Note de synthèse

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Cette note assez étendue (!) a pour objectifs,

  1. dans un premier temps, d'y assembler six essais précédemment publiés sur Nulle Part ayant le corps pour sujet philosophique principal;
  2. dans un second temps, d'y frotter des concepts récurrents à l'aune des approches plurielles précédemment lues, observées puis mises en place en soi;
  3. pour aboutir à une meilleure intégration notionnelle des six essais en un seul reprenant l'ensemble des récurrences en lissant les doublons conceptuels.

Ce processus d'écriture conceptuellement réorchestrante est en cours; les étapes conceptuelles prendront un peu de temps à s'intégrer; vous assistez ainsi au façonnement progressif d'une pensée de plus en plus personnelle.

Les six essais assemblés ici ont pour titre: Sommaire des chapitres

  1. S'apprécier, car L'ESPRIT EST LA CONSCIENCE DU CORPS
  2. Les structures d'une conscience
  3. La conscience observatrice
  4. Le corps-conscience d'après J. F. BILLETER
  5. Du corps journalier de soi
  6. Une appropriation personnelle

Ils constituent ensemble les six chapitres de cette note de synthèse.


Table des matières analytique

PREMIER CHAPITRE
S'apprécier, car L'ESPRIT EST LA CONSCIENCE DU CORPS

 Bribes philosophiques nullepartiennes

  1. Apprécier être cette femme devenue/cet homme devenu
  2. L'amour peut être
  3. L'autonomie du corps et de l'esprit
  4. Seule l’intelligence permet
  5. Amour de soi
  6. Les balises philosophiques
  7. Un sage…

DEUXIÈME CHAPITRE

Les structures d'une conscience

D'après Robert Misrahi, La joie d'amour, pour une érotique du bonheur, ed. J'ai lu.

1er temps: le sujet
2e temps: sa liberté
3e temps: son désir.
Chaque temps comporte deux niveaux.

TROISIÈME CHAPITRE

La conscience observatrice

D'après Jean François Billeter

  1. Autonomie confiante
  2. La conscience en tant que spectatrice/observatrice
  3. TAO
  4. Le vide

QUATRIÈME CHAPITRE
Le corps-conscience d'après J. F. BILLETER

D'après Jean François Billeter

Note liminaire d'amplification conceptuelle

  1. Premier temps: lumière
  2. Deuxième temps: conscience
    1. approche définitoire
    2. deux caractères définitoires de la conscience
  3. Troisième temps: corps défini
  4. Le corps pense
  5. Amplification poétique & conceptuelle
    1. Cette définition fore, à même le corps, un chemin
    2. Le chemin entrepris fourbit de joie l'ancrage
  6. Références croisées
    1. Éthique V, une lecture cursive

 CINQUIÈME CHAPITRE
Du corps journalier de soi

 Bribes philosophiques nullepartiennes

  1. Observer avec attention l'insertion du corps dans le flux
  2. Un chemin propre tracé par le colloque en soi
  3. Faire évoluer la physiologie du corps
  4. Alimenter la raison intuitive
  5. Inclusion

 

SIXIÈME CHAPITRE
Une appropriation personnelle

D'après Pierre Macherey, Introduction à l'Éthique de Spinoza, La cinquième partie: les voies de la libération, Presses Universitaires de France, 1994.

Ce chapitre est extrait d'un autre essai consacré à la cinquième partie de l'Éthique de Spinoza: Éthique V: une lecture cursive.Il formerait même bien conclusion pour cette note de synthèse, très analytique finalement !


REMIER CHAPITRE
S'apprécier, car L'ESPRIT EST LA CONSCIENCE DU CORPS

Plan du premier chapitre (première publication 03 08 2016 dans le recueil consacré aux Bribes philosophiques nullepartiennes)

 Apprécier être cette femme devenue/cet homme devenu

 L'amour peut être
 L'autonomie du corps et de l'esprit
 Seule l’intelligence permet
 Amour de soi
 Les balises philosophiques

 Un sage…

Apprécier être
cette femme deve-nue,
cet homme deve-nu

Est-ce  l'amour  de  soi qui fait acquiescer à soi ? En  latin, acquiescentia  in  se  ipso, l’expression est de Spinoza, Robert Misrahi la traduit par « la satisfaction de soi ».

Spinoza sur l'amour: « Jamais nous ne faisons effort pour nous en affranchir », c'est « qu'il est nécessaire que nous n'en soyons pas affranchis ». In Court Traité, cité in 100 mots 352.

« Parce ce que l'individu est effort (conatus) et désir, il est le mouvement d'une recherche  de  puissance  intérieure.  Tous  les  affects  de  l'individu  sont  des accroissements ou des réductions de cette puissance d'exister. »

Tous  les  affects  de  l'individu  sont  des  accroissements  ou  des  réductions de cette puissance d'exister.

L'individu est mouvement. Ce mouvement individuel cherche à développer sa puissance intérieure. Cette puissance intérieure est régie par l'effort et le désir. Ce désir individuel consiste non seulement à persévérer dans son être mais aussi à le faire progresser et à s'y accomplir plus pleinement. (Voir J F Billeter qui explique pourquoi il lui semble rationnel de compléter la formule de Spinoza. Il s'en explique longuement dans Esquisses, ouvrage auquel un essai lui est consacré sur Nulle Part.). Ce désir de progresser et de s'accomplir s'efforce d'accroître sa puissance d'exister tout en persévérant dans son être en mettant en mouvement aussi sa raison intuitive. Il semblerait même que lorsque ce désir perd ses dimensions de progression et d'accomplissement, il peinerait davantage à simplement persévérer dans son être.

L'effort nécessite une mise en mouvement et une persévérance s' accomplissant dans la durée; cette ardeur continue confirme chaque jour le désir de progresser sur le chemin intérieur. Ce désir amoindrit autant que faire se peut certains effets inutilement délétères provoqués par quelque cause extérieure.


L'amour peut être,
est en puissance:

Source

L’amour peut être d’abord passif et passionnel, puis peut devenir plus actif et autonome.
Tout  mouvement  d'accroissement  de  cette  puissance  intérieure  recherchée nous est JOIE, tandis que toute réduction d'icelle nous est TRISTESSE.

Chercher à augmenter sa puissance intérieure s'instaure JOIE. La joie constitue l'effet souhaité de ce mouvement régi par l'effort, Conatus, dont Pierre Macherey suggère trois traductions, selon le contexte dans lequel Spinoza emploie le terme latin: tendance, effort, pulsion.

L'amour est puissance intérieure joyeuse qui s'accompagne d'une cause extérieure.

Cette puissance intérieure est-elle aussi amour de soi ? Elle émane en tout cas de soi, instigué le plus souvent par des causes extérieures. Il y a cependant lieu que l’individu ne s’oublie pas dans l’aventure amoureuse: un autre ne peut être aimé de façon vraie (nue) que par un être qui s’aime  d’un  amour  s’écoulant librement de l’intérieur vers l’extérieur, & non, bien sûr, d’un amour égotiste autocentré sur soi oubliant tout le reste. Ça, c’est l’égotisme si commun dans le monde contemporain: il ne sait plus personne d’autre que le Moi. Le Moi n’a rien de commun avec le soi.

Il semble impossible d’aimer d’autres personnes si l’individu en soi ne s’aime pas d’abord de façon « active & autonome », en actes posés qui  suintent de l’intérieur de soi de façon libre et sans compter, et surtout d’abord sans autre cause qu’intérieure.

Non ?

Quand elle est devenue plus active et autonome,  la joie, ce contentement intérieur, découle de l'essence vraie de l'individu.
Quand  elle  est  passive  ou  passionnelle,  la  joie découle davantage de causes extérieures que de causes internes et connues. RM 100 mots

Il  y  a  lieu  donc  de  jouir  d'un  amour  plus  actif  et  autonome  de  soi  que  le contraire. Ce mouvement actif, autonome & joyeux s'écoule de l'essence vraie de soi1.


1 Essence veut dire « définition », 150 in 100 mots sub 'essence'


Je reprends: Ce mouvement actif, autonome & joyeux s'écoule de la définition vraie de soi. Ou encore: la définition vraie de soi prend sa source à même ce mouvement actif, autonome & intérieurement content.

Le mouvement du soi peut devenir plus actif mais n'être pas encore autonome. Tout semble avoir lieu par étapes, mûrement infléchies/réfléchies (?) en soi, pas à pas. De mini-correction de trajectoire en mini-augmentation de l'activité corporelle tendue vers une plus grande autonomisation de soi, un détachement s'opère face à certains effets délétères provoqués par des causes extérieures au soi, comme une immoblisation d'une confiée aux bons soins d'une ostéopathe, par exemple. Ce processus est bien intégré & ne doit pas être réfléchi à neuf, en repartant de zéro. (Ça sent le vécu, non ?...)

