I Les régimes de l'activité
Dans les Leçons, l’auteur écrit: « Je parlerai de régimes de l’activité, au sens où l’on parle des régimes d’un moteur, c’est-à-dire des différents réglages auxquels on peut le soumettre produisant
• différents rapports
• & différents effets de puissance. » 17, note de bas de page:
Dans Un paradigme, n° 14, il cerne certains caractères de cette notion: « Je ne définirai pas exactement ce qu’est un régime, ni combien il y en a. L’utilité de cette notion est de nous rendre attentifs
• à la variété de nos formes d’activité
• et aux passages de l’une à l’autre.
Elle nous rend sensibles
• à toutes ces formes
• à leurs enchainements
• à la richesse musicale de notre existence. » p. 58
Les trois raisons pour lesquelles l’auteur écrit:
1. l’écriture oblige à clarifier la pensée,
2. l’écriture permet de conserver la pensée pour un usage ultérieur,
3. l’écriture fournit une base à la conversation. I, 25
Voilà trois de mes raisons d’écrire aussi, 196 carnets de séjour à la mi-janvier 2022, dont l'essentiel peaufiné / retravaillé / périodiquement mis à jour se transmet ensuite sur Nulle Part, une mise à disposition en quelque sorte. Cette démarche de publications sur la toile, en permettant une infinité (limitée par la vie qui bat en soi !) de retouches constitue une supériorité par rapport à la publication d'ouvrages imprimés sur papier.
II Le corps
Les deux raisons pour lesquelles J. F. Billeter refuse d’assimiler la conception du corps du Tchouang-tseu à la philosophie du ts’i (chi) sont:
1. la première est interne à ce qui nous est parvenu dans ces textes. « Il n’y a pas d’unité dans le Tchouang-tseu et les passages qu’on pourrait à la rigueur interpréter ainsi sont rares. Il n’y a pas d’unité doctrinale non plus dans les parties les plus fortes de l’ouvrage, celles qu’on attribue traditionnellement à Tchouang-tseu lui-même, par exemple le chapitre 2. » 33-34
2. « Les moments de l’expérience où nous avons un sentiment de
◦ continuité,
◦ d’unité,
◦ ou de fusion
de nous-mêmes et du monde » 35, « cette idée du sujet représente à [ses] yeux une synthèse pauvre. » 36
Trois exemples de cette expérience:
• la méditation,
• l’appréhension poétique du monde,
• l’action supérieurement exercée, telle que la connaissent les arts martiaux par exemple.
À ses yeux, cela ne prouve pas que le sujet n’expérimente pas non plus des moments où il se dissocie du ts’i. Il n’est pas continûment au mieux de sa forme. Le ressenti que j’ai de mon vécu personnel abonde dans ce sens. On trouve chez Tchouang-tseu « l’idée, déconcertante à première vue, que le sujet ou la subjectivité est un va-et-vient entre le vide et les choses. » 36
Est-ce la trajection d’AB ?
Le vide, ou la confusion, est fondamental: « c’est par ce vide que nous avons la capacité essentielle de
• changer,
• nous renouveler,
• redéfinir notre rapport
◦à nous-mêmes,
◦aux autres,
◦aux choses
si cela s’avère nécessaire. (in Leçons, 144, citée in Notes, 36)
Ces changements / renouvèlements / redéfinitions tendent à devenir pérennes dans la durée puisqu’il se pourrait bien que le sentiment
- de régresser parfois,
- de retomber en de moindres territoires, sous des éclairements moins généreux,
soit davantage un passage à vide, une confusion au-dessus du vide avant que le corps n’invente la parade pour relancer le mouvement.
39-40 Il existe dans le Tchouang-tseu une pensée du surgissement créateur qui se situe dans le sujet individuel.
III La compétition généralisée + L'imagination
La deuxième partie se clôt par ces deux propositions dans les faits, le surgissement [créateur] a toujours pour lieu le sujet individuel; ... il importe de le reconnaître. Le débat s'y noue entre exégètes du Tchouang-tseu.
