Elle,
Elle,
invisible,
essentielle,
Elle, parcourt
ses canaux,
autonome
et créative.
Vocalises soufflées,
cordes chuintantes
sur mélopées
sans apprêt.
Le corps replié
sur sa souplesse
rassemble,
nonchalance,
la présence
impersonnelle
sous soi,
sans sursaut
ni brusquerie,
portée par
un vécu proche.
Se revit ainsi
dans l’en-creux
un modelé ferme
au bord de l’abysse
qui jamais
n’y succombe.
Statuette
évoque
les dos den relâche de
Camille Claudel
& ce ramassé de soi
qui l’imite et la transcende
au cœur de sa propre chair.
Le plus étonné,
ce son tenu
pas ténu
qui hume
quelques contours
de l’humeur intérieure.
Invisible et bizarre,
s’active ainsi
une fusion formelle
d’énergies conjointes
de deux corps proches,
complices sans être
coupables.
La diversité
des déposes
ne résulte d’aucune
créativité pensée.
Seul le corps offert;
s’honore bellement
l’énergie (Elle,)
qui s’y attarde,
invisible et bizarre.
Flux ouvert
cavité corporelle
comblée
d’essor ému.
L’infini temporel,
comme éclosent
les bourgeons de vie,
n’est rien à côté
du bien-fondé
d’un vécu relayé
par les fibres
à l’unisson,
vibrantes.
Cette assise
fugitive
tâte parfois
l’inusable.
Voisé et longe lâche,
le son porte
la vigueur
énergétique
propre à
ce corps-ci
ici.
Ces êtres-là
Remerciée sois-tu,
toi qui ne nous es pas
attachée,
nous, ces êtres-là,
des joies intimes au soi
que tu fais vibrer
dans les tréfonds la vie
que chaque corps,
éphémère,
recèle en soi.
La plupart en font
un usage discret,
avertis qu’ils sont
de la dette immense
qu’ils ont vis-à-vis de toi.
Universelles
promenades,
aux rebords
infinis.
Devenus des passages,
ils n’en tirent nulle gloire,
ni fierté ou autre affect
empreint de tristesse (Spinoza) :
« La joie est le passage
d’une perfection moindre
à une plus grande perfection . »
« La tristesse est le passage
d’une plus grande perfection
à une perfection moindre. »
(III, définition des affects)
L’explication de Spinoza suit : (extraits)
« Je dis passage. Car la Joie n’est pas la perfection même. Si l’homme, en effet, naissait avec la perfection à laquelle il passe, il la possèderait sans éprouver de Joie. Cela apparaîtra plus clairement par la Tristesse, qui lui est contraire… la Tristesse est un affect en acte, ne pouvant donc consister en rien d’autre qu’en l’acte de passer à une perfection moindre, c’est-à-dire l’acte par lequel la puissance d’agir en l’homme, est réduite ou réprimée. … J’omets les définitions de la Gaieté, du Plaisir, de la Mélancolie et de la Douleur, parce que ces Affects se rapportent essentiellement au Corps, et ne sont que des espèces de Joie ou de Tristesse. » B. Spinoza, L'Éthique, p. 260, Trad. R. Misrahi, Le livre de poche, n° 32 202.
Ces êtres-là apprécient
le chemin parcouru
à force d’attention portée,
d’antennes lentement déployées
aux sillons méditatifs,
interstices, fissures,
dont ils font davantage
que d’autres, peut-être,
leur pitance.
Seule l’attention
imprégnée
permet d’atteindre
ces états de la joie
qui ont leurs sources
dans l’impersonnel,
l’invisible,
l’impalpable.
Il fait souvent paisible
sous ces calottes-là.
Simple constat,
pas un état.
Le temps s’y écoule
serein et vif,
comme à son affaire.
C'est au cours d'une relaxation d'après-midi (non, pas une sieste ! Nul endormissement...) que l'ébauche de ces deux poèmes à la suite a vu le jour.