Je suis même surpris d'en redécouvrir à la mi-juillet 2022 la pertinence intrinsèque.

Le degré d'autonomie du soi s'accroît à  mesure qu’il progresse à promouvoir l'épanouissement  du corps; chacune, chacun à sa manière prendra soin du corps en le réactivant périodiquement, en le « rebranchant » à la Terre par ces deux passages d'énergie que sont les jambes afin que le corps devienne mieux apte à activer de la façon la plus autonome possible l'énergie qui passe par la plante des pieds, et ce, dans les deux sens: du haut vers le bas & du bas vers le haut.

L'esprit  saura  avant  le  soi  (avant  le  corps) qu'il dépendra toujours, pour une autonomie pleine, entière et vraie (nue) du soi, de se reconnecter à l’énergie terrestre. Sans en faire tout un plat.


L'autonomie du corps

&
de l'esprit

 

Source

Précisons d'emblée qu'il ne s'agit nullement de traiter ici de l'autonomie du corps par rapport à l'esprit mais bien de prendre en compte les deux ensemble par rapport à ce que Spinoza nomme bellement des servitudes. Notre auteur n'a de cesse de démontrer encore & encore leur union tendre, lieu d'unicité immanente de l'être. Comme le synthétise d'une formule R. Misrahi (92, in 100 mots): L'ESPRIT EST LA CONSCIENCE DU CORPS. L'esprit, la conscience du corps.

L'esprit: un fidèle compagnon du corps, en quelque sorte.

Dépendre  d’assuétudes  quelconques  est  antinomique  d’une  libération  du corps. Rejoindre le poids adéquat de soi, en son corps, a facilité cet accès à l’autonomie dans mon cas.

À cette fin, l’ouvrage de M. Desmurget, L’anti-régime, Maigrir pour de bon, publié aux éditions Belin (voir l'essai Maigrir par la philo !),  pourrait se  révéler  pour  vous  aussi  (!)  une  aide précieuse si le sucre industriel notamment constitue une assuétude. Pour d’autres, le tabac, l’alcool, les drogues, les jeux de hasard, le gsm, les jeux en ligne, etc. peuvent constituer d’autres assuétudes dont il est préférable de s’écarter pour faire  entrer  le  corps  dans  la  libérté  car  ce  sont  des  servitudes, terme qu'emploie Spinoza, des asservissements.

En  parallèle, l’esprit trouvera assurémenent roboratif de développer par ses lectures spinozistes sa propre autonomie de pensée, du penser vrai (nu). Il se tracera  probablement en vous, dans  la  joie, un  chemin du Désir qui est satisfaction de soi. Le Désir tel que Spinoza le conçoit est  l’essence (la définition) concrète de l’être humain; le désir sera en outre le fondement de la morale puis de la  sagesse de l’Éthique, l’ouvrage fondamental de Spinoza. Légèrement reformulé d’après Les 100 mots sur l’Éthique, de Robert Misrahi.

Je  suis  certain d'avoir trouvé mon havre philosophique en Spinoza, par l'entremise en premier lieu de la traduction commentée que Robert Misrahi nous en a offert dans les années 1980. Depuis, d'autres traductions ont également été lues & appréciées: dans l'ordre celles de Bernard Pautrat, Pierre-François Moreau & enfin celle, récentre d'un groupe autour de Maxime Rovere. Il m'étonnerait fort que je change encore de philosophe de référence [l'abondance d'essais consacrés à l'oeuvre de Spinoza en témoigne. Ce serait réduction de la puissance philosophique universelle que l'esprit maîtrisera pas à pas, à son rythme.]

D'autres philosophes font également l'objet de lectures attentives sur Nulle Part, souvent complémentaires d'ailleurs tels Clément Rosset & son réel sans double et Jean François Billeter & son principe d'intégration.

Il est peut-être d’autres chemins philosophiques aussi libérateurs, que sais-je. Je n’ai pas emprunté ces chemins-là. R. Misrahi, en philosophe de formation, a aussi développé sa propre philosophie, moins marquante à mes yeux (voir le recueil qui lui est consacrée): Robert Misrahi affirme n'avoir pas décelé d’autres cheminements aussi libérateurs que celui tracé par Spinoza. Pour lire l'oeuvre de Spinoza dans ses moindres recoins, ainsi que ses commentateurs dans les trois langues que je pratique (français, anglais, néerlandais), j’aurais tendance à lui donner raison, mais je suis un amateur de philosophie non un professionnel. Il est loin d’être le seul à indiquer le chemin spinoziste comme chemin possible de libération du soi  dans  l’ici  et maintenant: 

A.  Comte-Sponville  fut  pour  moi  pendant  très longtemps l’unique source d’accès indirect  au  spinozisme. Puis Éric Delassus allume le désir du texte en direct mais ne l'approfondit pas assez pour la recherche essentielle entreprise. Je ne sais plus comment Robert Misrahi (RM) est apparu, une contingence heureuse certainement !

Michel Juffé, J F Billeter, Maxime Rovere, Pierre Macherey, Bernard Pautrat, Pierre-François Moreau, Edwin Curley notamment ont rejoint ma bibliothèque depuis ma première lecture de l'Éthique dans la traduction de R. Misrahi..

& dès lors les mots de Spinoza et de ses commentateurs, se tissent patiemment à la matrice même de ce soi-ci. Spinoza écrivait en latin, qu'il apprend à l'âge de vingt ans pour mieux communiquer avec d'autres philosophes européens. C'était la langue internationale à l'époque ! Chaque trimestre ajoute d'autres plumes philosophiques qui ont écrit sur Spinoza.

Mais, j’y insiste, vos sources sont sur votre chemin, pas le mien. Assurez-vous simplement que les vôtres promeuvent votre liberté individuelle, sans induire un autre asservissement de type religieux, voire sectaire. Les charlatans & autres gourouteux/gourouteuses courent les  rues  et  la  Toile !  Il  paraît  évident  que  l’unité  du  corps  est  un  référent essentiel, sans autre vie disponible que celle que vous vivez ici & maintenant.


« Seule l'intelligence permet »

 

« Seule l'intelligence permet d'accéder à cette joie qui est

- amour de soi (philautia)
&
- accord avec soi-même,

- repos en soi-même
- & consentement à sa vie & à son être. » 355 in 100 mots

Voilà.

« Le  sens  même  de  l'éthique réflexive est l'accès à cette joie qui est la satisfaction de soi. » p. 354 in 100 mots

Accéder  à  la satisfaction  de soi  est  joie Which  is  totally  different from  being self-satisfied, a form of egotism. Ce qui n'a rien à voir avec l'autosatisfaction, une forme d'égotisme fort courue de nos jours.

C'est
parce que le corps consent  joyeusement à l'être devenu, le point de départ de ce fil réflexif,
- qu’il  consent tout aussi intérieurement content à œuvrer à la meilleure vie qu’il mène, plus saine, détachée du monde mais impliquée par certaines actions autonomes positives;
c'est
parce que le corps consent joyeusement à l'être devenu

  • qu’il est en accord de plus en plus complet avec le soi deve-nu;
  • qu’il  sait  être davantage
    • en repos avec soi, ce qui ne signifie pas au repos, mais bien n'être le siège de moindres tiraillements intérieurs, d'in-quiétudes nuisibles;
    • être en congruence la plupart des instants.

La congruence n'est pas un concept spinoziste mais il a pour sens l'accord avec soi-même. At least a lot of overlap between the two; they are two overlapping concepts. Ce sont deux concepts qui se chevauchent largement, en tout cas.
Être mieux détaché du flux quotidien, tout en y participant de façon choisie, y compris  dans  l’exercice  de  sa  profession  bien  sûr, mener  vie  détachée  de (presque) tout & de tous. « Détachée » s’entend par « avec détachement », ce qui ne veut pas dire isolée. 

C'est la suppression la plus complète possible d'un tiraillement intérieur provoqué par une cause extérieure néfaste, toxique même parfois, qui maintient l'accord en soi de façon optimale. La congruence intérieure exerce une force, un effort, s'opposant au tiraillement intérieur.

C'est à ce détachement recherché que la pratique quotidienne de soi s'emploie. Cela constitue en soi un travail assidu assemblant autour de lui un ensemble de concepts qui facilitent la pratique quotidienne de soi. À nouveau, chacune/chacun les siennes/siens pourvu qu'ils tendent à accroître la congruence en soi.

Il peut alors se développer de la sorte le sentiment, non de supériorité mais de complémentarité assumée, respectueuse, mieux distanciée avec vos amis proches, sans plus vous  encombrer encore des pires « agitatrices, agitateurs d’énergie négative » autour de vous. Regardez mieux: il en est d’innombrables.


