« Autant de récits qui nous font faire un voyage en dehors de nos certitudes ontologiques. Tout vacille dans quelque chose que la narration déconstruit & reconstruit selon un itinéraire qui voisine avec la mort, avec les portes du tombeau. » J.-C. Martin, Faut-il brûler les postmodernes ?, 87. Sans lien avec l'oeuvre de Jacques Abeille mais cette phrase constitue néanmoins un commentaire pertinent sur elle aussi.
Fin 2023, l'association Jacques Abeille a mis en ligne un site documentaire sur l'auteur et son oeuvre. Il se visite ici.
L'air de rien,
cette incomplétude,
que des contingences impriment
au coeur du récit,
façonne l'oeuvrage
d'une plume rare
& pourtant diserte:
elle sait donner corps
à l'imaginaire
buissonnier
de chaque lecture.
Cette magie-là
est la marque propre
d'une plume immense
prenant son envol
au moment précis
où se pose sur
quelque mousse jardinière
l'oiseau à la robe de jais
dont le regard dur
atterre tout animal
qui le croise.
À l'anonyme lecture
l'auteur importe peu.
Seul l'envol plumé...
Seul l'envol plumé.
C'est une écriture
dont le charme opère
infiniment.
Envoûtée par elle,
chaque lecture s'y propage.
Jacques ABEILLE, comme la certitude de partir à la rencontre d'un univers onirique et essentiel, complexe et structuré. Le tout dans une langue somptueuse.
Eric Dussert consacre une double page (14-15) au « Jubilé des Contrées » dans le numéro 172 du Matricule des anges (avril 2015). Il termine par cette phrase:
« Et les soins éditoriaux du Tripode, qui ne lésine pas sur les illustrations (F. Schuiten, etc.) et sur la variété des impressions (romans, albums, digest), laissent entendre que ce matériel épatant est destiné à asseoir définitivement l'oeuvre de Jacques Abeille, et en particulier ce Cycle des Contrées dont on ne peut pas décemment éviter l'étape si l'on souhaite connaître la littérature de notre époque. » (my boldifying)
Une description de l'oeuvre primée en cliquant sur le paragraphe ci-dessous:
D'autres sites que celui-ci souffrent tout autant d'Abeillophilie aiguë... Vous y liriez d'autres avis:
Esprits nomades, animé par Gil Pressnitzer, consacre à l'oeuvre de Jacques Abeille un texte de fort belle facture. (lien mis à jour le 22 04 2020)
La taverne du doge Loredan,
Le salon littéraire, (sur Les petites proses...)
Noosphère, (sur Les Barbares & La Barbarie)
La nouvelle revue moderne,
...
À côté d'A. Laimé qui a assemblé des études sur Jacques Abeille sous le titre « Le dépossédé », I. Rialland consacre à J. Abeille de belles analyses. J'ai retenu ces deux-ci:
Jacques Abeille: Une poésie habitée
« L'expression de [la lune] est l'apanage de ceux que, faute de mieux et momentanément, on nommerait des poètes, à cette réserve près que le chant et la danse sont des arts réservés aux femmes [chez les peuples du désert], tandis qu'aux hommes revient la musique instrumentale, soit l'usage du tambour et de la flûte. Il en résulte que l'oeuvre des poètes est d'une prose rythmée, se prêtant éventuellement à se laisser psalmodier en contrepoint de certaines improvisations instrumentales, plutôt que des poèmes, si l'on entend par ce terme un genre déterminé et défini par des règles de rhétorique plus ou moins explicites. ...
Quant à la littérature première — ou poétique — elle n'est, dans le premier moment où elle s'élance portée par la voix de l'inspiré, à proprement parler, ni vraie ni fausse. Elle consiste en récits qui, pour ce qu'on peut savoir en l'état des connaissances, présentent sous une forme imagée ou romanesque, les vaines aspirations humaines vers la lumière ou vers la plénitude. » J. Abeille, in Les carnets de l'explorateur perdu, Bonda la lune 81-82
La liste des essais consacrés aux Contrées figure en bas d'écran.
L'ordre de lecture conseillé, puisqu'il se pourrait qu'il y en ait un, est le suivant:
Y manque L'écriture du désert, à situer quelque part après Les Voyages du fils et avant La Grande danse. Je ne suis pas encore parvenu à contraindre Joomla à vous présenter les articles dans cet ordre. Je m'acharne avec lenteur...
