PETIT ESSAI POUR DÉLIMITER
LA POÉTIQUE STERNBERGIENNE
DANS L'ANONYME...

[Note 2020
Intéressant comme exercice de se relire à dix années d'intervalle. Des lissages, notamment: ces insupportables "Je"... L'insupportation doit beaucoup à une conversion, telle que la définit bien R. Misrahi, parmi d'autres. C'est aussi à cela que peuvent servir ces longues périodes de confinement propices à assagir la viralité ambiante.]


Cela fait des années que le hasard des rencontres complète une collection sternbergienne. Ils se savent recherchés… probablement.
En octobre 2011, un service de presse a été dévoilé, celé qui'l était en second rang dans les armoires d’une librairie bruxelloise de seconde main où les ouvrages sont intelligemment classés par nom d’auteurs/d'autrices, dans un pêle-mêle savamment endigué. Sei Shônagon se cherchait, & c'est L’Anonyme qui est apparu. MARK CLIFTON, acteur américain célèbre, que le dessin de Jacques Brissot en couverture nous dévoile sous les traits de Marlon Brando1, rencontre AMÉLIE-VALÉRIE-NATHALIE2
Les Sternbergiens auront tout de suite repéré le petit côté iconoclaste du sous-titre de cet essai.


ACCUEIL EN 1982

Écrit pour de mauvaises raisons (« faire un best-seller », PM228), L’Anonyme n’est nullement fait d'un « excès d’érotisme assez choquant.» (PM228), comme Jacques Sternberg l’a écrit dans Profession: mortel en 2001. Dix-neuf ans plus tôt, l’éditeur et l’auteur l’assumaient. 
En tout cas, ce lecteur-ci n'est pas choqué ! L’érotisme y atteint une densité rarement offerte à notre perception de lecteurs avec autant de maestria. Jacques Sternberg est parvenu à faire ressentir de l’intérieur, par une intuition continûment renouvelée, parfois grandiose, des scènes de partages. Les pages 197 à 206 du roman devraient faire partie de toute anthologie érotique digne de ce nom… Monsieur Pauvert

Cédons à nouveau la parole à Jacques Sternberg dans Profession Mortel (PM, 228), puisque nous avons la chance qu’il se soit exprimé sur ce roman:

« La presse3 ne vit dans ‘L’Anonyme’ qu’un roman indigne de moi alors que curieusement, elle n’avait pas parlé de mes autres livres et le public le négligea plus que les autres.

« Sauf quelques lecteurs qui furent sensibles à la brutalité angoissée des personnages et au calme désespoir – assez anticipatif – dans lequel s’enlise l’homme qui ne pouvait être que Marlon Brando.
« Le coup d’envol vers une renommée qu’annonçait Sophie se terminait dans les caves de l’échec. »

Toute la patte sternbergienne est dans ce sentiment d’échec. On n’est pas lecteur assidu de Cioran impunément, bien sûr. Et puis si « la presse » trouve ce roman indigne de lui, c’est sûrement qu’elle s’indigne d’un érotisme bien accepté à l’époque. Il n’a pas été censuré par le gouvernement Mauroy. L’auteur, assez avide de reconnaissance apparemment, suivra cette presse-là dans son rejet en 2001. Et si l’erreur – de jugement – tenait à cela, justement ?


UNE AUTRE LECTURE

Vu à travers le double prisme de la renommée et de la presse parisienne influente, L’Anonyme est un échec d'édition. Soit. Ce n'est pas pour cela qu'il en devient un échec d'écriture. Devenu lecteur presque 30 ans après, je perçois ce roman à travers une toute autre grille de lecture. Permettez à Nulle Part de vous la présenter, hors toute mode.
En plus d’être un sterbergien, collectionneur tranquille, Nulle Part est aussi devenu lecteur (et écriveur) de poésie sur le tard et un « arpenteur de l’érotisme », comme il le dit joliment (PM222). Très peu de romans généralistes appartiennent à La Léonardienne, ou alors de très grandes plumes. Le tri s'opère sur la langue de l’auteur/l'autrice, ses sons, ses périodes syntaxiques, son humour, son humour surtout… (voir JacquesAbeille et son Cycle des Contrées, Laurence Sterne, Linda Lê et le cycle des Cités obscures de Benoît Peeters et François Schuiten).