Amour de soi

 

L'activité amoureuse consiste

  • à se rendre aimable à soi & aux autres,
  • à bouillonner désormais en soi à jets bien plus continus, moins discontinus en tout cas, sous forme de charisme pour  nos proches & les individus que les contingences de la vie nous font cotoyer.

Une forme de sérénité s'accomplit en soi, peut même s'épanouir en dehors de soi pour autant que leur énergie personnelle ne soit pas néfaste au soi.

Le soi en est bien évidemment le premier bénéficiaire. Il semble qu'il s'agisse d'une  source intarissable, liée à la matrice même du flux de vie qui propulse, inonde & empreint.

En favorisant ce bouillonnement intérieur, il pourra alors se donner sans compter autour de soi… à ses proches ainsi qu’aux personnes rencontrées  dans  la  vie  de  tous  les jours, en leur portant une attention pleine le temps de l'échange. Des manifestations d'humanité à l'égard de soi peuvent en confirmer la matérialité parce que l'individualité en eux s'est  sentie reconnue, sous forme d'un  sourire, une  réponse, une  micro-conversation de votre part.

L'autonomie de soi conquise par rapport aux autres ne dépend plus d’eux pour votre joie. Les moments où le soi est seul en soi seront sereins, bienvenus, ressourçants même. Bénéfiques. Recherchés. Nécessaires même.


Les balises
philosophico-scientifiques

 
En cliquant sur chaque couverture, l'hyperlien vous amène à un essai sur l'ouvrage.

La richesse que ces activités  autonomes apportent  résultera  de  cette  patiente recherche de sérénité à laquelle elles contribuent bellement & qui trouvent en soi l'aliment  nécessaire  à leur profusion.

Cette lente recherche de sérénité intérieure

  • teste la patience intérieure;
  • requiert de l'assiduité, de la constance, de la connivence avec soi.
  • elle se rencontre d’abord dans les livres de philosophie (et non de psychologie...), & en soi seulement par la suite.

À force de lectures diversifiées, des réflexions plongent leurs racines dans la vitalité même du corps. Quels livres ? Chaque chemin est inédit. Il n’en existe pas d’universels, valables pour tout le monde.

Sur ce parcours de vie, mon histoire personnelle m’a en premier fait toucher le tantrisme non-dualiste des Shivaïstes du Cachemire. Il m’a mis sur le chemin du meilleur épanouissement  corporel  de soi tout en me faisant rencontrer plus aisément les bonnes personnes. Le tantrisme non dualiste du Cachemire m'a ouvert à l'extrême-orient & à ses philosophies.

Lilian Silburn (sinologue avertie, INALCO) est l'équivalente de  R. Misrahi: elle pour les tantra, lui pour le spinozisme. Elle initiera ses lecteurs à la kundalini (principalement non sexuelle2), que je reconnaîtrai en moi; cette présence énergétique est désormais sans questions. Je développe amplement les apports reçus en suivant ce lien.

Mes trois sources (Tantrisme, Spinozisme et sur un autre plan L’anti-régime de M. Desmurget) sont tellement intégrées au corps maintenant que cela coule de sources encore indistinctes, même si elles sont mieux localisées, dans des sillons bien creusés à même le corps qu'il n'est pas important d’en distinguer encore les flux, tant ils se marient avec élégance.

Leur  tarissement  correspondra  de  façon  vraisemblable à la fin de la vie coulant en ce corps-ci, qui entraînera l'esprit dans la mort. (On a  le temps, hein !) Je ne doute plus trop qu'ils m'accompagneront jusqu'à la dématérialisation du corps. 


2 Voir Homogène pour saisir le moment de cette dissociation.


Un sage

Spinoza est un sage qui nous revient de son XVIIe siècle par l’entremise de tant d'interprètes différents. Ils nous proposent tous « un mode de vie qui [est] une sagesse sereine, faite

- d'acceptation,
- de contentement intérieur
&
- de joie spirituelle. …

à atteindre au moyen d'un système complexe & rigoureux de concepts exactement définis & enchaînés. [Cette sagesse sereine est] chaleur concrète de la joie, de l'amitié & de la satisfaction. » (341, 100 mots sub sagesse)
Cela constitue « l'originalité & la force de la pensée spinoziste d'avoir su établir le lien étroit entre la rigueur logique d'un système
- de l'homme
- & de la nature,
& l'intensité existentielle d'une éthique de la joie. »

 La  sagesse dont il s'agit dans l'Éthique « est celle de ''l'homme libre'':  l'homme libre ne pense à rien moins qu'à la mort, & sa sagesse est une  méditation non de la mort mais de la vie ». 341, d'après éth. IV 67

 La  sagesse a  pour objet  de méditer  sur  la  vie, c’est-à-dire sur le  contenu que chacun·e souhaite donner à son existence.

 Deux autres formulations qui n’en changent pas le sens, une simple trituration syntaxique, un dada personnel qui éclaire parfois le sens en se l’appropriant:
 - La méditation de la vie, c’est-à-dire le contenu de l'existence, est l'objet de la sagesse.
 - La méditation sur le contenu de l'existence, c’est-à-dire de la vie en soi, est l'objet de la sagesse.

 Spinoza distingue de façon rigoureuse entre

- les idées, qui sont des actes,
&
- les images, qui sont comme des 'peintures muettes'.

 « Seul l'enchaînement rigoureux des idées (et non pas l'association d'images, de croyances & de superstitions) permet de comprendre

 - la [n]ature,
& par suite
- l'homme
&
- son désir, » 342

« En traitant de la conduite de la vie, en Éth. IV, Spinoza écrit: ''Il appartient à l'homme sage d'user des choses, d'y prendre plaisir autant qu'il est possible (non certes jusqu'à la nausée, ce qui n'est plus prendre plaisir).
Il appartient à l'homme sage, dis-je, d'utiliser pour la réparation de ses forces & pour sa récréation des aliments & des boissons agréables en quantité mesurée, mais aussi les parfums, l'agrément des plantes vives, la parure, la musique, les exercices physiques, le théâtre & tous les biens de ce genre dont chacun peut user  sans  dommage  pour  l'autre''  (Éth.  IV,  45,  commentaire  du  Corrélat  II). » Spinoza semble ici avoir prévu que M. Desmurget écrirait L’anti-régime...

Pour Spinoza, les passions sont autant de passivités.

La vraie source, la source nue de la libération de l'homme est la connaissance qui est la véritable puissance. La  connaissance est  la  véritable  puissance de la femme libérée, de l'homme libéré.

L'être humain accède à la libération en accédant à la connaissance par ce qu'elle est la véritable puissance. [Cela ravit l’enseignant passionné que j’ai été pendant toute ma carrière!]

En connaissant mieux les processus de l'imagination

- association,
- ressemblance,
- mimétisme,
- inversion des affects,

l'esprit humain peut

* reconnaître son 'bien véritable' dit Spinoza
* & poursuivre son 'utile propre' par une action adéquate.

Ce processus de libération est efficace, c'est pourquoi « le sage a plus de force que l'ignorant ». 344 C'est une conception dynamique de la sagesse.
[Oui mais, objecte quand même le pédagogue tapi en moi, l'ignorant ne le sait pas… qu’il l’est, ignorant, ce qui rend très difficile la tâche des pédagogues car plus un ignorant l'est, plus il est certain de son savoir & ne voit pas l'utilité d'en acquérir d'autres puisqu'il en sait déjà un… croit-il !]

L'accès à une forme de sagesse par la connaissance produit une maîtrise intelligente des désirs passifs.

Spinoza:  « La  béatitude  n'est  pas  la  récompense  de  la  vertu,  mais  la  vertu même;…  c'est parce  que  nous  en  éprouvons  de  la  joie que  nous  pouvons réprimer les désirs » passifs. Traduction R. Misrahi, 345

C'est  parce  que  nous  éprouvons  de  la  joie à  fréquenter  cette  vertu  que constitue  la béatitude que  nous  parvenons  à  réprimer  les  désirs  par  la connaissance  qui  n’est  pas  le but  mais  le  moyen  d’atteindre  cette  béatitude spinoziste.


Les illustrations de ce chapitre ont déjà été publiées ailleurs sur Nulle part, où les références sont reprises quand elles sont connues; deux sont neuves sur Nulle part et sont sourcées..




DEUXIÈME CHAPITRE

Les structures d'une conscience

 

Plan du deuxième chapitre (première publication 04 10 2016 dans le recueil consacré à Robert Misrahi)

Dans La joie d'amour, Robert Misrahi s'attache, aux alentours de la page 130, aux structures d'une conscience en trois temps définitoires:

1er temps. le sujet

2e temps. sa liberté

3e temps. son désir.

