Il écrit haut et fort que la poésie le laisse glacé (PM, p.212) [Tiens, comme ses Contes...]. On sait qu'il n'a jamais aimé ni Rimbaud ni Baudelaire (DDIR 325 sous Jean-Ignace Grandville). Mais il classe parmi ses « véritables bouleversements » de lecture le Plume de Michaux, les Inscriptions aphoristiques de Scutenaire et les Exercices de style de Queneau (PM 187-190), trois auteurs fort connus pour leur sens par ailleurs aigu de la poésie. Et quand bien même Queneau fût-il son plus ferme opposant chez Gallimard (PM, p. 62), notre auteur lui conserve une place de style parmi ses bouleversements de lecture.

L’auteur prend même la peine d’enfoncer le clou détestatoire dans L’Anonyme:

-  « Viens Amélie. On se tire d’ici.
-  À tire d’ailes en hirondelle, poétisa-t-elle avant d’ajouter qu’elle détestait la poésie. » (73)


Dans le chapitre Les pensées sournoises, figure celle-ci (parmi 30 autres): (in Les pensées, Le Cherche midi éditeur, 1986, p.86)

- « Théoriquement, l'homme est un être humain. [...] Poétiquement, c'est un héros au sourire si doux. »


Et sa définition de poésie dans le Dictionnaire des idées revues parfait l’impression qu’il n’aime guère cela:

« Poésie. Le plus souvent, il y a quelque chose de si mièvre, de si lénifiant dans la poésie qu’elle ne mériterait que l’appellation de « poéphtisie. » (DIR166) Notez au passage le joli mot-valise.

J’ai bien entendu (et lu): Il déteste sournoisement la poésie. Comme si elle était une et indivisible. Comme si Gérard de Nerval et Paul Verlaine avaient partagé la même couche! Toute poésie n’est pas mièvre ou lénifiante, comme un héros au sourire si doux !


D'ailleurs il sait se faire nuancé quand il ne se sait pas observé:

« N'aimant guère la poésie, personnellement, c'est sa vie marquée par la malédiction qui m'impressionne. » (Notice de Georg Trakl, DDIR, p.405 )


Mieux, comme vous le relirez dans M comme Michaux, Henri:

« Quand, pendant la guerre, je balbutiais mes premiers écrits, c'est sans doute la lecture enchantée de Monsieur Plume et autres textes brefs de Michaux qui m'incita à écrire des contes et des poèmes en prose plutôt que des romans. » (DDIR, 361)

Voilà J. Sternberg qui pousse la nuance, au détour d'une notice de créateur, jusqu'à admettre qu'il a écrit des poèmes en prose !


Et d'ailleurs le mot poétique peut avoir une connotation très positive sous sa plume:

- « C'est ainsi que l'on découvrit [parmi les publications du club français du livre] avec étonnement l'admirable livre de Clifford D. Simak Demain les chiens quand il n'existait encore en France aucune collection de science-fiction. Bien de l'encre anticipatrice a coulé sous les ponts, mais bien peu d'auteurs ont écrit un livre aussi original, aussi poétique(DDIR 395)


Et d'ailleurs, la liste des poètes ayant obtenu l’imprimatur sternberguienne s’allonge à la lecture attentive des notices consacrées aux créateurs dans le DDIR ainsi que dans la revue Plexus et Les chefs d'oeuvre de l'érotisme. Je ne sais pas pourquoi je m’acharne à lui trouver des accointances avec la poésie. Sûrement qu’il me reste des sourires dans les coins dont je veux vous faire profiter.


Et d'ailleurs, na !


L’article que je consacre à L’anonyme abordait déjà le côté éminemment poétique de la plume sternberguienne (vers la fin du texte). Outre Michaux, Scutenaire et Queneau, d'autres poètes trouvent donc grâce à ses yeux ! Délectations et coups de coeur en vue !


Pour les poètes mentionnés dans le DDIR, sauf indications précises comme pour Jacques Brel, le choix de poèmes est entièrement mien et est l'occasion de présenter à la fois ce que notre auteur en disait et l'un ou l'autre poème qui m'est tombé dans l'oeil... J'élargis ainsi grâce à lui ma palette poétique et je vous souhaite qu'il en soit de même pour vous. Bonnes lectures !


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