Brelan
Il n'était pas fameux dans son faubourg
Que dis-je dans sa rue
Quel dis-je dans sa maison
Il ne sortait pas de sa chambre
Il se nourrissait de riens
Il ne buvait que les jours de pluie
Il pleuvait souvent
Quelques gouttes par-ci par là
Mi-poussière mi-vapeur
Elles chatoyaient au soleil
Entre un nuage et un nuage
Il était bien tranquille dans son petit deux-pièces
Au bout d'une ruelle sans nom
Où les automobiles ne passaient jamais
De temps en temps une belle bohémienne
Venait odorante et dorée
S'asseoir sur sa fenêtre
Il arrivait que l'on apportât
Une grande table ronde
Autour de laquelle vêtus comme des princes
Des hommes au visage de ciment s'installaient
Pour ne rire d'un bref éclat
Qu'à l'instant où il réclamait
Un ballon de vin blanc
Manu a téléphoné
Il a dit qu'on avait le temps
Qu'il passerait un jour ou l'autre
Vers l'année deux mille et quatre
Pourquoi ne pas m'avoir éveillé
Je croyais que vous étiez mort
Quand donc reviendra le désir
Avec la longue attente
Les courses folles
Les reins tendus le ventre dur
Les tremblements les yeux mouillés
Quand donc va-t-il revenir
Un soir ou un matin
Avec son visage de gouape
Avec ses allures de sainte
Ses doigts qui fourmillent
Il connaissait la valeur d'un verre d'eau
La douceur d'une peau
La couleur du beau temps
La misère d'une rengaine.
Louis Scutenaire, in Le fusil du boucher, Temps mêlés, 1974, 52-54.
Formidable hommage au désir, vous ne trouvez pas ?