Ce moine du bouddhisme zen (1758-1831), j'en ai appris l'existence dans un roman écrit par D. Charneux, à l'occasion de la sortie de l'ouvrage dans la collection patrimoniale, Espace Nord. L'auteur s'est imprégné de cette forme d'éveil en pratiquant lui-même cette version du bouddhisme pendant trois ans. Un compte-rendu de lecture sera réalisé dans le courant de Tatane ou de Phalle (c'est bien pratique, le calendrier pataphysique !)
Cette biographie romancée de Ryokan, superbement écrite, rend désirable la lecture des écrits de ce moine-ermite si particulier.
De l'oeuvre de Ryokan proprement dite, se rencontre d'abord le Recueil de l'ermitage au toit de chaume dans l'édition Moundarren. Ces haïkus sont traduits du japonais.
Très récemment (juillet 2017...), mon attention est attirée par une toute autre traduction, de la main d'Alain-Louis Colas pour les éditions Le bruit du temps.
Dès le titre, cela change: Poèmes de l'ermitage. Ensuite, les textes des poèmes sont bien plus longs. Bref, même auteur, texte différent, traducteur différent. Celui-ci équipe son édition de notes et commentaires: le lecteur se sent mieux épaulé grâce à ces notes et commentaires.
Enfin, la comparaison des deux traductions me laisse songeur: même si les deux volumes comportent le mot « ermitage » dans leur titre, il ne s'agit pas du même texte ! Le premier est traduit du japonais, le deuxième du chinois. Le moine écrivait dans ces deux langues. Voilà ce que l'introduction de Colas livre et m'ôte d'un songe...
Le texte japonais traduit est introduit mais ne comporte pas de notes et commentaires. Cela rend l'interprétation (en lien avec le bouddhisme zen) impossible. Dommage.
Le texte chinois, lui, est amplement pourvu de ces annotations. Les poèmes s'éclairent ainsi de l'intérieur.
Reprenons un peu plus systématiquement:
titre | Nuage et eau | Recueil de l'ermitage au toit de chaume |
Poèmes de l'ermitage |
Auteur | Daniel Charneux | Ryôkan | Ryôkan |
date | 2017 (2008) | 2010 (1994), 2è édition revue, corrigée & augmentée |
2017 |
isbn | 978-2-87568-140-9 | 2-907312-77-4 | 978-2-35873-110-2 |
édition | de poche | bilingue, reliée artisanalement par couture, texte calligraphié avec élégance; en plus, le pliage des pages est totalement inédit, pour ma bibliothèque en tout cas. |
trilingue: chinois (Japon) avec lecture japonaise |
langues | français | japonais-français | chinois (Japon)-français avec lecture japonaise |
traducteurs | - |
CHENG Wing fun & Hervé Collet Voir |
Alain-Louis Colas |
points forts | la langue | la reliure & la calligraphie | la traduction accompagnée de notes et commentaires |
pourvu de | une postface & une biographie de l'auteur |
Un portrait en 24 pages | Avant-propos & Introduction, avec les principes adoptés par le traducteur. |
Notons qu'un autre ouvrage également paru en 2017 chez l'éditeur Le bruit du temps: il contient de délicieux avertissements rédigés par Ryôkan également, ainsi que des Histoires curieuses touchant le maître de zen Ryôkan rassemblant vers 1845 par KERA Hiroshishige ses propres souvenirs du maître de zen qu'il a connu alors qu'il était gamin.
Il bénéficie des talents du même traducteur. Chacun des deux textes est traduit du japonais, présenté et annoté par A.-L. Colas. L'édition est bilingue. La page de gauche pour l'original, celle de droite la traduction française.
Cette plongée dans l'univers qui nous est ainsi offerte ouvre des voies.
Enfin, un site hongrois (https://terebess.hu/english/haiku/ryokan.html) offre un plaisir rare aux amoureux de la langue française: il assemble l'intégrale des 101 haïkus de Ryôkan et les propositions de huit traducteurs/traductrices différent.e.s Quelques choix personnels parmi les diverses traductions en français des 101 haïkus de Ryôkan figurent ci-après:
prépositions | rendre visite à un ami j'y pense aujourd'hui/ à rendre visite à un ami je songe; |
choix d'un verbe | suant, haletant / s'essoufflant en sueur / à bout de souffle; l'automne prend fin / s'en va / se termine; |
choix d'un temps | un iris... m'a enivré / un iris... m'enivre |
choix d'un nom | mélancolie/tristesse / prend pitié de lui-même / il est bien à plaindre; proie ou canard sauvage pour l'aigle ?; |
noms de plantes | trèfle / lespédèze; herbe d'automne/fétuque coquelicot/pavot |
niveaux de langue | étang/mare cabane/manoir (!) |
singulier / pluriel |
tout le jour / tous les jours; bois mort / branchages |
Ce site hongrois (pour rappel: https://terebess.hu/english/haiku/ryokan.html) offre un travail fouillé de comparaison, sans commentaires, des sources consultées, reprises en bibliographie. Il est un outil bienvenu, non pour évaluer les traductions proprement dites - le japonais m'est totalement inconnu ! - mais pour apprécier les choix de traduction opérés et les atmosphères plus ou moins poétiques suggérées qui en résultent. Très subjectif évidemment.
Ces trente-cinq pages sont passionnantes tant elles livrent des univers; chacun appréciera celle qu'il préfère par les propositions comparées. Hors jugement peut-être...
C'est ainsi le sens du poétique pour chaque traducteur/traductrice qui est mis en évidence.
Le travail fourni pour plusieurs langues (anglais, espagnol, français & hongrois) devrait aussi être d'un secours incommensurable pour des enseignants de traduction générale, partim poésie, dans des écoles de traducteurs.