Chaque temps comporte deux niveaux.


Premier temps: le SUJET

1er niveau

Tout individu est déjà un sujet, pas forcément
- maître de ses passions,
- rationnel dans ses actions,
- satisfait de son existence;
mais
- conscient de lui-même,
- et de sa propre identité personnelle.
L'individu est un sujet parce qu'il est toujours présent à lui-même comme étant lui-même.

2e niveau sous forme de corollaire: Tout individu peut passer de la conscience quotidienne (je suis moi) à la réflexion, c’est-à-dire la conscience de second degré.
Il adopte ainsi une perspective de surplomb.
Il accomplira la formation de soi par lui-même, grâce à ce travail réflexif; il travaille ainsi à l'instauration de sa propre souveraineté.


Deuxième temps:
sa LIBERTÉ

 

1er niveau

Tout individu est déjà libre: « L'action, la vie sont des ARRACHEMENTS constants au passé immédiat & des dépassements constants vers le futur immédiat… Mais, bien entendu, j'ai pu faire un mauvais choix: … voyage décevant. La première liberté n'est pas forcément HEUREUSE & INDÉPENDANTE. »
Être libre, certes, dit RM, « mais dans un déploiement de la vie qui peut être désastreux…

2e niveau

SEULE UNE LIBERTÉ ÉCLAIRÉE, c’est-à-dire de second niveau, sera en mesure de SATISFAIRE PLEINEMENT le sujet dans son existence. »
La réflexion approfondie par le sujet souverain, c’est-à-dire la conscience réflexive.
La conscience et la liberté de second degré vont ensemble, « sont un seul et même évènement, un seul et même fait du réel.


Peut-on objecter à cela le déterminisme, que RM définit de façon limpide: le déterminisme « est une interprétation de l'action à postériori. » ?
L'interprétation « invente les causes après avoir pris de connaissance des effets.
Or ces évènements sont des actions contingentes, imprévisibles par quiconque. »
Donc, non on ne peut objecter le déterminisme.


Comment passer de la liberté de premier niveau où le sujet ordinaire est ballotté par les évènements et dépend quoique librement de forces extérieures dont il se fait complice à une liberté éclairée de second niveau ?


Troisième temps: son DÉSIR

La question de ce passage met en avant le désir.
1er niveau
- forme non réfléchie,
- mouvement dynamique qui déploie par lui-même sa propre énergie.

2e niveau

Le désir véritable
- est une initiative qui donne du sens à l'énergie physique interne (ex. l'appétit & le choix d'un menu).
Le désir a un sens.
Le sujet lui-même donne un sens au désir.
Le désir EST une action présente et désirante.
Le désir FORGE son propre sens par les buts que cette action présente & désirante poursuit.
L'énergie qui propulse cette action est le désir poursuivant un but qui forme son propre sens, qui donne un sens au désir.
Désir et action sont indissociables.
Le désir est « l'énergie qualitative, le dynamisme de l'action ».
L'action révèle son propre sens par ses propres buts.
Le désir est l'énergie même de l'action.
L'action est le sens du désir.
La signification du désir n'est pas antérieure à l'action (elle serait pauvrement orgastique). La signification est contemporaine de l'action parce que celle-ci est l'action même du désir.
L'action et le désir ensemble inventent le sens.

Reformulations
- Le sens est inventé simultanément par l'action et le désir.
- Le sens est le désir en acte.


RM: Le désir est
la conscience elle-même,
la conscience en acte

  
C'est comme conscience que le désir a un sens.
Le désir est l'activité même de la conscience.
L'activité de la conscience « commence souvent par être CONFUSE & ERRONÉE ». Mais c'est parce que le désir est une conscience qu'il pourra agir sur lui-même et passer
1. de la vie spontanée & maladroite
2. à la vie souveraine & réfléchie.
Le désir de l'accomplissement = le désir éclairé qui pourra éventuellement devenir
- le moteur
- la raison
- la motivation
d'un changement radical dans
- les perspectives
- & les contenus
du désir.


Un dernier aspect à évoquer est

 

la problématique du MANQUE


Le manque est
- provisoire,
- qualifié,
le manque aspire activement à son propre dépassement.
Le manque sait qu'il y est déjà parvenu & qu'il y parviendra de nouveau.
Ce dépassement du manque est le plaisir.


Ce plaisir est une complétude, chair & esprit, peut devenir
- satisfaction,
- joie,
- contentement.
Le renouvèlement du désir est le signe de la vitalité du sujet.

Le sujet poursuit des objets de plus en plus
- significatifs,
- adéquats,
- gratifiants.
La complétude peut devenir de plus en plus
- riche & nuancée,
- vive & intense
jusqu'à l'accès à l'expérience de la plénitude.


FINAL

Le désir est le mouvement de recherche d'une complétude aussi intense que solide et significative.
Cette complétude est bonheur et accomplissement qui permet de dépasser le manque par l'expérience substantielle et active du bonheur. Le bonheur est l'horizon de tout désir.

Ce mouvement est saisi par le sujet
D'ABORD d'une manière obscure et incomplète;
ENSUITE il peut devenir le moteur et la motivation d'un changement radical du désir, c’est-à-dire de la personnalité.
FINALEMENT, il peut aboutir à la conscience heureuse et accomplie.

C'est par elle-même que la conscience œuvrera à fonder son futur accomplissement.




TROISIÈME CHAPITRE

La conscience observatrice

Plan du troisième chapitre (première publication 26 01 2018 dans le recueil consacré à Jean François Billeter)

Autonomie confiante
La conscience en tant que spectatrice/observatrice
TAO
Le vide


L'auteur de référence pour ce troisième chapitre n'est plus Robert Misrahi mais le sinologue suisse Jean François Billeter. Un recueil lui est par ailleurs consacré sur Nulle Part.

Autonomie confiante

L’autonomie joyeuse de soi s’instaure petit à petit

  • dans la confiance paisible qui s’installe en soi: l’énergie s’écoule en un flux libre de circuler, d’aller et de venir en soi, y compris dans les zones d’ombre & de nuit qui constituent la part majeure de nous-mêmes. Ces zones semblent la plupart du temps inaccessibles à la conscience;
  • dans la meilleure prise en compte des forces en nous qui agissent sans que la conscience soit de la partie (et encore moins aux commandes!).

Ce double constat s’adosse à la lecture exhaustive & une traduction sélective que fait JF B du Tchouang-tseu: quand la confiance mise en soi est présente, il revient au soi de laisser agir ces forces, en ne voulant pas agir soi-même, comme si la conscience nous donnait le sentiment de maitriser le cours des choses, ce qu’elle ne peut pas faire; tout au plus peut-elle en faire le constat d'un déroulement.

La conscience agit alors comme une observatrice de l’action exercée par ces forces: en n’intervenant pas, elle rassure le soi (si le soi est de nature inquiète!) sur le bon déroulement des choses.

La conscience/observatrice exerce une forme atténuée de magistère d’influence bienveillant pour le déroulement des choses tant qu’il advient de façon conforme aux limites qu’elle avait préalablement mises.


La conscience en tant que spectatrice/observatrice

Quand notre conscience est dégagée de tout souci pratique, elle peut se faire spectatrice de ce qui se passe en nous. JF B, Leçons, 68

C’est un des régimes de l’activité tels que JF B les définit dans ses Leçons sur Tchouang-tseu au Collège de France. La conscience en tant que spectatrice/observatrice ne dirige rien, observe, assiste au spectacle qui se déroule devant elle, aux activités qu’enfile le corps. Elle pourrait interrompre un acte qui va à l’encontre de son intuition profonde.

JF B emploie l’adjectif spectatrice; je lui préfère observatrice, qui m’est venu spontanément avant de relire le passage de JF B, pour la simple raison que le verbe *spectater n’existe pas en français alors qu’observer, oui.

L’approfondissement à l’oeuvre dans cette réflexion vespérale va dans deux directions:

  • attribuer à la conscience le rôle d’observatrice des actes posés, de l’action en cours;
  • d’autre part, JF B nomme plus précisément la nature des forces à l’oeuvre.

Il établit une distinction entre deux formes d’énergie dans ses Notes sur Tchouang-tseu et la philosophie, VII, 88:
Il existe deux formes d’énergie:

  • l’énergie subtile qui constitue le fond de toutes choses,
  • l’énergie diffuse que nous avons en nous. Cette énergie diffuse est (= se définit comme) UN VIDE ENTIÈREMENT DISPONIBLE c’est-à-dire l’énergie encore indéterminée dont surgira l’acte.

