropologie qui est destinée à mettre en place une philosophie de l’homme et une philosophie de la liberté de l’homme.
Cette philosophie est non seulement une théorie de la connaissance mais encore et surtout une théorie du désir. BS se propose d’étudier les affects actifs et passifs selon la méthode déterministe et déductive, comme il étudierait des surfaces, des lignes et des volumes.
Cette méthode n’est pas sa propre fin. Il s’agit [par cette méthode] d’élucider les liens d’intelligibilité qui unissent un acte et sa cause, ses motifs et ses fins.
Le but de cette méthode appartient à la science rationnelle en vue de comprendre la réalité humaine 117 dans son univers strictement naturel, univers qui est lui-même susceptible de devenir un objet [d’étude] pour la connaissance. Le projet spinoziste tient son originalité foncière, non pas dans sa
méthode déterministe et déductive, mais ce projet doit son originalité à l’importance particulière et la fonction particulière qui sont accordées à LA DOCTRINE DU DÉSIR que RM nommait ailleurs THÉORIE DU DÉSIR.
Doctrine et théorie semblent donc être des termes équivalents pour lui.
Le désir existe au croisement de l’esprit et de la matière. LE DÉSIR EST L’ESSENCE DE L’HOMME qui existe au croisement (en l’homme ? JM) de l’esprit et de la matière. Le DÉSIR se définit comme effort de persévérer en essence & en existence dans l’être.
Le DÉSIR permet de comprendre À LA FOIS l’UNITÉ de l’homme et l’UNITÉ de la substance-Nature ET la signification philosophique de l’éthique.
L’être n’est rien d’autre que la jouissance même de l’existence. On en dispose (de l’existence) et on en jouit. L’existence du désir= le désir existe sous la forme d’un mouvement existentiel

- vers l’être et sa persévérance indéfinie
OU
- ou vers la substance, qui est l’existence conçue

-- comme infinie cette fois,
-- comme l’expression infinie et le déploiement infini de la puissance d’exister. 119

Il est frappant comme RM utilise des instruments dans la logique du discours qu'AB est allé valider en Orient, comme le 2e lemme dans ce cas-ci:

NI Le désir
NI la substance ne sont des choses.


PUISSANCE

Le désir et la substance sont la puissance d’exister C’EST-À-DIRE

- puissance d’agir
- puissance de jouir de l’être
- puissance de se penser.

Cette puissance d’exister est pensée

- dans UN CAS dans sa détermination singulière INDÉFINIE,
- et dans l’autre cas par delà toute détermination, INFINIE.

Le désir et la substance sont la puissance d’exister
C’EST-À-DIRE
Puissance d’agir, de jouir de l’être, de se penser.

Cette puissance est pensée dans un cas dans sa détermination singulière (indéfinie) et dans l’autre cas par delàtoute détermination (infinie).


UNE ANTHROPOLOGIE PHILOSOPHIQUE

L’ontologie spinoziste est une anthropologie philosophique
C’EST-À-DIRE
Une science de l’homme en mesure de

1.  rendre intelligibles les enchainements des affects et des actions
2.  de livrer la signification profonde de ces enchainements entre les affects et les actions.
Comme logique concrète du désir, ces enchainements entre affects et actions expriment tous le désir d’être C’EST-À-DIRE le désir d’exister

-  comme puissance toujours croissante,
-  comme plénitude toujours

o  plus riche
o  et plus satisfaite.

L’ontologie rend possible l’anthropologie qui rend possible l’éthique puisque chez Spinoza l’éthique est étroitement liée à l’essence de l’homme comme désir.
Ce n’est pas parce que les choses sont bonnes que nous les désirons, [MAIS] c’est parce que nous les désirons qu’ellles sont bonnes.
Il s’agit ici de fonder l’éthique sur la signification

-  ontologique
-  & existentielle.

Spinoza récuse au passage LA CROYANCE selon laquelle l’esprit pourrait agir sur le corps ou le corps sur l’esprit.
Je constate moi-même que les actes posés par le corps sans volonté manifeste, mais en conscience de sa part font l’objet d’une tentative d’interprétation par l'esprit, sans jugement de sa part: il est devenu mieux à même de décoder à partir des signes émis certains messages qui seraient en accord avec ce qu’il sait déjà.