L’ÉCRITURE INTUITIVE

Nous tomberons facilement d’accord avec l’auteur en disant qu’il « ne donne pas à penser » au lecteur. (PM 209-210) Mais, lire un roman, d'amour qui plus est, pour apprendre à penser n'est peut-être pas la raison principale du lire. Il y a le vivre aussi.
Jacques Sternberg fait bien mieux puisqu’il parvient à faire toucher de l’intérieur l’intuition des instants, des sensations, des pulsions, des émulsions ressentis par ses personnages… Il n’est jamais aussi en forme comme écrivain, « toutes pensées larguées » (A190), qu’au cœur d’une scène chaude où un couple devient l’Un. Il nous donne à ressentir la réalité, fût-elle évidemment fictionnelle.
Il sait aussi rendre palpable le désespoir jusqu’à nous désespérer (de) nous-mêmes ! Il place par exemple le lecteur au cœur d’instants, d’errements, d’errances post-traumatiques de Mark Clifton quand Amélie l’a laissé à terre. 


UN RESSENTI ÉROTIQUE

Faire passer un ressenti érotique, voilà une de ses véritables forces d’écriture. Dans ces instants-là, la plume de l’auteur ne se tient plus pour notre plus grand bonheur: son texte devient une vibration autonome, bien guidée par une connaissance fine de la langue française.
Jacques Sternberg rend à merveille l’authenticité romanesque d’un univers sensuel. Il réalise la prouesse de faire ressentir avec des mots l’au-delà des mots que leurs partages représentent: deux corps deviennent si perméables à l’autre que l’émotion à la lecture est un diamant brut qui n’a nul besoin d’être taillé. Il arrive à en décrire le comment en « larguant toutes pensées » (199).
Jamais le texte n’évolue en description, ce qui le banaliserait. Il reste dans la perception dont il rend les atours de façon maitrisée, malgré certaines lourdeurs, inévitables chez Sternberg. Il peine parfois à dompter ses chevaux… 


POÉSIE (oups !)

Il écrit haut et fort que la poésie le laisse glacé (PM212) [Tiens, comme ses Contes...] mais il classe parmi ses « véritables bouleversements » de lecture le Plume théâtral de Michaux, les Inscriptions aphoristiques de Scutenaire et les Exercices de style de Queneau (PM 187-190), trois auteurs fort connus pour leur sens par ailleurs aigu de la poésie. Et quand bien même Queneau fût-il son plus ferme opposant chez Gallimard4, notre auteur lui conserve une place de choix parmi ses bouleversements de lecture.

L’auteur prend même la peine d’enfoncer le clou dans L’Anonyme:
-  « Viens Amélie. On se tire d’ici.
-  À tire d’ailes en hirondelle, poétisa-t-elle avant d’ajouter qu’elle détestait la poésie. » (73)

Et son Dictionnaire des idées revues parfait l’impression qu’il n’aime pas cela:  
« Poésie. Le plus souvent, il y a quelque chose de  si mièvre, de si lénifiant dans la poésie qu’elle ne mériterait que l’appellation de « poéphtisie ». (DIR166) [mot-valise]
Il rejette la poésie. Comme si elle était une et indivisible. Comme si Gérard de Nerval et Paul Verlaine avaient partagé la même couche ! Toute poésie n’est pas mièvre ou lénifiante, n'est pas ? Cela n’empêche évidemment pas de profiter des deux, de Jacques Sternberg et de certains poètes… Et puis, tout ce qui est excessif est… quoi déjà, Monsieur Talleyrand ?5

C’est au travers de sonorités de la langue que le tactile, le vécu sont suggérés au lecteur. J’ai essayé, en élaguant légèrement, de transformer certains paragraphes des pages 197 à 206 en poèmes de vers libres. Et ça marche, je trouve ! Le lecteur est emporté dans le souffle des mots choisis par l’auteur, leur sonorité vivante, leur complémentarité aussi. Le lecteur est soutenu par la qualité des images évoquées (« une tempête dans un réfrigérateur », « aussi calme qu’une mer étale sous un ciel gris »), achevé par cette tendresse magique qui relie les amants.


IMAGES

(199) « Elle était là sur le quai de la gare… Tellement en tumulte à l’intérieur d’elle, comme si on avait enfermé une invisible tempête dans un réfrigérateur. »

Elle s’inscrit « dans mon regard avec une telle force silencieuse et charnelle ». Une force silencieuse et charnelle, il fallait le trouver et/ou l’avoir vécu, non ?

