Mises à jour fructidoriennes (18 & 23 8 15).
Parce que ce livre dispose d'un sommaire, non d'une table des matières détaillée, la voici. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elle m'aide à comprendre le contenu passionnant de cet ouvrage fondateur. Puisse-t-il en être de même pour vous.


Cette progression attentive, pas à pas, dans la clarté du texte Poétique de la terre, la constitution du lexique tapuscrit s'étoffant de notations neuves, s'éclairant l'une l'autre -, me rendront peut-être un jour capable de lire l'oeuvre antérieure de Monsieur A. Berque, à laquelle j'étais jusqu'à La médiance resté fermé. L'auteur use d'une pensée complexe; il a su ici la transformer en pensée complice. Cette complexité ordonnée se fait complice. À force de maturité assumée. Tant de langues inconnues livrent leurs mots, leurs concepts, qu’il est utile pour la mémoire d’en noter les occurrences, les définitions: grec, latin, sanskrit, japonais, chinois, allemand; anglais & français bien sûr. L'ouvrage présente un système philosophique qui a institué le néologisme comme science fondamentale !

En écrivant ce livre si accrocheur par son titre déjà, étant donné cet intérêt personnel porté à la poésie comme genre littéraire et comme pratique, son auteur a peut-être voulu que les lecteurs s’évasent.
Premier évasement personnel, notamment, en découvrant que l’absence de référents à la langue grecque est un trou dans une culture (je fais avec cet anhellénisme, & le vis bien, mais c’est un trou !):


Titre: Poétique de la terre
POÏÊSIS a le sens en grec de « création, fabrication, conception » (PT 204). Il s’agirait en quelque sorte d’observer la conception, la fabrication, la création de la terre dans le cerveau de l’homme. D’apprécier mieux comment il chemine vers davantage de sens mieux accordés aux milieux dans lesquels ils vivent. Les deux piliers de la mésologie sont le milieu et l'histoire (PT 169, 2e partie Reconcrétiser, ch VII Admettre le tiers §34 En deçà du bond mystique), d'où le sous-titre de l'ouvrage.


Sous-titre : Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie
Il faudra atteindre la page 204 pour trouver un décodage venant du grec du terme « poétique » (et donc entendre un aha !–version courte du « Mais bon sang, c’est bien sûr ! » simenonien, version R. Souplex), tandis que la page 156 formule de façon concise « l’objet du présent ESSAI », à savoir [formulation personnelle] donner du sens et déployer la pensée platonicienne au-delà du terme chôra (la Contrée, dont par ailleurs Jacques Abeille nous déploie le Cycle romanesque – picaresque presque -), au-delà d’elle-même en quelque sorte, car pour Platon elle restera en définitive inintelligible, inexplorée par delà le modèle et sa copie, « exclue par le logos ». Il s’agira tout au long de cet essai brillant de réconcilier, de réembrayer l’histoire humaine à l’histoire naturelle, de réembrayer l’écoumène à la biosphère « dans lequel l’Interprète n’est plus un simple objet mais un sujet. » PT 203


Embarquement au long cours dans Poétique de la terre. Permet d’embrasser tout à la fois:

- géographie (ce décrire la terre, un lieu, un paysage, un territoire caractérisé);
- philosophies orientales (ces façons d’être ailleurs, notamment Japon, Chine, Inde), mais aussi occidentales;
- philologie/linguistique/étymologie (ce dire comparatif avec des langues inconnues, indiquant des manières si différentes d’être soi);
- encyclopédisme (cet auteur expose plus clairement que par le passé – dans une densité & avec un poids spécifique1 considérables – l’universalité de savoirs maîtrisés par lui et son équipe).

S’embrasse en le lisant un cercle de connaissances, de concepts endimanchés de neuves liaisons notionnelles glanées à l'Orient qui s'épanouissent devant nous dans une ramure propre à ce multiculturalisme érudit. Les enchaînements denses qui nous sont présentés apparaissent à l'aune d'une concentration du soi lisant optimale.

Le dosage presque homéopathique du lire (5-6 pages à la fois) est une récompense à chaque prise. Faire montre de pareille évasure sur notre écoumène est devenu rare. L’auteur semble user de l’abouti d’un esprit parti depuis longtemps à la recherche de cohérences fondatrices.


