L’ineptie congénitale de l’Homme m’émeut.
Aucun mépris, juste une grosse émotion distanciée.
Le pouvoir d’être humain,
il l’a définitivement abandonné
à l’argent auquel il a été rendu accro.

La démocratie s’est laissé voler
les clés citoyennes
par les seuls financiers:
ils gèrent le monde
à leur seul profit.
Ils sont devenus
les vrais dictateurs
de ces temps maussades.

La politique, qui exécute
le versant soi-disant organisé
de la démocratie, fait montre
de la même impuissance qu’Harpagon
à comprendre ce qui lui est arrivé.

Analyser la situation,
râler contre,
la dénoncer même,
rien ne sert.
Ils ont le pouvoir.
Ils se sont emmurés
dans la salle de commandes mondiale,
autarciques et dominateurs,
avides et sans coeur.

Elle est partout, cette salle, nulle part.
Un réseau dispersé, réparti, les unit.
Leur discrétion médiatique est voulue.
Leurs liens avec la politique indémontables.
Ils nous tiennent.

L’argent est une drogue dure,
une addiction sans rémission.
Il est un énorme flux,
il trouve sa matérialité
quand il nous file entre les doigts,
de préférence quand nous l’avons emprunté
à des taux quasi-usuraires.

L’ineptie congénitale de l’Homme:
s’en éloigner, s’en protéger,
est devenu un acte individuel de résistance,
non organisé, un peu sauvage.
Parfois avec des soubresauts
collectifs spectaculaires,
comme celui des producteurs laitiers.
Ils se sont rendormis depuis,
apaisés par quelques centimes
et de lénifiants discours,
dictés aux politiques par la finance;
ou ils tombent en faillite
dans le désintérêt généralisé.
Opel, Inbev, Carrefour,
tous combats dispersés,
sans une chance de victoire.

Ils sortent un à un du collimateur des médias,
seul lieu où l’Homme croit encore,
si brièvement, sentir battre son coeur.
La complicité objective
FINANCE-politique-MÉDIAS
nous dépossède de notre humanité,
avec notre consentement muet.

La politique n’est plus à notre service,
mais à celui de la finance mondiale
à laquelle elle est incapable
d’imposer la moindre règle.
Elle exécute ses moindres volontés:
dlu, au rendement ridicule,
intérêts notionnels,
l’autre nom de l’évasion fiscale étatisée.
La Gauche est compromise;
si peu crédible.
Elle sauve quelques meubles
quand elle est au pouvoir.
Les extrêmes sont dangereux,
ça n’a pas changé.
La droite, en compromission avancée.
Jusqu’au cou.
Les médias, propriété de la finance,
lui servent de cache-sexe.

L’ineptie congénitale de l’Homme
la rend-il plus inapte à organiser durablement
un autre réseau, un autre monde, à sa dimension ?
Les errances sympathiques,
si inefficaces,
de l’altermondialisme
tendraient à me convaincre
de cette inaptitude.
L’eau, ce bien commun mondial,
continue à être privatisée.
Et toujours pas de taxe Tobin.

Retrouverons-nous un jour
les intelligences citoyennes1
d’être suffisamment en réseaux
pour que la salle de commandes mondiale
soit asphyxiée, désintégrée,
toute emmurée qu’elle est,
sans fenêtres sur le réel ?

Le seuil critique
où le mouvement s’inverserait
semble inaccessible,
infiniment mobile,
modifié en permanence
depuis la salle de commandes mondiale.

La malignité foncière de la finance,
si bien servie par la politique,
impuissante à se vivre
dans un autre lien que la sujétion,
est infinie,
comme l’est l’inaptitude de l’Homme
à lui résister.

L’argent a pris place
au coeur de l’Homme.
C’est là que le bât blesse.
Peut-être.

1 Majo Hansotte, 2005, chez De Boeck.


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