ÉPUISÉ, Pascal Leclercq,

Éditions

La dragonne

(Nancy),

diffusion

Belles Lettres.

De prime abord, ce bel objet, déjà croisé sur l’étal des Trésors, attire l’oeil attentif. L’apport graphique dès la couverture, signé Jac Vitali, se continue à l’intérieur. Il porte éclairage personnel qui le complète.
Par la suite, l’anthologisation de cinq recueils est la bonne idée; elle rend disponibles en un volume quatre recueils, en offrant un cinquième, neuf comme un sou neuf.
À la fin, en parlant de sous avec davantage de justesse, l’anthologie a ceci de bien qu’elle offre pour un prix plus abordable un poète liégeois; homme de lettres, il est aussi amoureux de leurs corps... en typographe averti...

Je me suis procuré un alphabet d'esthète, dont les caractères, dans leur simple appareil, changent de signification selon qu'ils sont debout, assis, couchés. Je m'amuse de leurs saluts maniérés, de leur grâce obsolète. Je me frotte à leur corps et me mesure à l'empattement des lettres. Puis je leur rends leur liberté. 236

 

Karel Logist (Tout emporter) et Serge Delaive (La trilogie Lunus), deux poètes majeurs & actuels de Liège, l’avaient fait avant lui.

Pascal, fin lettré, poète torturé, indocile, emporté, fougueux, fasciné par les abîmes, y écorchant plume, entre en épuisement (?) avec ce volume à la Dragonne. Il puise dans ses belles ressources en tout cas.

Me voici sans habits - j'ai abandonné l'âme aux loups qui s'en
sont revêtus. Je suis. Et je veux être seul... me déblayer de moi. (...) 23

J'assoiffe à petit feu
cet horizon qui termble
et disparaît puis tremble
et renaît de la cendre 29


Car il faut oser dire une des causes du secret dans lequel la poésie semble se cantonner, ce qui se déplore çà & là: le souci du bel objet de belle facture, P. Leclercq, au goût sûr, sait y faire, mais fait monter la mise à chaque opus.
Pas un reproche, que du contraire, qui se plaindrait d'un bel oeuvrage, mais une raison, une explication tentée: nul ne peut s'empêcher de poser des limites mentales à ne pas franchir pour consentir à acheter un chat dans un sac. Mais cinq, cela répartit la charge ! La valeur des poèmes ne tient pas au prix des livres...

Collections à prix maitrisés

Maelström semble l’avoir compris avec sa collection de Booklegs à 3€. Tout comme les éditions La différence avec la collection Orphée, la collection Poésie/Gallimard, et la collection Poches de Philippe Piquier. Comme celles de P. Seghers en d'autres temps: ses volumes réapparaissent encore dans les bacs de certains bouquinistes, quand ils sont aux prix des Pêle-Mêle...

Les bibliothèques publiques & scolaires leur en savent gré aussi.

Plus la poésie est bon/hors marché, mieux elle se porte, probablement. S’en faire une raison évite de stériles déplorations et creuse quelques chemins alternatifs, au creux de cohérences moins égotistes.

Les revues (& Pascal participe avec compétence à la belle facture de Boustro) sont une autre manière de toucher à tout.

Les antologies thématiques multi-auteurs chères à Karel (Logist) en sont bien sûr une autre.

L’anthologisation d'un auteur par lui-même est cette autre possibilité qu'a choisie Pascal donc. Qu'un éditeur lui en ait ouvert un chemin des possibles vaut reconnaissance incontestable face à sa richesse de plume.


En plus, ça serait bien que les poètes soient en leur égo moins impatients d'entrer sur le marché... D'y faire allégeance en somme. Qu'ils attendent matières à publier directement plusieurs recueils en un seul volume. Il se pourrait que davantage de poésie s'achète... et peut-être même se lise. Tant que l'hypothèse n'a pas été vérifiée, puis validée, ça n'est qu'une idée en l'air...

Vingt-cinq ans après sa mort, F. Jacqmin, qui n'avait pas grand souci de se voir édité en volumes - Phantomas l'accueillait -, fait l'objet d'éditions recueil par recueil qu'il n'avait pas pris le souci de faire publier. À quand ses oeuvres complètes, en langue française et en langue anglaise traduite, d'un coup ? Le poète est majeur, mais bon...

Jacques Izoard a bien eu droit à ses trois tomes, lui... Meilleur entregent, sans doute. Simple constat. Mais la valeur ne dépend pas du marché, n'est-ce pas.

Voici un poète qu'il faut aussi tenir à l'oeil... ce Pascal Leclercq.

P. Schuwer, Dictionnaire de l'édition: art, techniques, industrie et commerce du livre, Cercle de la librairie, 1977.


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