DEUX EXTRAITS dans lesquels Nulle Part a joué du « retour de chariot »:

« Plus qu’un corps de femme  
j’avais la sensation de recevoir…  
un refuge plein de moiteur,  
une sorte de gouffre imprécis  
dans lequel on ne pouvait penser  
qu’à se perdre toutes griffes dehors,  
toutes pensées larguées,  
la bouche ouverte,  
les dents luisants,  
les nerfs exacerbés….
Pour s’ébouillanter dans une seule envie de vivre,  
de nous vivre, de nous donner à vivre et à boire  
dans une même fosse de ténèbres et de chaleur. »

La fusion des corps suggérée par cette suite d’images fortes, notamment celle de « s’ébouillanter dans une seule envie de vivre… », rend une sensation proche de celle décrite dans la fusion tantrique au moment de l’union entre Shiva et Shakti.
Comme il ne lisait pas de poésie, peu de chance qu’il ait lu René Daumal mort en 1944… Un quelconque intérêt pour la philosophie orientale ne lui est pas connu. Mais bon, à mes yeux, le rapprochement est flagrant, et très bien dit: « s’ébouillanter dans une seule envie de vivre »… Je peux évidemment me tromper. À vous chère lectrice, cher lecteur, de me démontrer mon erreur. J’accueille bien volontiers vos remarques via mon courriel.

« Elle était là,  
aussi calme  
qu’une mer étale  
sous un ciel gris, (200)  
à la fois accueillante et distante,  
singulier compromis entre  
la douceur et le carnivore,  
le morbide et le rassurant,  
et je la retrouvais  
comme un paysage recherché en vain  
si longtemps, regretté si souvent  
alors que je venais à peine de le quitter.

Il pourrait vous amuser d'y repérer quelque alexandrin, des dizains, moult vers impairs. Des allitérations aussi. Bien sûr, il n’écrit pas un poème mais un roman. Toutefois, Jacques Sternberg use d’outils propres à la poésie pour que sa prose se mette encore mieux au service des sensations fortes qu’il veut nous transmettre.
Le balancement de deux adjectifs à la complémentarité souvent géniale, reliés par « et », l’appariement de mots surprenants (« conjugaison au présent exacerbé » 201), la respiration de la phrase sur un rythme saccadé (d’où mon audace poétique aussi !), tout cela concourt à cette sensation de maitrise extrême de la langue, même dans ses inflations. Si cela n’est pas poétique, je me recouche ! 
Dans ses romans, Jacques Sternberg n’est jamais aussi jouissif qu’au cœur des scènes érotiques où il use de mots habités des présences des deux personnages … Sa prose s’envole, suspend ses ailes dans la lumière.


LA POÉTIQUE STERNBERGIENNE est toute entière dans sa prose parce qu’un vécu paroxystique est rendu à l’authenticité suave des moments intimes vécus par ses personnages romanesques. Et cette capacité qu’a Mark Clifton dans ce passage de pressentir le vécu d’Amélie tient d’une maestria toute entière due à la plume de l’auteur.  
Jacques Sternberg réussit à décrire la perception d’avant la pensée rationnelle, cette « demi-réalité d’avant la logique ».
Mark Clifton a « l’impression de ne plus pouvoir suivre le fil conducteur d’une pensée cohérente ». Il n’était finalement « plus qu’une sorte de bulbe végétal vide de toute pensée… » (217)


NÉOLOGISMES, MOTS-VALISE

Quand la langue française manque de ressources, Jacques Sternberg n’hésite jamais à recourir à un néologisme ou un mot-valise: lors de leur dernière rencontre, Amélie «se mit ... à s’enlarmer en un seul spasme de douleur. » (220). D’autres exemples affluent dans ce roman. Neuf ont été repérés, sans garantir l’exhaustivité. J. Sternberg aurait peut-être volontiers collaboré au Dictionnaire des verbes qui manquent.

