J’écris de temps à autre des poèmes de mer. Ce poème en est un.
Un poème de mer compte autant de strophes que de marées sur une
journée. Le dernier vers doit pouvoir s’enchaîner avec le premier et permettre
ainsi de recommencer sans fin.
Pour écrire un poème de mer, il faut pouvoir regarder loin.
Fixer l’horizon où la mer se noie dans le ciel.
Et savoir abandonner.
Il faut laisser partir les vers, tirer une ligne et laisser faire.
Tendre un fil. Laisser planer un doute. Hisser le voile.
Et attendre le vent.
Le vent emporte les mots et la brise le silence.
Le poème tangue et sa langue se délie.
Il revient vous chercher.
Découvre vos abîmes
Dévoile vos secrets ; les ensevelit ensuite.
Et vous ne pouvez vous y soustraire.
Alors vous recommencez, inlassablement.
Vous écrivez des poèmes de mer
Vous attendez qu’ils viennent.
Les jours de tempête, ils sifflent, se rebiffent, ébouriffent.
Alors il faut sortir sa plume, hisser sa page. Partir.
Jeter un poème à la mer.
Laissez-le voguer au gré des courants :
Il sera romantique sous le soleil couchant.
Vous regarderez s’éteindre le feu en songeant aux pages déchues.
Il sera surréaliste par gros temps.
Vous vous insurgerez contre une mer démontée ;
Et vous rendez hommage à la Mer Morte.
Vous glissez sur la page. Vous hésitez.
Les mots s’écument, les mots s’érodent.
A les écrire ils se polissent.
Et vous revenez à la ligne.
Vous tirez un trait.
Si un déclic vous le dicte, vous cliquez.
Parfois, le mot disparaît.
Il se peut qu’il se noie dans le flot de vos songes.
Le poème à la mer monte jusqu’à vous inonder.
Il faut s’en dessaisir. Le laisser expirer.
Mais surtout apprenez :
Si vous jetez un poème à la mer, elle vous le rendra peut-être un jour.
Si vous lui apprenez à en faire, elle vous inspirera toute votre vie.