« Le sujet, ou la subjectivité, est un va-&-vient entre le vide et les choses. » II, 36
« C'est par ce vide que nous avons la capacité, essentielle, de
- changer,
- nous renouveler,
- redéfinir (lorsque cela est nécessaire) notre rapport
- à nous-mêmes,
- aux autres,
- & aux choses. Notes III, 36 Leçons, 144
JF B est navré, après Montesquieu, dont il cite deux passages, que le sujet puisse laisser imprimer dans son esprit une idée de lui-même qui n'est pas conforme à sa nature propre mais davantage à ceux qui veulent plier l'homme dans un certain sens conforme ... à leurs intérêts. » III, 42
Il déplore les conséquences de plus en plus catastrophiques résultant des moyens employés par les grandes entreprises de domestication de la pensée ... comme le néolibéralisme qui visent à redéfinir de fond en comble
- nous-mêmes,
- nos rapports aux autres,
- & nos institutions.
C'est à une meilleure compréhension de la nature humaine qu'il en appelle. L'impuissance dans laquelle nous sommes tient à une cause centrale, nous dit-il, à « la méconnaissance du fait fondamental suivant: concevoir la nature humaine, et par voie de conséquence la forme de société susceptible de lui convenir est nécessairement un acte de l'imagination. » III 44-45
L'imagination définie par lui « désigne notre faculté de laisser se produire en nous une synthèse signifiante susceptible de donner son sens à un mot. » III, 45
Sa valeur s'apprécie d'après trois critères:
- nous pouvons réunir « un plus ou moins grand nombre de faits d'expérience ... que [l'imagination] associe de façon plus ou moins cohérente;
- « nous pouvons aussi en juger d'après les voies que [l'imagination] ouvre à la pensée par ses relations [ses liens] avec d'autres mots. » Cela permet alors de construire un discours autour de ces liens.
- « Nous pouvons juger sa valeur par le pouvoir d'agir que [l'imagination] donne.
Plus l'idée que nous avons de l'humain ou du sujet, plus notre pouvoir d'agir s'accroissent, plus il nous est loisible de développer ce pouvoir d'agir. Quand l'imagination prime, « elle nous porte à nous interroger sur le sens que nous donnons aux mots » & aux « synthèses qu'ils désignent. » III, 46
C'est en cherchant à faire « la synthèse la plus juste, celle qui donne le plus grand pouvoir d'agir » que la redéfinition du sujet peut avoir lieu.
Il s'établit également sous sa plume un lien fort avec l'hypnose, telle que l'a pratiquée Erickson. JF B nous fait part de lumineuses lectures trouvées dans l'oeuvre de B. Méheust, L. Chertok, et I. Stengers à sa suite, ainsi que F. Roustang.
IV Une expérience mentale
La source créatrice, ou le néant créateur, se situerait
- dans l’individu (proposition de l'auteur)
- et non plus dans l’univers (conception confucianiste).
Ceci apporte une correction à « ce qui, de mon point de vue, faisait [la] faiblesse » de l’imaginaire chinois, nous dit J. F. Billeter. Cette redéfinition est pour lui une expérience mentale. 51
L’accès à l’énergie créatrice résulte « d’une rétrogression comme un retour au commencement insituable et insaisissable de toutes choses. C’est une ascèse [demandant] à l’individu de se faire diaphane et ductile, donc de se nier. » 54
Le tao « est en premier lieu une source créatrice insituable et insaisissable. L’homme ne peut[l’]appréhender que dans ses effets, de sorte qu’il ne peut que la concevoir que négativement. » 54
Le tao est une transcendance diffuse.
V Doctrines du perfectionnement de soi
Nous fonctionnons selon différents régimes. Notre activité prend différentes formes de conscience.
Ces doctrines du perfectionnement de soi « se sont … toujours fondées sur les éléments de l’expérience qui aident à progresser vers plus de
• détachement,
• pénétration,
• ou efficacité dans l’action. » 62-63
L'auteur dialogue pendant 37 minutes sur cet ouvrage avec l'animateur de l'émission "Du jour au lendemain". Le lien: https://www.youtube.com/watch?v=xV8jKurkrkQ