Plusieurs lectures s’étalant  sur  plusieurs  mois,  par  cercles concentriques  de  plus  en  plus  larges, - allant en s'évasant donc -, seront nécessaires pour en rendre compte. La lumière jaillit de chaque page. Les  temps d’assimilation varient.
Un  réseau  notionnel  encore  implicite  terminologiquement  – mais c’est  un  projet  dont  la  maturation  est  sans  date  encore  – se construit pas à pas. Les types de liens notionnels pouvant unir les concepts, les notions mésologiques sont un héritage toujours bien présent  d’un  passé  professionnel  dans  l’équipe  du  Professeur  D. Blampain  (ISTI,  Bruxelles)2.  Il  faudra  auparavant  bien  mieux maîtriser cet univers philosophique avant de s’y employer.
Tout ce livre nous fait tendre vers davantage d’authenticité (p. 58, §12).


Une citation un peu longue montre aussi comment les hautes sphères philosophiques peuvent déboucher sur une dénonciation concrète:

L'homme moderne (l'auteur, lui, dit le Topos ontologique moderne -TOM-) « c'est en effet l'être qui apprécie d'autant mieux "la nature" que l'Appareil lui met plus de chevaux mécaniques sous le cul: jusqu'à 550 dans le cas du 4X4 Cayenne de chez Porsche, qui l'emmène à Taroudant ou à l'hypermarché. Ou en l'air, c'est encore mieux pour se libérer de contraintes de l'étendue, et aller prendre un autre 4X4 à Nouméa grâce aux 56 000 chevaux et 325 000 litres de kérosène de l'A380. Plus ordinaire qu'aux antipodes, l'aller-retour du TOM entre Paris et New York flatule de 2,5 à 3 tonnes d'anhydride carbonique par passager, soit de 40 à 60 fois son poids moyen, et plus que ce qu'émet en un an un Français moyen pour ses déplacements (soit deux tonnes de CO2). Salut la Planète ! » (p. 58, §12: L'hégémonie du TOM).

Nous ferons confiance à l'auteur sur la manière dont il gère ses allers-retours, ce va-&-vient trajectif entre ses deux nations: la France et le Japon. Il existe en effet des moyens de compenser ces dégâts; c'est un moindre mal.


Je suis extrêmement sensible à une phrase figurant en quatrième de couverture:  il s'agit de « dépasser les impasses de la modernité[. Cela] ne se fera pas sans l'appoint, logique et philosophique à la fois, des grandes civilisations de l'Asie. » Cette possible sortie par le haut, d'autres que lui en tracent une voie également. Il a le mérite de mettre à notre disposition (voire à notre portée, en insistant !) les ramifications les plus abouties, le paradigme le plus documenté. En le lisant, puis en le comprenant pas à pas, nous en prenons conscience. Cette lente intégration est un parcours entamé, sans date d'aboutissement. Elle est passionnante, un défi constant posé à l'humilité.

« Entre ce que sont les choses et ce que nous en disons, il y a plus que des mots; il y a ce que nous sommes. Il y a ce que nous sommes dans notre chair, dans notre esprit, et dans ce que nous en faisons concrètement… depuis la terre qui nous fonde et jusqu’au ciel qui nous attire. » p. 238, fin de la conclusion du livre intitulée  La terre, nous la nommons, certes, mais c’est elle qui nous prononce…


L'intérêt au long cours porté sur Nulle Part aux philosophies de l'Inde, plus spécialement au shivaïsme tantrique, rend le fossé à franchir vers davantage d'Asie encore, vers le Japon, légèrement moins large à franchir. Notamment par ce rejet très présent du dualisme. Il apparaît dès le Propos (p. 7): « La relation des sociétés humaines à l'étendue terrestre s'établit et fonctionne d'une manière que la dichotomie classique entre le subjectif et l'objectif ne permet pas de saisir. C'est cette dichotomie, qu'on appelle dualisme, qui est à l'origine du couple d'opposés conceptuels moderne "nature vs culture", comme de la séparation qui en découle entre sciences humaines et sciences de la nature. La mésologie vise au contraire à saisir ce qui, dans un milieu concret, allie en une même réalité ce que le dualisme, abstraitement, sépare en deux pôles. » (PT, p. 7)

L’essence du dualisme institue l’objet en loi. L’essence du dualisme absolutise l’objet. La personne est mise hors monde, hors jeu. La personne est refoulée dans son TOM (topos ontologique moderne). WELTLÖSUNG est un néologisme allemand créé par Monsieur A. Berque qui décrit bien le TOM. Il en détaille le processus de création ainsi: WELTLOS = sans monde & LÖSUNG = dissolution donnent donc WELTLÖSUNG. L'homme se dissout parce qu'il s'est mis / laissé mettre hors monde. Un exemple criant se lit dans l’aménagement du territoire: il est trop souvent au service, peut-être involontaire, d'une décosmisation d’un territoire en une étendue semée d’objets individuels sans liens les uns avec les autres (maisons quatre façades, ou pire appartements hors sol assemblés par blocs, loin de toute terre matricielle dans des villages jadis ruraux).