  1. 148 brûlance
    « Elle excita très lentement la pointe de ses seins comme s’ils faisaient l’amour contre mon visage, à mon visage, pendant que mes mains patinaient à la surface de son jean entre son cul et son sexe, se gorgeant de leur présence, de chair et de brûlance… »
  2. 191 mignardeux
  3. 191 verreux
    « Et nulle part une seule fausse note, rien de  mignardeux, de pelucheux, de laineux, de soyeux ou de verreux comme si fréquemment dans les chambres arrangées par une femme. »
  4. 200 pour m’ensaliver le sexe
    « … et dix minutes plus tard, elle se jetait sur le lit de ma chambre d’hôtel. Quelques secondes après, elle piquait du nez vers mon ventre, ouvrit la bouche aussi vorace qu’un brochet affamé  pour m’ensaliver le sexe, me pousser jusqu’à l’ultime limite, au seuil de la jouissance ; »
  5. 201 cette chute spasmée Voir annexe en fin d'essai.
  6. 201 amour rafaleur et soufflant Voir annexe.
  7. 201 dislodéchiqueté, mot-valise
    « Puis, très lentement, elle son souffle, son influx normal, ses contours, tout ce qui s’était dislodéchiqueté dans  son dernier hurlement; »
  8. 207 quotimesquin, mot-valise
    « … piéger Amélie avec des questions sentimentales n’était pas facile. Elle y échappait le plus naturellement du monde, ces analyses du quotimesquin ne l’intéressaient pas du tout. »
  9. 220 s’enlarmer
    « s’enlarmer en un seul spasme de douleur »

Quatre de ces neuf accommodements avec la langue apparaissent dans ce qui constitue probablement le climax du roman (entre les pages 197 et 206), le moment à partir duquel jamais rien n’ira jamais mieux après.


LEXIQUE STERNBERGIEN

Au début des années 80, sa créativité lexicale semble domptée. Il choisit son vocabulaire avec précision, même au plus fort de ses emballements pour rendre au plus près l’indicible. Jacques Sternberg parvient à dire le cœur du corps à corps. Il va plus loin que d’autres qui, quand les mots manquent, jettent un voile de mystère sur l’envol, plus par incompétence que par pudeur apprise. Jacques Sternberg ne lâche pas prise. Sa plume rend la certitude des émois palpable. Il maintient le voile soulevé, sans (trop) d’impudeur tant sa langue est belle dans ces instants à la fois fondateurs et désespérés.
Une partie de ma réjouissance de lecteur avec Sternberg tient à sa large palette lexicale, à la pertinence de son vocabulaire. Il se fait parfois technique au détour d’une description de l’amante encore en devenir; un seul exemple, deux images liées à l’eau:

« Elle n’avait pas l’air de traîner, dérivante, dans sa vie… » (88), et
« … le doux marais stagnant au plus profond de ses cuisses. » (88)

Il parsème son texte d’intuitions qu’à seconde lecture nous décoderons différemment: elle va lui annoncer qu’elle part acheter un ketch (qui n’est pas un dériveur…) avec  son compagnon, et le marais stagnant est une fort belle image préfigurant l’univers intime qu’ils tisseront lors de leur prochaine rencontre.


LE JAZZ

L’amour de notre auteur pour le jazz est bien connu. Il introduit une autre dimension encore dans le roman. Le personnage principal est assez aimable de nous donner quelques indications6 d’écoute en lisant ses rencontres. Il serait étonnant que Jacques Sternberg ne les eût point aimées! Ils font tous les quatre l'objet d'une notice dans le Dictionnaire des idées revues en tout cas. Une idée de mini-cd pour un éditeur de poche qui aurait en vue une réédition de ce grand roman des années 80?


CONCLUSION

Vous l'aurez compris, la plume de Jacques Sternberg est généralement fort appréciée.

L'architecture du roman est aboutie; la réflexion qui a présidé à son élaboration est sensible et sans coutures. Le temps d'écriture a été précis. Les techniques qui rendent sa prose si prenante sont communes à certaines techniques utilisées en (bonne) poésie. Cela ne rend évidemment pas L'Anonyme poétique. Il reste avant tout un très bon roman sternbergien.

