« Jai besoin de tout le jeu de cartes des animaux, je cherche le dix de grive et le quatre de renard. »
Jules Supervielle
À peine dans le dehors tu cherches le dedans, le giron,
le cocon, une fabrique à ronron, le mamelon d’une chanson.
(Petite maman, fais doucement !)
Et vlan ! Voilà tes chansons, les pompons faits maison,
la barboteuse en nylon, ses deux boutons tout ronds,
que tu prends pour des tétons, des repères en laiton.
(Dis, ces petites mains chiffonnées, c’est toi ?)
Tu rêves d’un doudou tout mou, de mots roux, de
« mon p'tit loup » de « pauvre petit chou ».
Tu rêves beaucoup.
Tu cherches un sein tout doux, un nid pour ton hibou.
Tu le cherches partout. Tu le cherches à genoux.
Tu trouves quelques cailloux.
Tu prends goût au lait des usines, au miel de Méli,
au fiel de Mélusine, aux cachets d’aspirine,
aux p'tits sous, aux machines à p'tits sous.
Tu perds à chaque coup, tu es chelou.
Tu reprends du ragoût, on te gave de saindoux.
Ti cherches un maman, tu cherches une papa.
Tu cherches pourquoi tu prends du poids.
(Dis, les poignées d’amour, ça sert à quoi ?)
Tu cherches la lune et tes lunettes.
Tu cherches la boîte d’allumettes.
Tu cherches ta poudre d’escampette.
Tu fais joujou, t’es plus dans l’coup.
Tu cherches la grosse et la petite bête.
Tu cherches l’anguille sur un tas de foin.
Tu cherches ton dogue. Tu prends des drogues.
Tu prends.
Tu es au clou, on t’file un bout.
Tu es à l’ouest, il y a des loups.
(Dis, t’es sûre que ça plane pour toi ?)
Tu cherches un mari à quatorze heures.
Tu cherches mardi, tu cherches jeudi.
Et le samedi, tu t’enlaidis, te déguises en
Rose Marie Lady, en Lady Di, zoom, bazooka
talons aiguille et double mascara.
(Et la barbare est là ! Non, mais des fois !)
Tu cherches tes mots, une langue très mère,
du velours pour caresser les chats.
Tu écris quatre phrases banales, bancales, un
poème Coca-Cola, cucul, riquiqui, racaca,
que tu connais sur le bout de tes doigts.
Ta prose trémière fait des manières.
Elle se trémousse, cherche ses racines, une
clope, des copines, se joue l’héroïne de cape
et d’épine.
Mon pauvre loup, tu es relou.
Vide l’encre de tes nuits de Chine,
Vire tes babines, tes jeux d’échine,
Dévide tes bobines et ta chevillette cherra.
(J’aime quand tu me parles plus bas.)
Tu cherches the place to be, the Paradis,
L’amant sincère, le Prince qui dit oui.
Le King of the Divan t’exaspère, te désespère.
Il t’embobine, se débobine et se débine.
Tu cherches des places to bibine.
Tu dis j’m’en fous. Tu fais glouglou.
Tu n’tiens plus d’bout.
Tu cherches son nom dans le vin sombre.
Tu comptes le nombre de tes ombres.
(Dis, ce cœur amidonné, c’est toi ?)
Tu cherches toujours, tu cherches encore.
Tu fais la belle, la rebelle, la rerebelle.
Tu cherches de plus belle.
Tu cherches un alibi pour ton baba.
Des baisers d’Ali Baba sur ton bébégonia,
Sur la soie de tes camélias.
Des cascades de Gloubi-Boulga dégoulinent
tout le long de tes bas.
Le capitaine à la masse te fracasse.
T’as mal partout, il met les bouts.
(Dis, ce ventre en béton armé, c’est moi ?)
Tu passes ton tour, remélanges tout, redistribues.
Tu cherches le valet de trèfle à quatre fleurs,
Le roi de cœur et de caresse.
Ça manque de pique-nique et de musique.
Il te faut l’as du comics trip,
La dame très fleur et son bon beurre,
La dame qui se lève de bonne heure,
Qui te tartine de belle humeur.
Ça manque d’atout.
Tu perds et passes, rebats les cartes.
Tu risques le roi de porc-épic, suivi de l’as des asticots.
Tu fais bataille à tout ce qui pique,
Tires le valet d’bic du caniveau.
Tu rates le rat d’eau médusé,
et le mille de pigeon rami.
Tu rames encore, tu cherches toujours.
Tu joues l’as de liqueur et ses haut-le-cœur,
Surjoues la dame en pleurs sur le carreau.
Tu fais brelan de roi de branlette.
(Et toi, mon ange, tu as le roi sans cœur
et la petite madame de cafard ?)
Consigne: enfance, etc.