TAO

« L’acte (une des traductions du terme TAO, la voie) s’assemble seulement dans ce vide. » (Confucius) C’est dans ce vide que la voie à suivre trace les pas du corps.

« Une entière disponibilité est la condition de l’acte. » C’est parce que l’énergie est encore indéterminée que l’acte s’assemble, avec la conscience comme observatrice du (bon) fonctionnement des choses (autre traduction de TAO).

« Le ts’i (chi) n’est pas le fondement de l’univers entier, dont nous ne savons rien, mais celui de notre réalité corporelle & de notre subjectivité. » id, 89
« Ce ts’i-là est une activité (tao), il connaît en nous différents régimes »
«  Ce ts’i-là peut (engendrer), dans certains de ces régimes, des idées nouvelles ou des actes inspirés qui sont des évènements

  • pour ceux qui les accomplissent
  • comme pour ceux que ces actes touchent ou qui en sont les témoins. » 89

Le ts’i en tant que fondement de notre réalité corporelle et fondement de notre subjectivité semble pouvoir être mis en regard de la kundalinî telle que la définit le shivaïsme tantrique du Cachemire (Inde, voir l’ouvrage de L. Silburn).

Jean Lévi, dans sa traduction publiée aux Belles Lettres du Tao Te King de Lao-Tseu (2019) ajoute une série de traductions possibles pour tao, la voie: principe absolu | chemin | pratique | recette | doctrine| parler. Ces déclinaisons de sens en français dépendent du contexte dans lequel le terme apparait. J. F. Billeter & J. Lévi insistent tous les deux sur cette multiplicité.


Le vide

C'est JF B lui-même qui nous invite dans ses Notes à relire un passage d'une de ses Leçons parues antérieurement: dans la partie Une apologie de la confusion, il y traduit un dialogue extrait de Tchouang-tseu entre Confucius et son disciple préféré:

- Et qu'est-ce que le jeûne de l'esprit ? demande Yen Houei.

- Unifie ton attention, répond Confucius. N'écoute pas avec ton oreille, mais avec ton esprit. n'écoute pas avec ton esprit, mais avec ton énergie. Car l'oreille ne peut faire plus qu'écouter, l'esprit ne peut faire plus que reconnaître tandis que l'énergie est un vide entièrement disponible. La Voie s'assemble seulement dans ce vide. Ce Vide, c'est le jeûne de l'esprit. Ch. IV, le monde des hommes (4/a/26-28) Leçons, 94.

 En passant de l'oreille à l'énergie diffuse en faisant étape par l'esprit, il s'agit de faire progresser « l'attention portée à l'activité du corps propre ». Dans l'immobilité, « dans le calme, le corps propre se perçoit comme un vide ». « Nous touchons véritablement ici aux données élémentaires de l'expérience, à l'infiniment simple - ou à l'infiniment proche, ou presque immédiat... » 95

« Quand nous réfléchissons, que nous formons une phrase ou que nous cherchons un mot, par exemple, l'esprit s'absente pour laisser faire le corps. ... Il nous faut faire le vide pour que nos forces puissent s'assembler et produire l'acte nécessaire. Nous savons que l'incapacité de faire le vide produit la répétition, la rigidité et, dans les cas extrêmes, la folie. La faculté de faire retour sur le vide permet ... d'épouser les métamorphoses de la réalité, de ne plus subir aucune contrainte et d'agir juste en toute circonstance. » 97

 Ce vide est fécond, nourricier: il est important de rester en contact avec lui, nous dit encore JF B avant de traduire un autre passage de Tchouang-tseu:

« Ne te fais pas le réceptacle du renom, la résidence du calcul; ne te comporte pas en préposé aux affaires, en maître de l'intelligence. Fais plutôt par toi-même l'expérience du non limité, évolue là où ne se fait encore aucun commencement. Tire pleinement parti de ce que tu as reçu du Ciel, sans chercher à te l'approprier; contente-toi du vide. L'homme accompli se sert de son esprit comme d'un miroir - qui ne raccompagne pas ce qui s'en va, qui ne conserve rien, et qui de ce fait embrasse les êtres sans jamais subir de dommage. Ch. VII, Rois et empereurs (7/f/31-33)


Mots-clés: confiance / La conscience/observatrice / énergie subtile &diffuse / forces / Tao: La Voie, l'acte, l'activité, le fonctionnement des choses ( déroulement des choses) / vide





QUATRIÈME CHAPITRE
Le corps-conscience d'après J. F. BILLETER

Plan du quatrième chapitre (première publication 17 01 2018 dans le recueil consacré à Jean François Billeter)

Note liminaire d'amplification conceptuelle

  1. Premier temps: lumière
  2. Deuxième temps: conscience
    1. approche définitoire
    2. deux caractères définitoires de la conscience
  3. Troisième temps: corps défini
  4. Le corps pense
  5. Amplification poétique & conceptuelle
    1. Cette définition fore, à même le corps, un chemin
    2. Le chemin entrepris fourbit de joie l'ancrage
  6. Références croisées
    1. Éthique V, une lecture cursive

Note liminaire d'amplification conceptuelle

Cette note rassemble plusieurs citations définitoires concernant le corps et la conscience provenant de l'oeuvre de J. F. Billeter telle qu'elle s'écrit en douze volumes parus aux éditions Allia. L'objectif est de dégager progressivement tous les caractères définitoires qui peuvent avoir pris un peu de temps à se formaliser d'ouvrage en ouvrage sous la plume de l'auteur.

Cette note tente ensuite d'amplifier la définition du corps que J. F. Billeter nous donne à lire, en commençant par Esquisses (ed. Allia, 2017) qui est un ouvrage plus récent que eux qu'il a rédigés sur Tchouang-tseu (Notes et Études, notamment).

Les Esquisses s'enchaînent, s'intègrent mutuellement l'une l'autre dans une cohérence très maîtrisée par un corpus de certitudes que l'auteur semble avoir acquises en suivant le cours de sa vie. Un exemple en trois temps. De nombreuses autres références antérieures apparaissent également dans son oeuvre. Un écheveau dont le fil se démêle, en quelque sorte.


Premier temps: lumière

Quand je m'observe, dit-il, « quand je me contente de voir », « je vois que ma conscience fait partie de mon activité, qu'elle est elle-même activité. [Ma conscience] est pareille à une LUMINESCENCE apparaissant dans la nuit intérieure du corps. » Ma conscience est pareille à « une sorte de réverbération qui s'y produit quand cette activité s'intensifie. »
« En s'intensifiant, [cette activité] produit un FOYER LUMINEUX plus diffus ou plus concentré et, dans certains cas extrêmes, un ÉBLOUISSEMENT. Dans le grand calme, elle se mue en une luminosité égale et douce. »


Deuxième temps: conscience

« Ce n'est jamais qu'une partie réduite de mon activité qui devient consciente... de façon discontinue dans le temps, à des degrés variables [d'intensité], cependant que le reste de mon activité demeure dans la pénombre, l'obscurité ou la nuit. »

Approche définitoire

Dans les Études sur Tchouang-tseu, la CONSCIENCE retient également l'attention de l'auteur: Ceci n’est pas à proprement parler une définition mais ce paragraphe aide à s’en approcher; « Si l’on admet que la conscience doit se laisser instruire par le ‘corps’ et que toutes les transformations qui se produisent en nous sont l’effet de ‘l’imagination opératoire’, on voit aussitôt de quoi la société actuelle est malade. Elle est dominée par un paradigme qui postule au contraire la primauté de la conscience, du contrôle, du savoir et de la représentation. » La conscience y est asservie. Il devient de plus en plus difficile de « suivre les instructions du corps et de l’imagination, ou seulement de les entendre.
Coupée de ses ressources essentielles, elle ne peut ni évoluer, ni se transformer.
L’impuissance, la frustration et l’angoisse généralisées qui en résultent sont traitées par des palliatifs qui accroissent notre dépendance et nous coupent encore plus de nos propres ressources. »

Deux caractères définitoires de la conscience

Ceci encore sur la conscience figurant à la fin du premier chapitre des Études: la CONSCIENCE possède deux caractéristiques: elle est énigmatique (c’est-à-dire obscure et secrète, d’après le dictionnaire des synonymes de H. Bertaud du Chazaud) et fragile.
« Le sentiment de maitrise que nous donne notre conscience est trompeur. La CONSCIENCE ne nous assure pas le moyen de dominer notre destin ni même de bien régler notre vie. » 39
Reprise: La conscience peut nous tromper si elle nous donne le sentiment de maitriser [le cours des choses] en nous enfermant dans cette illusion comme dans une bulle. Elle nous rend aveugles.
Il nous faut [alors] admettre l’impuissance de toute action consciente pour dominer notre destin et bien régler notre vie.
EN D'AUTRES TERMES, il nous revient de confier le chemin de notre vie au corps car «  nous avons en nous des forces susceptibles d’agir à sa place. » Il nous revient « de les laisser agir et pour cela ne pas vouloir agir soi-même. » 39
JFB conclut: [Tchouang-tseu] « s’est en outre aperçu que ces forces nous permettent d’agir sur les autres, de recevoir en nous leur action. Ces forces forment le fond vivant de nos relations avec autrui. » Études, 39


Troisième temps: corps défini
L'auteur appelle corps cette partie d'ombre et de nuit qui est la part majeure de nous-même. Le moteur ordinaire du corps semble avoir été bien capté par l'auteur. Il cerne la complicité que la conscience, qui en fait partie, peut néanmoins établir avec lui.