Et paradoxalement, ce roman est très moral puisqu’il se clôture sur la vie enfin rangée que mène Mark Clifton avec une hollandaise, loin du cinéma. Amélie-Valérie-Nathalie meurt en mer pour avoir voulu soutenir son Claude par devoir (mourir par devoir, la belle affaire, quelle belle inauthenticité face à ses élans, ses pulsions, mais les Bourgeois7, n'est-ce pas !). Elle prend l'eau avec Claude, piètre navigateur mais amoureux fou d'elle, pour ne pas avoir sa mort sur la conscience si elle l’avait abandonné pour rejoindre Mark Clifton, plus fort à ses yeux. Du coup, deux morts et un sous-vivant… Beau gâchis ! Mais qui n'a pas raté un tournant de sa vie au moins une fois de trop? Un dénouement qui les a jetés dans de bien cruelles impasses. La fatalité, versant pessimisme noir, a encore frappé. Du Grand Sternberg, qu'on se le dise.


TROIS OUVRAGES SONT CITÉS DANS L'ARTICLE:

L’Anonyme, Albin Michel, 1982, 272p.  
Dictionnaire des idées revues, illustré par Roland Topor, Denoël, 1985, 2014p.
Profession: mortel, Les Belles Lettres, 2001, 348p.


NOTES

1 «... l’homme … ne pouvait être que Marlon Brando » (PM 228). Il consacre une colonne entière à l'acteur dans son dictionnaire. (DIR 280). Extraits: Profonde impression, ravageuse présence, l'acteur le plus original et d'assez loin le plus émouvant de sa génération, vérité brutale, le seul comédien qui ait marqué son époque, sourde violence, l'indolence fauve de ses gestes, l'humour noir de son regard, inimitable diction, personne n'avait jamais joué comme ça. Personnellement, ma fascination pour Brando a été si grande qu'il m'a inspiré un roman L'Anonyme qui  est presque passé inaperçu ce qui ne risquait guère d'arriver à Brando lui-même.
2 Amélie pour Mark, Valérie pour les gens qu’elle n’apprécie pas trop, et Nathalie, son prénom d’état civil. Amélie parcourt le roman.
3 Mais quelle presse? Mais quelle presse ! (Ponctuation et intonation au choix…)
4 Raymond Queneau « l’avait toujours combattu de tout son poids de potentat des lettres ». PM62
5 (insignifiant, Vous dites, non ça je n’oserais pas…)
6 Apparaissent au gré des pages: Lester Young (these foolish things et ses solos), Coleman Hawkins (body and soul), Louis Armstrong (tight like this) et Charlie Parker (embraceable you et  Out of nowhere). Belle ambiance…
7 « Bourgeoisie: Personne ne veut s'avouer appartenir à la classe bourgeoise et pourtant, tout le monde veut secrètement y accéder: les prolos comme les débilos, les intellos comme les aristos, les écolos comme bien souvent les anarchos. » (DIR, 30)


Cet article est référencé par le club des amis de Jacques Sternberg, parmi d'autres. Je suis très loin d'être seul à m'intéresser à cet auteur. Je m'en réjouis évidemment! Le club vous montrera toute la richesse de l'oeuvre de cet auteur touche à tout.


ANNEXE

D’autres mises en poème de la prose sternbergienne:

(200) J’avais attrapé une maladie  
qui aurait été  
son sexe, son cul, son odeur,  
sa palpitation femelle,  
sa voix d’orgasme  
que j’avais encore dans les oreilles  

On avait l’impression  
qu’elle était si pleine  
de son envie de baiser  
que les sons auraient provoqué  
une fuite de sensations  
une perte sèche qu’elle voulait éviter


(201) C’était l’amour  
rafaleur et soufflant  
qui nous défaisait…,  
l’explosion de deux électricités  
ennemies et passionnelles,  
conjugaison au présent exacerbé  
d’un pôle positif  
avide de bouffer  
un pôle négatif.

(201) Et Amélie… se mit à jouir  
en perdition au plus profond  
d’elle-même branlée, secouée  
par la houle et le tumulte  
qu’elle créait ;  
elle se jetait dans cette furieuse jouissance  
par saccades pleines de rage  
comme dévalant un escalier sans fin,  
y trébuchant, y perdant  
l’équilibre et la raison,  
le langage et le regard,  
pour se reprendre … dans un temps mort,
comme sur un vague palier de secours;  
et tomber … plus bas  
hagarde et en râles déchirants  
de cette chute spasmée  
vers un orgasme  
qui paraissait privé  
de prologue et de conclusion,  
demeurait immuablement  
sauvage en intensité,  
si bien qu’il paraissait  
à jamais lancé, impossible à éteindre…