Mon attention a été titillée par un article dans Le Matricule des anges d'avril 2019, lui-même une large reprise thématique de La sensualité de l'entendement (Maria Gabriela Llansol - ci après MGLl) par le même auteur dans La Nouvelle Revue Française. [Novembre 1994 (n° 502) Parution : 03/11/1994 Pages 103-110]

Une commande reçue plus tard, l'anthologie de fragments choisis, intitulée À l'ombre du clair de lune, attire, intrigue, instigue. Instigue une autre écriture à se couler dans ses pas, à les faire siens en quelque sorte, avec sa tonalité propre.


Parcours
J'aime ces longs instants où se recueillent attentivement les reformulations, ici à partir de MGLl.
C'est en portant attention à la langue dont elle use comme d'un outil d'expression personnel: il lui permet d'emmener l'écriture jusqu'à son point de fulgurance. C'est là où la foudre la foudroie. Le réel l'emmène au-delà de lui-même, en le pressant jusqu'à révéler toute sa puissance d'agir (Spinoza).
Ve 31 5 19
Écrire dans les pas de l'auteure lue, faire siens les mots, les concepts pour leur donner leur envol propre, leur envergure personnalisée.
S'alternent ci-après des citations extraites de l'ouvrage et des fils conduits sur le métier à tramer d'autres textes.


MGLl 16 "Personne ne sait... ce qu'est la responsabilité d'éduquer le soleil.
L'éternel retour du mutuel.

Ce qui s'est usé dans le corps, la vibration est venue le remplacer. J'assume avoir moins de force physique & davantage d'art pour m'appuyer sur les énergies qui m'ont formée, & j'ai choisi.
17 J'ai besoin que d'autres voient ce que je vois, avec loyauté, courage & constance maintenue à mes côtés."

Être en deça de ce besoin exprimé, cette pulsion nécessaire aussi bien par rapport à l'objet-livre-imprimé, avec un nom sur la couverture, que par rapport au dire face à un public qui vous regarde.
Le besoin sur NP est autre: écrire. Il est un flux déposé dans l'escarcelle. Écrire est une forme de vibration intérieure qui convient à l'essence re-trouvée, comme s'il s'était agi, avec la guidance, puis l'aide des mains, de remonter le flux pour lui donner une autre tenue, d'autres vallées à creuser, d'autres vallées à creuser, des pierres différentes à sculpter par le passage érodant de la vibration énergétique.

MGLl 17
"Choisis, définitivement de ne pas être poussière, mais vibration lumineuse, heureuse & colorée." a-t-il dit. & le rêve a ajouté: "Tu as tout ce dont tu as besoin." Parler sans énigmes, avec la clarté & la sincérité qui reposent les esprits.


Sur NP, ce qui s'écrit se tient davantage aux frontières de la densité & de l'authenticité. NP, une écriture dense & authentique. 


MGLL 17
J'ai compris qu'aucune méditation, aucun texte, ne me servirait au-delà de ma propre écriture.

MGLl 19
J'ai besoin, à présent, de recréer un nouveau lieu de repos destiné seulement au savoir, comme dans l'adolescence & dans l'enfance.
MGLl 19
(l'enfance) C'était alors le temps d'apprendre ce qu'on m'enseignait, à présent c'est le temps de connaître... ce qui m'a été dit. Préparation précieuse de l'ultime étape de la vie adulte,
abandon serein & initiatique du labyrinthe.

L'abandon serein & initiatique du labyrinthe
Simplifier sereinement, en s'initiant aux méthodes plurielles qui déploient le labyrinthe mental en un chemin d'énergies corporelles, davantage linéaire sur le fil temporel, moins contraint par les méandres.
Être à la fois une évanescence furtive au dehors & un cheminant sur les énergies corporelles intérieures, telles qu'elles se manifestent par une présence; créant les carrefours où se rencontrent diverses traditions.