Applications mésologiques propres aux Éditions de nulle part

J'ai choisi d'illustrer les apports concrets de la mésologie à notre vie de tous les jours. À ma sauce, mais au plus près de ce texte si terrestrement poétique. Avant la synthèse probable de l'ouvrage même qui se construit petit à petit.

 Un premier exemple de ce qu'illumine l'approche mésologique: le texte s'intitule ENLACEMENTS PLANTAIRES. Il est par ailleurs sur ce site illustré de photos qui viennent en appui.

Collaboration dans la nature:
à deux, on est souvent plus forts.
Sans support, chacune soutient l'autre.

Symbiose par enlacement.

Quelle tendresse donc
ressentent-elles
à être si proches ?

ESSAI DÉFINITOIRE
Cette capacité à coopérer,
à co-croître de concert
dans une tension proche
du « the sky's the limit ! »
est un émerveillement pour l'observateur humain.

En l'absence de structure mécanique humaine,
elles co-croissent
en un enlacement coopératif
qui doit leur faire chaud
au coeur cellulaire d'elles !

Si vous cherchez encore une preuve que « le vivant est doué de subjectité - le fait d'avoir un soi - », la voici. (PT 147, 2e partie Reconcrétiser, ch VII Admettre le tiers, § 31 L'affranchissement du logos)
C'est un exemple presque idéal qui tend à rendre visible que chaque tige souple a un soi qui la pousse à coopérer avec sa voisine la plus proche, voire même avec plusieurs de ses voisines les plus proches, pour se rigidifier en co-suscitant leur poussée vers ailleurs: le haut-l'azimut, l'horizon aussi – quelques enfilages horizontaux. Cette coopération compense en quelque sorte l'absence probable de lignine dans leur tige.
Ce caractère est permanent: il s'observe chaque année à pareille époque et l'émerveillement semblait jusqu'à présent (2015) indépassable. C'était sans compter la mésologie berquienne. Pour la première fois, il devient possible de définir avec quelque précision ce qui se déroule chaque année.

Les tiges pourraient choisir de ne pas coopérer, ce à quoi s'attendrait le mécanicisme de Descartes. Ce mécanicisme est un passéisme philosophique, une étape indispensable mais désormais dépassée historiquement & scientifiquement, dans le temps & dans l'espace.

Comment les Cartésiens purs et durs (il en demeure de très nombreux!) interprètent-ils ce phénomène indiscutable ? À moins de nier le réel!

Les tiges choisissent donc de coopérer à leur meilleur épanouissement (mais est-ce bien là leur objectif ?). Elles pourraient se contenter de ramper sur le sol mais elles se dressent: elles y trouvent donc un avantage. Elles cherchent à s'associer sans urgence à d'autres. Car diverses tensions vers la coopération s'observent également: il y a intention manifeste de se rencontrer, même si la rencontre n'a pas encore eu lieu.
S'agit-il d'offrir à leurs fleurs à naître la meilleure exposition pour attirer au mieux l'attention des abeilles hébergées qui continuent leur va-et-vient accordé sur le temps long ? Pourquoi « la subjectité – le fait d'avoir un soi – du règne végétal a-t-il inventé ce mode de relation à la lumière et à la gravité, alors que le minéral en est incapable » ? (PT, 175 3e partie Réembrayer ch VIII La nature fait sens pour la nature... et au delà, § 35 Sens, milieu, subjectité)
Si le végétal « est devenu capable d'une telle invention, c'est en vertu de » l'histoire « dont procède sa subjectité justement. » (PT 175, id)
Ces tiges prennent donc collectivement la décision de coopérer, au moins deux à deux.
Ce travail de réflexion mésologique sur le milieu proche qu'est ce havre est fascinant.
Le vivant « interprète le donné environnemental pour en faire son milieu, spécifiquement adapté à son espèce, & aux termes duquel il s'adapte lui-même, créativement, dans un cercle vertueux de son propre monde. » (PT 177, id)
Il y a « adéquation mutuelle entre le milieu » – ce jardin paresseux - « & l'espèce. » (PT 178, id)


