Le Matricule des anges invite à lire Bove en quelques articles convaincants. Un poche de bibliothèque m’emmène sur les pas de Charles Digoin.
Emmanuel Bove (1898-1945) savait écrire. La parcimonie syntaxique était son monde. Elle n’empêche nullement le trait de caractère, l’observation fine, l’évocation d’une atmosphère, d’un état de l’air, d’âme. Un évènement fondateur, puis les convenances d’une bourgeoisie d’à propos parsèment au long cours la vie de Charles Digoin. D’une femme à l’autre. De Drugny à Fombonne en passant par Paris.
Il s’y émeut un renouveau rapidement tamisé dans l’indifférence aux jours sans apprêt.
Cet « adieu » à « Fombonne » suit un désir vague qui se matérialise de manière pressante. Une fin de roman ouverte sur les possibles. Rien ni personne ne s’émeut fort. Le roman est pourtant attachant. C’est sans urgence mais de façon assidue que sa lecture s’est poursuivie parmi d’autres occupations des jours. Une nuit même…
Cette écriture sans effets de manche crée son sillon en vous. Et le manque survient déjà une fois le livre refermé.
Parcourir la page attentive est une joie qui évoque l’étriqué d’une vie qui s’assume sans vraiment s’effleurer.
La prochaine fois que Bove croise mon chemin, je l’invite à se lire.
En préparant un article sur "Jacques Sternberg et le Plexus décomplexé" (bientôt en ligne), je tombe sur la notice qu'il consacre à Bove dans son Dictionnaire des idées revues: elle vaut bien le dossier LMDA, je trouve (et j'aime beaucoup LMDA).
Une citation intégrale s'impose:
"Malgré la caution intellectuelle de Samuel Beckett qui ne prononce jamais aucun nom - pas même le sien - c'est en vain que l'on tenta d'exhumer Emmanuel Bove. Romancier qui connut pourtant une certaine renommée dans les années 30. Hanté par le minable vécu par des médiocres, Bove écrit tout en gris, avec une magistrale économie de moyens, sans jamais aucune analyse psychologique, se limitant aux faits, aux dialogues, aux sensations et aux réactions résignées devant les platitudes de la vie. Il n'annonçait pas seulement la neutralité du Nouveau Roman, mais aussi La nausée de Jean-Paul Sartre. Mais si l'on a écrit plus angoissé et plus désespéré que Bove, personne n'est arrivé à le battre sir le terrain vague de la neutralité, de l'acceptation fatiguée d'une vie tiède, de mornes histoires, de conversations sans intérêt et de diversions encore plus molles."
À se demander si, par certains côtés, J. Sternberg n'a pas trouvé un maître de plume auprès de cet auteur. Il signale d'ailleurs deux livres de Bove, L'amour de Pierre Neuhart et Mes amis parmi des points de repère qui sont de véritables bouleversements. (Profession Mortel)