Le corps pense

L'Occident s'est accroché à la déduction; l'Extrême-Orient, lui, induit. Le corps pense: « La conscience prend connaissance de la pensée qui se forme dans l'activité du corps [émergeant] dans sa sphère éclairée. 34 Réfléchir, c'est donner le temps nécessaire à la pensée de faire son travail. Quand une décision est difficile à prendre, un débat contradictoire s'instaure dans la sphère éclairée de la conscience. Même dans ce cas, c'est le corps qui tranche. 36 La conscience reçoit les effets de l'imagination (la mise en images). Elle est une puissance du corps. La conscience reçoit cette puissance du corps et n'en est pas la source. Tout est important dans cette définition du corps.

Dans les Études sur Tchouang-tseu, J F Billeter définit aussi le CORPS: « Par ‘corps’, nous entendrions, non le corps anatomique ou le corps objet, mais le corps propre, que nous définirions de la façon la plus  ouverte possible, comme ‘’ la totalité des forces, des ressources et des facultés, connues et inconnues, qui sont en nous... que nous avons à notre disposition ou qui nous déterminent’’ (déf. complétée par une citation plus complète figurant p. 145). Le corps ne serait pas une chose, mais l’ensemble (non limité, non-limitable) de l’activité qui porte notre conscience. Il serait l’ensemble de l’activité qui nourrit notre vie consciente tout en l’excédant de toutes parts. Cette définition rendrait superflue la notion de l’inconscient. »

Une convergence avec l’inconscience avec R. Misrahi se lit en suivant ce lien. (Mais les psychanalystes ont-ils repéré ce rapprochement ? L’inconscient serait-il une inconscience, une forme d’inconséquence…)
De plus, dans une note, l’auteur attire aimablement notre attention, facilitant dès lors le rapprochement, sur la présence d’une définition analogue à la page 50 des Leçons.
La voici:
CORPS: « Notre esprit est la cause de nos errements & de nos défaites tandis que le corps, entendu non comme le corps anatomique ou le corps objets, mais comme la totalité des facultés, des ressources & des forces connues et inconnues de nous, qui [sont en nous] et portent notre activité. Le corps ainsi conçu est notre grand maitre. »

« Dans un autre passage [des Études, 119], je le définissais [nous dit l'auteur dans les Notes p. 30] comme l'ensemble de nos facultés, de nos ressources et de nos forces, connues ou inconnues de nous, autrement dit [je définissais le corps] comme un monde sans limites discernables au sein duquel la conscience tantôt disparaît, tantôt se détache à des degrés variables selon les régimes de notre activité. »


Amplification poétique & conceptuelle:


Nuit

L’épaisseur nocturne
est un recours pour
le repos des terriens.

S’y déposer est essentiel
au chemin du souffle intérieur
qui parcourt le soi.

Il s’y ressource au-delà
des balises conscientes du soi,
il s'y préserve même, peut-être.

The awakening
shines
from inside out.

L'éveil rayonne [à partir] de l'intérieur.

La part consciente de l’activité du corps: un fil ténu dont il s’agit de saisir les messages émanant de ce corps penseur de soi. Par-delà sa part consciente. La conscience reçoit… les images. La conscience est une puissance [au service du corps], elle lui est subordonnée. C’est de la définition du corps par J.-F. Billeter qu’émerge une vérité du corps contemporain, en adéquation avec les traditions ancestrales de la Chine, dont cet auteur est imprégné.

Cette définition fore,
à même le corps,
un chemin.

Prendre conscience de sa force, de sa pertinence, imprègne le corps contemporain de soi en triturant les mots, le vocabulaire que cette Esquisse 14 offre à notre réflexion appliquée. (D’après J. F. Billeter Esquisse 14)

Le corps, cette part d’ombre & de nuit qui est la part majeure de nous-même. Attacher ses pas à éclairer l’ombre & la nuit du corps de soi mobilise une vie jusqu’à parfaire le réel des jours.

Most people don’t understand their body at all. They marvel at it when they are young & regret their youth when the marvel is gone. Without ever going deeper into the self for inner regeneration.

Le chemin entrepris fourbit de joie l’ancrage.

Le corps, « cette part d’ombre & de nuit qui est la part majeure de nous-même », J. F. Billeter lui donne « un sens nouveau »: « Je m’en servirai dorénavant pour désigner
TANTÔT l’ensemble de l’activité dont nous sommes faits et qui comprend le phénomène de la conscience,
TANTÔT, relativement à la conscience, l’activité obscure qui l’engendre la porte et la nourrit. » E14, p. 33-34

La densité conceptuelle, la haute portée de chaque terme posé là fait de ce passage de l’Esquisse n°14, intitulée Le corps et la conscience, l’objet ici de triturations multiples, en vue d’appropriation. C’est l’activité obscure du corps qui engendre, porte et nourrit la conscience (2e TANTÔT).
L’ensemble de l’activité dont nous sommes faits en notre corps comprend, inclut le phénomène de la conscience (1er TANTÔT).

Ce qui importe, c’est donc le décodage conscient de l’activité corporelle dont nous sommes faits. Ce décodage consisterait à formuler pour soi des hypothèses, à se poser des questions sur cette activité dont nous sommes faits. Souvent, le pourquoi initie le constat d’une activité corporelle incomprise, par exemple une perte d’équilibre que rien d’environnemental ne semble justifier.

À force de récurrences de l’activité corporelle incomprise, une hypothèse se propose jusqu’à ce que l’évidence tombe sous le sens un jour, dans un éclair intuitif. Dans l’exemple pris, un passage d’énergie est si puissant qu’il déstabiliserait le corps ou bien alors une rupture interne momentanée du passage libre de l’énergie à travers le corps, souvent dans le bas des jambes, voire les pieds, provoquerait ce déséquilibre.
Avoir appris de soi qu’il suffisait à la conscience, cette vigilance attentive au soi, de geler un corps sur place un micro-instant, le temps que le passage énergétique se fasse ou que la brèche se referme pour que tout rentre dans l’ordre.

C’est à tisser inlassablement du sens en reliant corps et conscience que progresserait à force l’ancrage de plus en plus ferme, conscient, du soi en soi. C’est de cette maitrise très relative, ou bien d’une meilleure compréhension, que dépendrait l’autonomie de soi par rapport à un appareil médical lourd et qui devient si peu humain, à force d’optimisations économistes des appareils de mesureset d'épuisements humains dans cette course effrénée à toujours plus de profits, au détriment de la santé finalement à cause des coûts que cela induit pour les "patients".

Le corps s’enfoncerait plus consciemment dans le vieillir, tout en se maintenant en bonne forme. Est-ce ainsi que des balises se posent ? (dernière mise à jour de ce qui précède: 3 août 2018).


Références croisées

  1. Éthique V, une lecture cursive: à l'automne 2019, j'étais conscient qu'au terme d'une lecture accompagnée de la cinquième partie de l'Éthique, avec Pierre Macherey pour guide très expert, une synthèse s'opèrera un jour avec les cinq chapitres assemblés ici, car leurs fils s'entrecroisent continument. Il s'en fera un état des lieux, forcément provisoire, au printemps 2020 ici même. Chaque étape son temps. À pas d'humain.



 CINQUIÈME CHAPITRE
Du corps journalier de soi

Plan du cinquième chapitre (première publication 28 01 2020 dans le recueil consacré aux Bribes philosophiques nullepartiennes)

  1. Observer avec attention l'insertion du corps dans le flux
  2. Un chemin propre tracé par le colloque en soi
  3. Faire évoluer la physiologie du corps
  4. Alimenter la raison intuitive
  5. Inclusion

1. Observer avec attention

C’est à la conduite journalière de soi que le corps veille par son insertion la plus coulée possible dans le flux énergétique universel. Cette faculté d’insertion résulte d’une pratique assidue, devenue conscience, de l’équilibrage en soi

  • pour s’insérer sans dommages pour soi
  • et sans perturber le flux, si tant est que cela soit possible pour un seul être vivant.

