La tenue de cet ouvrage inspire le respect tant l'authenticité de la démarche qui a procédé à son assemblage en suppure, cristalline. Au temps où je fréquentais les ateliers de poésie animés par Karel Logist, j'avais déjà pu apprécier la verve ironique de son auteur. À l'époque, entre dix et quinze ans en arrière, il avait l'aphorisme décapant, bien rassemblé dans un Cactus inébranlable plein de nuit. bruit. fruit.

Depuis lors, il a pris tous les risques en larguant les amarres pendant trois mois, il a "marché 69 poèmes" entre le lundi 2 août 2021 et le samedi 9 octobre de la même année. Chaque poème quotidien semé sur la route constitue la seconde partie de l'ouvrage, photo à l'appui chaque fois. En quittant un ancrage dans le Namurois, il a rejoint Brive-La-Gaillarde où l'attendaient deux enfants de sa famille.

Au fil de ma lecture, j'y capte une touchante mise à nu de soi, une lancinante questionnée de ce que Marcher loin des écrans a fait de lui: ce texte vibre d'authenticités assombries sous les doutes auxquels le réel le confronte, et nous ses lecteurs, ses lectrices par procuration, immanquable et persillé de l'un ou l'autre désespoir sur un tissu de joies insignes. Cette traversée des miroirs entreprise par amour pour ses petits-enfants met à nu l'humain qui tient haute plume à la vie qui va.

Mettre sur pause la lecture
sans posture, le temps d'un café
(lui, il est théophile)
convenir
que je ne conviendrais pas
à cette progression pédestre
promeut la lecture confiante
en cette plume aguerrie
Plaisirs redoublés au lire
Un cheminé en procure, en somme.
Comme si les confinements
avaient ouvert les vannes
d'une aventure intérieure.

Timotéo Sergoï a mis sa créativité au service du chemin ouvert, sans rien taire de l'abimée que les humains ont infligée à la terre. Aller en roue libre sur la terre tue sied à ma condition de lecteur ancré en son havre solitaire. Cet écrit en deux parties, prose journalière, bille en tête; poésie en 69 poèmes marchés, donc. Vers les foires...

Je dois à ces assemblages un week-end entier de ravissements divers. Une embarquée sans embardées. Une essentialisation radicale.

 

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