D'une écriture creusée à l'essentiel, Makenzy Orcel porte la voix des  Immortelles (2010 aux éditions Mémoire d’Encrier et 2012 chez Zulma). La vie vibre dans ce roman mis au moins en double abyme. Il écrit sous la dictée d'une oralité extérieure dont il saisit au vol des notes habituellement hors de portée.
Et les transcrit en de courts paragraphes, un par page. Le résultat ressemble formellement à un long poème en prose dont la structure narrative est zigzagante, foisonnante mais ne nous égare jamais.
Autant de vibrations vitales, un sujet à la fois. La fébrilité des urgences est rendue avec l’intention de nous immiscer dans des territoires intenses. Leurs vies se déroulent sous nos yeux, ardentes, surtout celle de l'ensevelie, la petite, sous les gravats du 12 janvier 2010 à Port-au-Prince, Haïti.  
Plusieurs présences se croisent, déroulent sous nos yeux le tissu fort cabossé de la misère de ces putes de la Grand Rue. Autant de portraits mémorables.
La petite se fait appeler « Shakira, comme la star ». C'est elle qui sert de trame au récit. La raconteuse, « je m'appelle... En fait mon nom importe peu. », est, elle, introduite dès la première phrase.
Le halètement de l'auteur ne s'arrêtera plus; aucune faiblesse au milieu du roman, nous sommes scotchés à la page. La forme choisie y est pour beaucoup, mais aussi son art sûr. Cette écriture que je découvre rend hommage, est un tombeau aux sans-grade en quelque sorte.
La structure narrative est très originale et atteint une universalité qui rend au plus près la vie de la rue.

M. Orcel, 30 ans en 2013, est une plume à suivre. Les Immortelles sont à envoyer de toute urgence aux prix non abonnés à Galligrasseuil...  ET à Madame N. Vallaud-Belkacem... En effet, suffit-il de « cacher ce sein que je ne saurais voir » pour qu'il n'y ait plus de seins ? Ou d'hommes, souvent largués, qui se raccrochent à  une humanité, certes tarifée, qui leur est accessible auprès de ces femmes-là ?

Makenzy Orcel a déjà publié un recueil de poésie et un autre roman. Je ne les ai pas (encore) lus: À l'aube des traversées (paru à Montréal : aux éditions  Mémoire d’Encrier en 2010) et Les latrines (chez le même éditeur québécois en 2011, son deuxième roman).

Je dois à Richard Blin d'avoir attiré mon attention sur ce roman dans Le Matricule des Anges.


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