C'est en enlevant un par un une série de filtres rosissant ou noircissant le réel que l'objectivation de certains phénomènes prenant place en soi peut avoir lieu. Le point de vue offert sur le réel vrai en soi est probablement de meilleur aloi, plus fiable.

L'observation attentive de soi contribue à l'affinement, au perfectionnement relatif de la conduite de soi. Elle n'en modifie pas le cours mais elle tient une vigilance bienvenue en éveil.

La vertu d'un engagement

  • dans la joie,
  • sur un chemin de joie

pose chaque matin l'acte qui la refonde. La conscience de soi s'imprègne profondément grâce à cet engagement vertueux. Vertu ne fait évidemment pas référence aux "ligues de vertus" mais bien au cercle vertueux, qui est l'exact opposé du cercle vicieux.

Cet isolat qu'est un corps de joie dans un monde triste qui s'écrase est une bienveillance extrême que le soi s'octroie.

Ce savoir-être accumule des savoirs-faire qui tendent à devenir de plus en plus furtifs à mesure que la connaissance des voies de la surveillance sociale augmente. Le navigateur Tor et le refus du mouchard électronique sur le nouveau compteur électrique à mon domicile sont deux apprentissages récents, traces concrètes d'une vigilance intime à s'en prémunir le moins mal possible. (source image)


Il semblerait bien qu'il existe deux flux,

  • l'un nous enveloppe à partir de l'extérieur de notre planète: je l'ai nommé le flux énergétique universel (le f.e.u.). Il émane de l'univers. La Terre baigne dans ce flux. Nous y séjournons; noussommes donc aussi enveloppé par ce f.e.u;
  • l'autre flux énergétique, terrestre celui-là, est émis par notre planète elle-même. C'est lui notamment qui colle littéralement le vivant sur sa croute terrestre (par magnétisme). C'est ce flux qui nous évite d'échapper à la gravité terrestre. Il assure à notre planète sa cohérence, son intégrité. Notre hubris, notre démesure est en train de perturber méchamment ce flux.

C'est à se pencher de façon récurrente, chaque fois selon des chemins différents & convergents, que s'approfondissent voies & concepts. Les voies opportunes s'éclairent davantage, prennent davantage la lumière. Les concepts s'affinent en s'épurant tout en se complexifiant.


2. Un chemin propre tracé par le colloque en soi


Constamment devenir le chemin qui en croise d'autres sans les suivre. Les carrefours sont des lieux de rencontre.

Croiser d'autres chemins sans souhaiter les accompagner sur le leur... car le sien propre tend à devenir persillé de la "highest happiness"...

Le cheminement du soi consiste à emprunter la voie énergétique

  • de la meilleure béatitude possible,
  • de la plus haute forme de joie,
  • de la forme la plus extrême de la joie.

 Le cheminement du soi consiste à emprunter la forme la plus stable possible de la joie.

 Le chemin du soi consiste à emprunter la voie énergétique

  • de la meilleure béatitude possible,
  • de la plus haute forme de joie,
  • de la forme la mieux optimisée possible de la joie.

C'est à ce probable prix que la meilleure puissance en soi, pour soi, par soi

  • développe un plus haut potentiel à agir au plus près de cette perfection humaine-ci, bien sûr faillible;
  • peut atteindre la puissance d'agir de la conscience en mouvement en tant que voie intérieure.

Cette puissance relative de la conscience en mouvement agit chaque fois

  • qu'elle le peut,
  • qu'elle en est capable,
  • qu'elle s'y autorise

C'est en accroissant cette puissance personnelle à agir que se trace le meilleur chemin en soi, pour soi, par soi.

C'est en rencontrant les ami·e·s aux carrefours où nos chemins se croisent que se présentent des occasions

  • de croître ensemble,
  • de partager,
  • d'ensemencer de concert l'une ou l'autre voie.

Chaque amitié son carrefour.

 Chaque soi déploie sa puissance propre à agir en découvrant le cheminement qui se trace sous ses pas. Il résulte souvent d'un colloque abouti en soi.

Ce colloque en soi

  • diffère du soliloque, qui parait chargé d'une connotation répétitive, que n'a pas le colloque en soi;
  • est la manifestation consciente de sa propre formation de concepts;
  • permet l'affinement conceptuel, la réflexion, la maturation, alimentés par les lectures plurielles, notamment Spinoza & ses interprètes;
  • n'est, lorsqu'il est actif, pas audible;
  • est par contre
    • lisible une fois qu'un résultat est devenu communicable
    • & devient même, à l'occasion, également audible;
  • dès lors, il contribue si l'oreille & l'oeil sonr réceptifs.

C'est dans la plénitude de nos fonctions que s'assument une vie tendant vers la meilleure perfection de soi possible.

Cette aspiration soutenue à trouver son plaisir dans le plaisir des autres est devenue une constance. Je l'accueille avec gratitude. Je la reçois comme un présent que la vie m'octroie.


3. Constater l'évolution physiologique du corps

La physiologie du corps semble évoluer à mesure que

  • l’unité corps-esprit (ou corps-conscience) progresse,
  • la part consciente du fonctionnement corporel s’accroit.

Il est par exemple devenu rare qu'un quatrain facétieux "doive" se déposer en dehors du havre tandis que le corps semble avoir développé une intelligence urinaire qui attend patiemment le retour pour se manifester... Parfois, face à l'appel, le retour se raisonne en indiquant très consciemment, voire en verbalisant, le temps du parcours - le corps s'apaise alors jusqu'à ce qu'il "sache" qu'il est de retour... Reconnait-il la vibration du havre ? Ou bien sont-ce les yeux qui l'informent qu'il est rentré ?

C'est à ce genre de précision que la conscience repère le chemin parcouru; il résulte

  • d'une longue recherche en soi
  • en parallèle avec la recherche de ce soi-ci désincarcéré dans ce corps-là par les Mains...

C'est à déceler la moindre source lumineuse que l'oeil exerce sa captation du réel qui l'environne à l'éveil. C'est au rayonnement de la joie en soi que s'attache le corps. Ce rayonnement est discret, souterrain, ne s'impose à personne d'autre qu'à soi. Il est pourtant essentiel à sa source & à son épanouissement dans la bienveillance.

C'est un parcours indéfini qui semble promis à toujours davantage de perfection, de réglages s'affinant sans fin. L'affinement constate l'évolution du lien corps-conscience en direction de la sérénité, la pacification. Aucune modification n'est induite par la conscience; elle se contente d'en constater les manifestations sur le corps. Cette capacité d'observation fine de soi rend compte, donne des indications qui peuvent s'avérer précieuses dans certains contacts avec le monde médical.

Le soi émane de la nature.
L'ordre infini de la nature

s'observe au quotidien

avec une acuité inlassable.


4. Alimenter la raison intuitive

C'est à l'émancipation d'anciennes contraintes morales restrictives que le corps a longuement travaillé en secret sur soi pour parvenir à cette fluidité désormais plus intuitive qui correspond tellement plus précisément à l'état de soi à chaque moment. Cette congruence est assurée par cette raison intuitive qui fusionne les 2e et 3e types de connaissance, telles que Spinoza les explique.


C'est quand la raison agit de façon intuitive que s'opère au mieux une synthèse toujours provisoire en soi; chaque jour l'adapte, la transforme, la règle, l'affirme, la confirme, la maintient puis la fait évoluer au plus près de ce que le vécu offre au corps comme expérience à vivre...

Rien qu'à écrire intuition raisonnable ou rationnelle, le corps sent que l'ordre des mots n'est pas le bon.

En ce corps-ci, la raison a été première; elle était jadis éclairée par la science mais obscurcie par un passage/séjour intérieur non encore clarifié. L'intuition lui est ensuite petit à petit venue; elle a clarifié le soi. La raison est à peu près devenue intuitive.


Il semblerait que sortir des sentiers battus de façon authentique puisse aussi devenir un plus dans un monde tellement lissé par la banalité.

C'est à cet en-soi du retrait que se consacre désormais le corps conscient de son empreinte qu'il s'emploie à affiner en amoindrissant son besoin en ressources fossiles & en augmentant sa joie à la fréquentation de proches.


5. Inclusion

Écarter l'égo du soi est une convenance que l'on doit à ce monde délabré par le désastre qui nous assaille de toutes parts. En cela, Spinoza est un guide sûr.


Cette furtivité subreptice mais rayonnante est porteuse de sens. Paradoxalement, elle porte en elle inclut le corps within the heart of the matter. Elle l'intègre au coeur clarifié de la déliquescence intrinsèque.


