F.F. (1861-1944) travaille de fin 1906 à 1924 pour la galerie Bernheim Jeune. À 63 ans, il déclare : « je suis mûr pour l’oisiveté » et il prend progressivement sa retraite. « Je n’aspire qu’au silence. » F.F. écrit 1220 Nouvelles en 3 lignes au Matin, au jour le jour, de mai à novembre 1906 avant de devenir directeur artistique de la galerie Bernheim-Jeune. Il y crée les éditions Bernheim et publie également un bulletin d’information « dans les dernières pages des catalogues. » (p. 390) Jusqu’en 1914. Entre 1919 et 1926, le Bulletin de la vie artistique qui s’étend, comme le fit remarquer F.F., de la mort de Renoir (décembre 1919) à celle de Monet (décembre 1926). Drôle de parcours pour cette plume anarchiste, à la cohérence d'une vie toute dédiée à l'art et à ses acteurs.
« Il effaça totalement le Je de son écriture. »
F.F. soutient certaines plumes poétiques qui lui sont contemporaines : Jules Laforgue, les Chants de Maldoror de Lautréamont, Jean Moréas, a correspondu avec Jarry, notamment. Il crée, participe, aide de multiples revues : le chat noir (dir A. Allais), aida Léon Vanier à sortir en 1891 une nouvelle édition des Amours jaunes de T. Corbière, mort inconnu en 1875 à 30 ans, édite Reliquaires de Rimbaud en 1891, sans que l’auteur le sache, publie, du même, les illuminations dans La Vogue en 1886 et a ainsi ouvert l’âge du symbolisme. (etc.)
Fort de l’autorisation de J-P Bertrand (ULg), les Nouvelles en trois lignes seront désormais des poèmes en prose. L'article du professeur liégeois montre de façon intéressante l'influence de l'apparition du télégraphe sur la presse quotidienne. D'autres verront dans ces nouvelles la forme du haïku. Le fond en est fort éloigné pourtant.
Homme attachant et discret, "on" lui a trouvé une façon de se mettre en valeur à titre posthume. J'ai rarement lu biographie d'écrivain aussi passionnante que celle de Joan Halperin : l'homme l'est déjà par lui-même. L'éclairage qu'offre l'auteure par dessus l'Atlantique, à l'origine en anglais, est le fruit d'une recherche de 25 ans. Sous-titrée « Art et anarchie dans le Paris fin de siècle », cette étude paraît en 1988 aux presses de l'université de Yale. Traduction française chez Gallimard en 1991. Dix-sept chapitres, 439 pages, notes, index et bibliographie jalonnent ses débuts, le néo-impressionnisme (il en invente le terme), le symbolisme, la Revue Blanche, ses amours et le terroriste en trois lignes...
En peinture, F.F. est une clé de compréhension essentielle pour Seurat, Degas, Signac, Bonnard et bien d'autres artistes forts, au croisement de transitions entre poésie, roman, théâtre; il en assure une critique d'art factuelle, précise dans diverses revues éphémères qu'il contribue à lancer dès les années 1880. Il les comprend parce qu'il les fréquente, discret et disponible.
Mécène de proximité, il y laisse plus d'un salaire. Sa mère vécut toujours avec lui, même après son mariage. Il est l'homme de plusieurs femmes et arrive à les faire coexister sans trop de heurts.
Début de carrière comme rédacteur au Ministère de la Guerre pour ce terroriste de la plume, anarchiste, probablement parce que cela allait de soi pour des hommes de culture issus du monde ouvrier. Emprisonné plusieurs mois avant d'être jugé lors du procès des trente, il fut innocenté et relaxé sur le champ.
Son réseau amical est vaste. Il est un des carrefours essentiels entre eux tous., une de leurs clés de compréhension. Sa plume est un templin pour eux. Il reste en retrait.
Il meurt un 29 février, se rendant une fois de plus rare mais précieux.