Au pays des merveilles de Huy – Rondia, Tchestia, Bassinia… -, il est une merveille perdue, oubliée. Une fraise à faire pâlir d’envie ou rougir de colère la belle de Wépion. « La merveilleuse de Tihange », la reine des fraises, disparue au profit de la centrale nucléaire. D’abord, il y avait sa couleur. La merveilleuse n’était pas vermeille, mais de ce rouge profond qu’on appelle carmin. De belle taille, charnue, brillante, vernissée, cloutée de minuscules akènes, elle portait fièrement sa collerette vert foncé, sa fraise… Elle ne la ramenait pas pour autant et se laissait déguster sans protester… Et là, c’était l’extase. Sa peau sombre cachait une chair rouge foncé, la chair ferme d’une robuste campagnarde (ceux qui la cultivaient ne se nommaient-ils pas « Les campagnards de Tihange ?). Mûrie au soleil, elle était gorgée de sucre. Si l’adjectif suave n’existait pas, on l’aurait inventé pour notre merveilleuse. Et pourtant. Enfants gourmands et sacrilèges, nous la poudrions de sucre semoule après l’avoir découpée en morceaux pour lui faire rendre ce jus coulis couleur de rubis que nous buvions à même l’assiette. Péché de gourmandise. Le Seigneur fit pour nous des merveilles. A moins que ce ne fût le diable…