Un deuxième exemple: Jacques Abeille, une lecture mésologique

Quand J. Abeille narre le Cycle des contrées, il sait le choix des mots, lui.
« La chôra primitive se transforme chez Platon en milieu amorphe, recevant tous les corps. Platon occulte de manière décisive la dimension originaire de la spatialité comme CONTRÉE (Gegend) qui était perceptible au premier matin de la pensée. » A. Boutot, cité par Augustin Berque in Poétique de la terre, p. 156.
J. Abeille (JA) choisit de nous faire vivre cette dimension à l'origine de la « spatialité comme contrée » en nous y promenant à pas d'homme puis de cheval. Il réussit si bien à lui donner vie que Pauline Berneron, une lectrice, a pu en faire la carte, validée par l'auteur puisqu'il l'a insérée dans plusieurs romans du cycle.
A. Berque nous rappelle que fudosei se traduit de deux façons: médiance et contréité. Deux néologismes.
Alors que JA nous promène à travers les contrées en un cycle que nous sommes nombreux à vouloir sans fin, François Schuiten et Benoît Peeters, eux, façonnent leurs Cités obscures en excroissances du cube, structure logique qui n'aurait peut-être pas déplu au logos platonicien. La beauté formelle des Cités obscures est lumineuse. Leur rémanence rétinienne au long cours est une des sources qui alimente l'imaginaire clos derrière les paupières baissées. Chacun-e s'y reconnaît comme en un autre chez soi. FS et BP séjournent en leurs cités et leurs plumes finissent par s'en écarter. JA parcourt les contrées bien avant de nous initier à la ville de Terrèbre. Deux mouvements.

Les auteurs romanciers se sont rencontrés grâce à une connaissance commune. Ils se sont reconnus et ont, dans trois œuvres de JA, et notamment Les mers perdues, emmêlé leurs univers si voisins, si complémentaires. Il reste aux Citobscuriens à inclure les Contrées quelque part dans leur univers et à fusionner les cartes ! Ce serait l'aboutissement en forme de bouquet final. Un feu continu d'art essentiel aux confins fantastiques d'univers solidement construits, aptes à tracer vers l'ailleurs.

Brüsel-Bords d'eaux, fécondes et réciproques.

L'émotion naît d'être devenu un lieu secondaire de convergences entre des univers au départ distants et qui s'ignorent pour partie encore, de façon écrite en tout cas et sauf erreur de ma part.

Ne serait-il pas « opportun » qu'Augustin Berque, François Schuiten-Benoît Peeters et Jacques Abeille se rencontrent ? Mais cela a peut-être déjà eu lieu. Qu'en saurais-je ? Ces trois univers se co-suscitent désormais ici-même. Avant mieux, j'en forme le voeu.

L'ordre de lecture: Cités Obscures dès parutions, Mésologie au tournant du nouveau millénaire, notamment Écoumène et Médiance, Cycle des contrées, Mésologie – reprise en 2014 grâce à ce très lumineux ouvrage-ci. Ce deuxième exemple date également du 7 6 15.


Un autre exemple est à lire par ailleurs sur Nulle part: . Une Brève incursion au coeur de la mésologie se lit encore dans un article consacré à la transgression au volant et à l'avènement d'un lieu-matrice. C'est ainsi que lentement l'intégration a lieu.


(À suivre... màj 18 8 15)


1 Le père de l'auteur, Jacques Berque, avait donné ce conseil à Jean Sur, se définissant alors comme un homme de 35 ans « qu'à peu près tous les secteurs de sa vie plongeaient dans la perplexité »: « Augmentez votre poids spécifique », in Jacques Berque, Jean Sur, Les Arabes, l'islam et nous, Mille et une nuits, n°110, 1996, p. 32
2 J'ai participé à la mise en place d'un répertoire « conçu par Daniel Blampain, Isabelle Libert et Jean Mertens avec l'appui du Service de la langue française (Communauté française de Belgique). Par ailleurs, le centre TERMISTI a publié dans la revue Meta (vol. 39, n° 1) une bibliographie sélective (1980-1992) des contributions belges relatives à la traduction, à l'interprétation, aux industries de la langue, à la lexicographie et à la terminologie (Mertens, Libert et Simal 1994). Ce premier projet de recherche sur financement extérieur visait à concevoir un prototype de logiciel (dénommé Termisti) qui permettait de relier des fiches proches du modèle d'EURODICAUTOM (ancienne base de données terminologique de la Commission européenne) par un réseau conceptuel et d'ainsi générer des prédicats définitoires dans une infinité de langues. Ce prototype a été expérimenté à l'aide de microglossaires orientés vers des domaines de haute spécialité. Il a fait l'objet de diverses communications scientifiques.
Ce projet initial a été l'un des premiers à démontrer que l'exploitation de réseaux conceptuels permettait de produire de l'information nouvelle, de générer des prédicats définitoires dans des langues non décrites, voire de résoudre des problèmes d'équivalence. La gestion des expressions idiomatiques a été également prise en compte dans le développement de ce logiciel. » Extrait de: http://www.termisti.org/termisti.htm Tout ceci est furieusement daté évidemment, mais la base heuristique demain valide. L'effort n'a pas été poursuivi dans ce sens. Comme la vie va.


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