Prose poétique (contrée imaginaire, mœurs de ses habitants)
Je vous écris de Fleurosiphagie, d’un jardin dont on ne revient pas.
L’hiver le plus rude que l’univers ait porté dans ses blancs est annoncé.
L’heure du gel a sonné, l’Ère du Pédonculophile peut démarrer.
Chaque rose aura son fumier, chaque pétale son pal, son palier, son espalier, son bûcher, toute vie sucée jusqu’à la lymphe extrême.
Le fleurosiphage se nourrit d’épines, fait régal de tout bois.
Il mâte la rose d’un jour entre les jambes d’un parc-en-ciel.
Il trique la colchique, la monique, véronique, dominique et toutes les saintes en nique.
Il piétine Sainte Catherine, gerbe sur ses racines, ses narines, ses collines, ses poitrines et ses mesures trines.
Il vole ses violettes, ses voilettes, ses allumettes, viole ses auréoles, ses aréoles et toutes ses alvéoles.
Pas de pitié pour le pistilenciel !
Ce n’est que lys fanés, calices profanés, jonquilles jugulées, giroflées déflorées, capucines décapursulinisées, agonies d’aconits, tubéreuses en entubées, mourons mort-nés, mimosa momifié, pulmonaires détricotées, cœurs de Marie fricassés, roses bleues saignantes, à point, bien cuites, au poivre vert déprimeverte, fleurasthénie, parterrosclérose, overrose.
Les hautes grilles en fer forgé empêchent l’Enfer de déborder dans la rue.
Le jardin hier encore matrice, berceau, rosepouponnière n’est plus que cimetières, petit cinéraire de quartier, dépotaurosenoir avec fosse commune pour cadavres sexquisés, tous patrosenymes explosés.
C’est en grande pompe que sera célébrée l’inauguration du Funérosarium flambant neuf, par tout le Tremblement et ses Saintes Tremblantes, cendres de fleurs aux yeux, avec rangées de cercueils cerfeuillés et quart de four au feu rose pour bourgeons tués dans l’œuf.
Déjà on entend sonner le glaïeul, l’hallali du lilas a résonné.
Font chorus quelques cris sans thème à l’état de cristal, les éclats de rire d’une fleur follette en camisole fleurescente.
Ancrées dans la nuit et le sol gelé, deux angéliques liquéfiées mélangent leurs vides.