Le corps est extrêmement reconnaissant à sa nature profonde d’être à ce point devenu serein: il semble avoir trouvé en soi une ressource plus constante qui convient à l’asseoir, à l’ancrer dans son terreau fertile & paisible.


SIXIÈME CHAPITRE
Une appropriation personnelle

Ce chapitre est extrait d'un autre essai: Éthique V: une lecture cursive. La lecture que fait Pierre Macherey de l'Éthique (Spinoza) dans son Introduction en cinq tomes le nourrit. Il m'a semblé que les propositions personnelles qu'il contient étaient susceptibles de faire prolongement ici-même. À vous de voir !

Chacune/chacun s'approprie l'Éthique à sa façon. En amateur non philosophe de la philosophie, j'en tire ceci, avec une grille de lecture personnelle: l'éternité de la conscience (mens:l'esprit/la conscience/le mental) peut s'enraciner dans l'essence du corps le temps de son existence temporelle.

L'existence temporelle du corps n'est pas façonnée pour le corps. C'est au contraire le corps qui façonne son existence temporelle sur ce qu'il se rend progressivement capable de percevoir du flux énergétique qui circule, lui, de façon universelle dans la nature. C'est en prenant conscience progressivement du flux énergétique universel qui circule dans la nature que certains corps deviennent capables de peaufiner leur perception de ce flux éternel. Cette éternité a un début: l'apparition de la première cellule vivante. Elle n'a pas de terme prévisible. Tous les corps en sont naturellement capables. Ceux qui n'en ont pas développé le potentiel sont contraints par leurs croyances erronées.

En adossant

  • aux cogitations spinoziennes décortiquées par plusieurs de ses exégètes (A. Matheron, P. Macherey & P.-F. Moreau)
  • une lecture puisée dans des lectures extrêmes-orientales (L. Silburn pour l'Inde, Jean François Billeter pour la Chine avec Jean Lévi (voir ch. IV ci-dessus) et Catherine Despeux),

une forme de synthèse prend corps. À ma connaissance, Jean François Billeter (ce lien renvoie vers un bref essai qui amplifie la notion de corps-conscience) est le seul auteur qui opère un rapprochement entre Tchouang-tseu (Chine, aussi écrit Zuangzi) & Spinoza dans son oeuvre entièrement publiée chez Allia.

En élargissant de la sorte la palette d'affleurements de sens, la cartographie de l'essence éternelle se précise en ses contours.

Cette palette d'affleurements de sens contribue à clarifier ce que devient la conscience qui rejoint un corps le temps de son existence propre lorsque celui-ci meurt. C'est À MESURE QU'un corps parvient à préciser la nature consciente du lien qui l'unit au flux énergétique universel, le temps de sa vie propre, QUE la place du corps dans ce flux se conçoit de mieux en mieux.

La mise au jour réflexive de ces données du vivant éternel qui nous circule corporellement contribue à l'assise ancrée de sa vitalité personnelle.

Alexandre Matheron, cité par spinoza.fr: 

« Bien entendu, cela ne prouve pas encore que nous ayons une vie éternelle. Car les propositions 22 et 23 (qui valent d’ailleurs pour toutes les idées de tous les corps, y compris pour celles des animaux et des pierres) concernent uniquement l’idée que nous sommes, et non pas encore les idées que nous avons. Or, de même que nous serions totalement inconscients si nous n’avions aucune idée, de même si nous étions simplement une idée éternelle sans avoir aucune idée éternelle, notre éternité serait une éternité inconsciente – comme l’est tout aussi bien celle de l’ “âme“ de la pierre ou de l’animal. (…) Mais la suite va précisément montrer que nous avons des idées éternelles. » (Études…, p. 700).

L'usage à deux reprises de l'adjectif inconscient dans ce passage semble très indirectement pouvoir être évoqué afin d'étayer l'hypothèse d'une traduction complémentaire du mens spinozien par "conscience", à côté d' "âme" (Appuhn/Moreau), d' "esprit" (Pautrat/Misrahi) et de "mental" (Diaz). La conscience observatrice fait également l'objet d'un essai par ailleurs sur Nulle Part.

Toujours selon spinoza.fr, Moreau discute aussi avec précision le sens à donner à cette « éternité » de l’âme (L’expérience et l’éternité, 532 et sqq.):

  • Spinoza n’emploie jamais le mot d’ « immortalité », mais toujours le terme d’éternité, comme dans la déf. 8 du De Deo, et au sens où l’éternité de [la nature] a été démontrée.

  • Elle ne peut être conçue comme « immortalité » d’une « partie » de l’âme (un intellect immortel dans une âme par ailleurs mortelle): l’éternité ne doit pas être pensée comme durée indéfinie, et l’éternité de l’âme est enracinée dans l’essence du corps (en ce sens, elle n’est pas qu’intellectuelle).

  • À ce stade du raisonnement, elle n’est encore que l’éternité « objective » des âmes (ou des idées de corps) en général (pas seulement humaines), de toute âme « en soi », ce qui ne signifie pas encore que cette éternité soit « pour l’âme » elle-même, qu’elle soit connue ou reconnue d’elle. Reste à déterminer comment elle peut le devenir dans l’âme de certains hommes au moins, comment elle peut représenter proportionnellement la plus grande part d’une âme singulière existante. »

Plus l'idée du corps-conscience de soi se clarifie, en s'internalisant pas à pas, plus une certaine cohérence se met en place: elle éloigne la vie qui l'anime de contradictions antérieures, dûment repérées comme autant d'efforts, de tendances, de pulsions* tristes. * Ce sont les trois traductions que PM propose pour le terme conatus.

Un regard rétrospectif sur une décennie permet de saisir le chemin parcouru. Son terme est imprévisible, inaccessible même. & c'est bien ainsi puisque nul destin ne nous contraint.

Le corps-conscience distingue mieux certaines propriétés universelles qu'il a en commun avec l'ensemble des corps vivants, animaux & végétaux confondus. Chaque jour formule un peu plus clairement, un peu plus distinctement en quoi le corps-conscience formule une idée davantage adéquate de la substance dont tout être vivant est animé.

Cette communauté des vivants dont le constat se précise contribue à développer une connivence silencieuse avec la présence végétale au jardin, par exemple. Elle inclut dans un même mouvement concepts, percepts & affects. Avoir fini par repérer la connivence avec les propriétés universelles que tout vivant exprime à sa façon constitue une joie intrinsèque.


Le processus intégratif a désormais commencé sur un écritoire celé au havre... (28 02 20)


Une note automnale, 22 9 21, jour de l'équinoxe

Chaque corps s'approprie un chemin. Même si celui-ci, le mien, n'était probablement pas approprié au lâcher-prise que Corine Sombrun nomme la transe dans un ouvrage récent, La diagonale de la joie, (Albin Michel, mars 2021) qui fait déjà date dans un univers personnel & prend désormais toute sa place dans la Léonardienne, ce corps-ci a découvert une voie d'accès autre à sa propre INTUITIVITÉ (néologisme calqué sur l'adjectif intuitif). Cette créativité-là est peut-être tout autant une forme de mou donné à la corde... qui lui évite au mieux la tension de rupture. L'adéquat précis au soi de soi, un guidage à travers la masse informe des données brutes. S'isolent ainsi quelque(s) conduite(s) davantage adéquate(s) qu'il s'agit d'agir en soi avec soin.

Ce souci d'une exploration profonde, pénétrante au coeur même de tant de gravats accumulés, charriés de manières disparates, disproportionnées, dystopiques presque. S'élaguer petit à petit dans un continuum qui s'origine dans les zones touffues de nos forêts domaniales intérieures. Le mycelium neuronal qui irrigue nos rhizomes enfouis profondément dans la matière vive dont chaque soi est plus ou moins composé dynamise la vitalité corporelle intrinsèque. Cette intrinsèqueté constitue un joyau intérieur. Il s'agit de le tenir en éveil, au sens extrême-oriental que le terme peut revêtir.

Les harmoniques propres à la vibration vitale en soi disposent à leur gré,

  • si nous y sommes attentifs,
  • si nous y prenons garde,
  • si nous en prenons conscience de façon pérenne,
  • si nous la choyons,

de l'espace tridimensionnel nécessaire à leur propagation au travers de champs corporels dynamisables à mesure que la conscience de leur existence sereine affleure de plus en plus profondément, comme, par exemple, le trajet parcouru par un muscle tendu à l'extrême. À mesure que nous saisissons mieux, que nous nous en saisissons enfin, cette prise en main permet d'élargir le champ des sensations qu'un corps est capable d'éprouver.


VOIR AUSSI:

L'ensemble de ces essais représentent au mitan de l'an 2020 l'état le plus abouti de la réflexion nullepartienne sur l'Éthique.