La maison de Bretagne se fane dans les brumes épaisses de l’automne. Je crois qu’elle n’ose le dire à personne. Dans la houle entêtante, elle a replié ses volets. Dressée sur le granit, elle défie le temps, la bruine, les éléments. Elle leur jette en façade ses murs de chaux, blancheur impénétrable, dressés contre vents et marées.
Autour, la plage est échouée, les rues se sont vidées, les terrasses rangées, les parasols en berne, pour cause de saison morte. Le ciel est abattu et porte le voile.
La maison de Bretagne ne pleure pas. Face au vent qui se lève, aux couleurs qui désertent, aux mâchoires glacées du givre qui la mordent, elle retient son souffle, serre ses tuiles. Elle attend. Le cri d’une mouette, le tintement des mâts, les voiles qui se hissent. Je l’entends. Elle glousse entre ses murs. Les premières lueurs s’immiscent par l’interstice des volets entrouverts. Une percée téméraire du soleil l’éblouit. Elle tremble encore un peu, ses surfaces sont moites. Elle a l’haleine maritime des lieux abandonnés. Elle s’étire, grince, siffle le courant d’air qui soudain la traverse. Elle se déshabille. Ôte les linceuls qui muselaient ses meubles. Offerte et nue, elle s’abandonne enfin à l’invasion hâtive. Débarrassée de ses oripeaux inutiles, elle s’ouvre et respire. Les embruns la pénètrent, les rires se déploient, le sable s’y repose, par petits tas.
La maison de Bretagne se livre au chahut débridé des hordes de vacanciers. C’est là son seul salut. On la brique de mer, de mouettes cérusées, de filets de pêcheurs, de coques échouées. On la pare de bleu et de bois érodés. On lui dit que la mer est orfèvre et on récolte ses trophées que l’on exhibe à satiété. Elle ne s’emporte pas. Elle se noie dans les bouteilles que l’on y vide et garde un peu les effluves iodés des crustacés éviscérés.
Mais elle sait qu’elle n’est rien. Ce n’est pas pour elle qu’on vient. Ou peut-être un peu, oui, peut-être pour sa vue. Et elle, elle la regarde ; face à la mer elle s’époumone. Je crois qu’elle la jalouse, mais surtout, ne le dites à personne…