Dans la Lettre de Terrèbre, un ordre similaire mais moins complet puisque Ludovic Lindien/Jacques Abeille n'avait pas encore publié les ouvrages dont la date de publication est postérieure:
Cette lettre figure (aussi) en tête des Voyages du fils, dûment signée Ludovic Lindien, fils de Barthélemy Lécriveur, dans l'édition de 2008 chez Gingko, treize ans après le petit livret paru chez Deleatur. Elle a par contre disparu de l'édition 2016 aux éditions le Tripode. Toujours pas compris ces mystères, probablement orchestrés par leur surréel auteur !
Jacques Abeille, mésologiquement vôtre !
Jacques Abeille est le géniteur d'un univers, les Contrées, dont il nous conte le cycle en une prose somptueuse. Il égrène de livre en livre une épopée sans âge, sans coordonnées gps, ouverte sur un monde imaginaire plus vrai que nature, car il est au coeur de la nature, y compris humaine, qui s'érige sous nos yeux rendus attentifs et plus précis par la rigueur quelque peu janséniste d'une syntaxe habitée par la force de traditions multiséculaires.
Sa prose, ainsi recueillie par divers éditeurs, certains au destin plus que chahuté, sous diverses plumes fictionnelles elles aussi, est formatrice de monde.
Les milieux dans lesquels il déplace ses personnages mettent en mouvement un monde dont la cohérence se déploie sous nos yeux dans un espace-temps: espace diversifié qui va du plateau des hautes brandes à la ville de Terrèbre avant, pendant et après les barbares – jusqu'à la barbarie -, en passant par les jardins statuaires aux secrets engouffrés et les mers perdues; temps indéfinis emmêlant divers fils qui s'entrecroisent à la manière d'une œuvre imbriquée de M. Escher.
Les points de vue varient, enrichissent le lecteur sans forcément s'interpénétrer. Chaque milieu a généré un monde dont Jacques Abeille nous propose une interprétation finalement unifiante en y celant des pans entiers d'un réel en marche pourtant de façon inexorable, en nous suggérant des interprétations possibles qui sont autant d'errements voulus et en établissant des rapprochements qui se révèlent à nous avec la soudaineté de la prise de conscience de Raymond Souplex (dans la série des Cinq dernières minutes): « Mais bon sang, c'est bien sûr ! »
Par jeu, ce texte liminaire est intimement calqué sur l'appel à communications 2015-2016 « Milieu et monde: l'approche mésologique de la perception » lancé par A. Berque et son équipe. Il « teste » en quelque sorte, et sans prétention d'aucune sorte, l'arc-en ciel philosophique de la mésologie.
Bien sûr, la vision que j'en donne ici résulte de ce que j'ai perçu de ces deux univers dont la complexité s'enrichit à chaque relecture, genre: « Ah, mais alors... » « Tiens, ça me rappelle... » mais vous ne retrouvez évidemment pas le passage ! Et que l'un puisse offrir une grille d'analyse de l'autre est une hypothèse que je ne suis pas sûr de valider jamais ! Mais, l'intuition est présente, ça oui.
À part Kaamelott, version Alexandre Astier - ce dernier vraiment incontournable -, cinématographiquement inégalé, je ne suis absolument pas fan de heroic fantasy, ni écrite ni filmée. Et ceci ne me paraît pas en être. Aucun héros superfortiche, très peu de combats improbables, et de préférence feutrés et infiltrants, très peu d'armes etc., par contre une langue, une langue ! Une, enfin des langues car il y a aussi l'écriture du désert, en marge du cycle mais y trouvant une place singulière.
Nous croisons certains métiers du lire et du livre: archiviste, écrivain-diariste, écrivain public, antiquaire-libraire, prof d'unif, déchiffreur de langue oubliée, etc. Le cycle des contrées, c'est avant tout un univers linguistique qui utilise les potentiels du français à plein pour nous emmener aussi loin que notre vibration peut nous porter. Et plus si affinités !
Jacques Abeille:Une plume érotique différente
La liste des essais consacrés à l'érotique abeillenne figure dans la table des matières ci-dessous.
Des cinq oeuvres publiées à La Musardine, seule l'animal de compagnie est dispensable; too much quoi !