La collection Les archives du futur vient de publier au début de 2024 le deuxième tome consacré à François Jacqmin (1929-1992), poète et prosateur pleinevallois (commune de Neupré). Cette fois, il s'agit de ses écrits sur l'art et les artistes, tels qu'ils sont archivés par le Musée & Archives de la littérature (Bibliothèque royale, BE), en son fonds: https://fonds.aml-cfwb.be/liste?c=ISAD%2000059. La fonction d'hébergeoir à textes est parfaitement remplie.
Toutefois, pour pleinement apprécier les fulgurances subtiles de cette plus que belle plume, il aurait été judicieux d'adjoindre des illustrations d'oeuvres des 18 artistes ainsi commentés. L'au-milieu-du-gué que représente ce volume me laisse comme un goût d'incomplétude. D'inabouti.
Bien sûr, la "toile", version dématérialisée, comble pour une bonne part ces lacunes iconographiques. Moins de génétique, davantage de référentiels aux oeuvres des artistes peut-être ?
Je n'imagine pas que les personnes qui se sont penchées sur le berceau de cet ouvrage n'en aient pas discuté. J'aurais aimé lire le bref compte-rendu de leur omission volontaire, un choix négatif en quelque sorte.
Pour combler cette béance, un site apparu lors d'une première incursion entoilée a livré une base de données partielle pour y effectuer des recherches, y compris iconographiques, commune à 5 des 18 artistes belges commentés avec tant d'à-propos par F. Jacqmin: https://art-info.be/bd/
Mieux, j'y ai même trouvé d'autres textes encore de la main jacqminienne qui ne figurent pas dans l'ouvrage...
Le conseil de lecture sur lequel j'ai façonné ma dégustation textuelle propre passe donc par la conusltation des liens repris en tableau ci-dessous avant même la lecture des textes que F. Jacqmin a consacrés à chaque artiste.
Butiner à la suite les bonheurs d'appariements lexicaux inédits, inouïs, à mesure qu'ils se présentent à l'oeil, un crayon mine tendre jamais loin pour en souligner l'occurrence textuelle, what else ? ! L'art de la mise en mots adéquate émeut chaque fois qu'il s'offre. J'aime la manière discrètement émancipée dont F. Jacqmin use, avec une sobriété telle qu'elle constitue un constant exercice d'attention vive face à cette somme appréciable.
France
Bertrand Bracaval (France, 1948) est apparemment peu présent sur la toile. J'ai néanmoins trouvé ceci: https://www.manifestampe.org/utilisateur/bertrand-bracaval/profil
Max Bucaille figure d'une brève fiche sur Wikipedia et une recherche sur Duck Duck Go (la version sans mouchards de Google !) livre des "photos".
César Domela a suscité un enthousiasme numérique bien plus marqué sur https://www.cesar-domela.com/fr/accueil puisque ce site s'autopromeut comme "le site officiel"...
Le cinquième texte pour le catalogue Domela de la galerie Spiess (Paris) constitue en soi une heureuse convergence entre deux flux majeurs qui alimentent ce site-ci, Les éditions de nulle part: François Jacqmin et Bento Spinoza.
« La peinture de Domela appelle quelque com-
paraison avec le processus de Spinoza: cha-
que proposition produit une démonstration
dont la nécessité interne n'a d'égale que
la dignité de l'intelligence. Ils savent
l'un et l'autre qu'une conclusion hante
le lieu même de l'énoncé.
Au fait, il s'agit moins de découvrir que
d'exercer une extrême attention. L'art pro-
fond suit naturellement le cours de ce qui
est profondément ressenti. » 114-115)
paraison avec le processus de Spinoza: cha-
que proposition produit une démonstration
dont la nécessité interne n'a d'égale que
la dignité de l'intelligence. Ils savent
l'un et l'autre qu'une conclusion hante
le lieu même de l'énoncé.
Au fait, il s'agit moins de découvrir que
d'exercer une extrême attention. L'art pro-
fond suit naturellement le cours de ce qui
est profondément ressenti. » 114-115)
Ce paragraphe isolé ici, parmi les 24 qui sont inclus, dit à la fois la proximité entre François Jacqmin et Bento Spinoza, dont avait été pressentie la justesse par l'élection conjointe que je leur consacre depuis longtemps sans jamais l'avoir explicitement lue (ou entendue) exprimer par le poète mais aussi l'art consomme de l'effacement jacqminien au profit de l'art total de César Domela, dont il semble avoir saisi une quintessence qui, pour le coup, me parait familière alors que je ne connaissais pas cet artiste avant de lire ces écrits-ci.
En forçant à peine le trait, on pourrait croire que FJ anime les 24 textes de la présence du philosophe en s'exprimant sur le peintre/sculpteur en une triangulation sereine dont il a le bon goût de presque s'effacer: « D'origine spirituelle, cette prudence est indispensable à celui qui tâche de totaliser les vertus de la chose picturale. » (n°10, p 117)
Il est intéressant de percevoir ainsi l'intimité que semble avoir FJ avec l'Éthique spinozienne. De mémoire, c'est ici la première fois (la seule ?) que je rencontre Spinoza dans les écrits de FJ.
La deuxième conférence que FJ a prononcée en 1991 lors de la 6e chaire poétique [Le poème exacerbé] s'intitule: La cohabitation philosophique. Spinoza n'y apparait pas. Seuls Marc-Aurèle et Epictète ainsi que l'ontologie, « l'étude de l'être en tant qu'être » précise-t-il, s'y posent.
« Mon expérience ontologique fut menée en solitaire. Certes, elle fut soutenue par quelques lectures mais chacune d'entre elles ne laissait pas de faire apparaitre les insensibles agissements d'une terminologie de protection. » (48) Une terminologie de protection ! C'est bien le vécu qui accueille tout qui aime la philosophie en empruntant des chemins traversiers...
« L'univers
n'est pas assez intrépide pour ne conduire
nulle part.
Il reste aux hommes de convenir
d'un lieu
où ils abandonnent le lieu. » (49)
n'est pas assez intrépide pour ne conduire
nulle part.
Il reste aux hommes de convenir
d'un lieu
où ils abandonnent le lieu. » (49)
FJ a tenu « pendant plusieurs années .... une sorte de journal philosophique. Ce log-book devait m'aider à tracer un parcours intellectuel. À la fin, on abandonne la philosophie, et sans doute également la poésie, comme le peintre abandonne son tableau. » 50
S'essayer à encombrer le moins possible le réel incident. Ce serait indécent de procéder autrement, n'est-ce pas ?
Voici les liens vers les 13 artistes belges dont 5 sont présents dans la base de données https://art-info.be/bd/ : et ailleurs... Je m'interroge en effet sur les critères à remplir pour figurer dans cette base de données qui semble avoir été constituée pour servir d'instrument "officiel"...