Tout comme Spinoza récuse également L'HUMILITÉ qui est une tristesse née du fait qu’un homme considère sa propre impuissance.
L’humilité ne nait pas d’une pensée vraie càd que l’humilité ne nait pas de la raison.
« L’humilité n’est pas une VERTU mais une PASSION. »


3 Le contenu & la possibilité de l’éthique spinoziste 120-122
Donc, 3a: l’éthique, quelle est sa nature ? Et quecontient-elle ?
3b Comment rendre possible cette éthique dont la nature, le contenu sont définis par Spinoza ?
Si le désir définit comme bien ce qu’il poursuit & définit comme mal ce qu’il fuit, c’est alors que ce désir-là est essentiellement désir de puissance comme existence et activité. Cette puissance se comprend comme joie quand elle est en acte
et elle se saisit comme accroissant.
Cette puissance se comprend comme tristesse quand elle n’est pas en acte. Joie et tristesse sont deux formes fondamentales du désir.
Les affects qui découlent de cette joie ou de cettetristesse « ne sont que des modalités ».
Seule la joie est bonne parce que « le désir est fondamentalement mouvement vers le sentiment d’être. »
Le sentiment d’être est la puissance qui s’accroît en acte et se saisit comme
-  jouissance,
-  accord avec soi-même,
-  et donc joie, qui est plénitude.
« Plus précisément cette plénitude qu’est la joie se nomme béatitude quand elle est parvenue par connaissance du deuxième et du troisième genre à un état tel
-  de liberté
-  d’autonomie
-  d’indépendance
que l’on peut parler de salut.


4 Éthique & politique 122-124
« La politique est consubstantielle à l’ensemble de la doctrine » développée par BS. 123
Le but final de la philosophie est d’instaurer une éthique et de donner accès à la joie. Le but final de la politique est de rendre cette fin réalisable.
« La théorie de l’État est le moyen de l’éthique philosophique. » 123
La société civile, comme État de droit fondé sur un pacte, a pour fonction immédiate d’instaurer la sécurité empirique et la liberté empirique.
Ce pacte consiste en une loi commune érigée de commun accord. Il n’est pas nécessaire que les individus soient déjà libérés [car] les institutions bien faites équilibreront les passions.
C’est ce pacte que le libéralisme a défait: nous n’avons pas pris garde à ce détricotage mû par le seul profit de quelques-uns, les ultra-riches. (commentaire personnel)
Pour BS, l’institution politique a une seconde fonction, moins urgente mais plus haute: [il lui revient d’]établir les conditions « qui rendent une vie véritable de l’esprit et non pas une simple persévérance végétative. »
Cette vie véritable de l’esprit « ne peut être obtenue et exprimée que par la connaissance. »
L’État, la structure politique sont « le moyen de la vie libérée des individus ».
« Mais il n’appartient pas à l’État de définir ce vrai bien et ce bonheur libéré. [C’est à] l’individu qu’il revient de parcourir par lui-même les étapes de l’itinéraire qui conduit de la servitude inquiète à la plénitude réfléchie. »
« L’état de nature est celui de la violence. » L’État est utile comme élément indispensable du système pour créer les conditions indispensables à cette libération philosophique.
La constitution d’un État « ne tient son autorité que d’elle-même, sans référence à un Dieu, à un prêtre ou à un prince. Le vrai bien est défini par la seule réflexion humaine indépendante.


5  La rigueur & l’utopie 124
Aucun élément de la pensée spinoziste n’est idéaliste (= platonicienne ? ednp), ou utopique au sens strict. & cependant nous ne sommes pas en présence d’un réalisme.
L’ambition philosophique de Spinoza est d’une ampleur considérable. Elle vise la joie extrême & la liberté intérieure sur le plan existentiel.
Et elle vise la liberté collégiale et la liberté juridique sur le plan politique. Son esprit utopique soutient toute l’éthique. C’est donc LA RIGUEUR EXTRÊME DU DISCOURS DÉMONSTRATIF DE SPINOZA QUI EN FAIT L’ORIGINALITÉ FONCIÈRE AUX YEUX DE RM.