In L'alvéole des carrefours
Être à la fois une évanescence aussi furtive au dehors & un cheminant intérieur sur les énergies corporelles, créant les carrefours où se rencontrent diverses traditions qui s'efforcent de trouver des convergences, des vibrations communes.
Écrire est un flux déposé dans l'escarcelle. Écrire est une forme de vibration intérieure qui convient à l'essence retrouvée. Neuve trouvaille, comme s'il s'était agi, avec le guidage puis l'aide des Mains, de remonter le flux en amont pour lui donner une autre tenue, d'autres vallées à creuser, d'autres pierres à sculpter par le passage érodant de la vibration énergétique.
Nulle Part s'écrit dans les marges d'une densité authentique. Effacer le devoir de l'usage lexical. & Mental ! Le remplacer par une éthique comme moteur principal. Choisir autant que faire se peut chaque acte posé. Se laisser peu imposer; et quand cela a lieu, le regretter... Écrire délivre de la proximité. L'écriture met une distance, émet une pulsation que Nulle Part, ce fleuve au long cours, permet de ressentir, si la lecture anonyme, intraçable, le souhaite.

Le silence, cette ouverture profonde d'un espace sur le temps. Nulle spatialité sans temporalité. Les deux sont l'intimité même. Le silence ouvre un espace sur le déroulé du temps. L'intimité de leur lien imprègne leurs échanges. Faire principalement silence en soi. Quand le silence se fait, c'est un acte volontaire de sa part. Le havre est devenu, comme le dit joliment M. G. Llansol, la maison d'écrire
. 36 


MGLl
27 "Ce que je cherchais sans le savoir était le logos." Plus tard, ce logos, elle l'a appelé "scène fulgor", le logos du lieu, du paysage, de la relation, la source occulte de la vibration", de l'allégresse.
Être toujours attentive à la réalité à laquelle ellle a accédé.
Elle a dû l'apprendre.
Il est important

  • de ne laisser échapper aucune scène,
  • de regarder
    • ce qui advient
    • & ce qui se propose au futur.

La réalité, "le réel est un NOEUD qui se délie au point précis où une scène fulgor (le logos)

  • se délie
  • & se soulève.

Le premier signe (de quoi?) a été que [l'auteure était] en train de s'éloigner des personnes" en pénétrant au coeur du paysage "sans chemin de retour possible".
Advenir à la langue en portant une attention extrême au réel jusqu'au noeud où la langue se délie & se soulève. C'est cette disposition même à observer le réel avec intensité qui assure la fluidité corporelle.
La réalité est

  • pacourue par des noeuds,
  • parsemée de noeuds

que seule la langue peut dé(p)lier et soulever.


MGLL 31
"La Belgique est le petit passage étroit entre voisins qui convoitent le pouvoir.
Nous arrivons à peine à imaginer ce qu'un jour sera la liberté de conscience travaillée par le don poétique.
34 J'ai fini l'après-midi assise, méditant le profil des paysages.
34-35
J'avais le sentiment très aigu de comprendre - & cette compréhension était englobante, elle comprenait tout ce qui se trouvait dans la maison, & entourait la maison."
Traces minérales; mais le vivant prime.
"Le silence est ainsi devenu un lieu-ici... Le silence... c'est l'espace profondément ouvert dans le temps, où un jour s'est opéré l'échange entre Bach & l'oreille dans une expectative aiguë. Musique a dit: - je te donne le silence, tu me donnes Bach."

Le silence, cette ouverture profonde de l'espace dans le temps. Nulle spatialité sans temporalité. Les deux sont empreintes/matrices pour l'autre. Les deux sont intimemement liés par l'échange qui s'opère entre eux.

Le silence ouvre l'espace sur le temps.
Sans le temps, pas d'espace.


MGLL
La seule chose importante était de faire silence.
NP
En soi principalement, car faire taire le monde tient du défi inacessible...
Faire silence est un acte volontaire quand elle écrit
"Le silence se fait."
La maison... est un fragment d'une alvéole plus grande. La maison est à la recherche de l'exactitude de ses fragments.

MGLl 36
Ce n'est que dans la fragmentation silencieuse que j'irai, lentement, avec eux tous (les fragments) vers mon lieu dans l'univers. [Il] est parfaitement impersonnel & vide, même s'il est le réceptacle ouvert à toute la communauté.

Il n'est pas exclusif & sa viduité même semble ouverte à/sur l'ensemble du vivant. Bibliothèque: Je reçois l'énergie des livres qui s'y trouvent.
Le havre est devenu ce que l'auteure appelle "la maison d'écrire".
Le havre, la maison du lire & de l'écrire.


MGLl
Quand on écrit, seul importe de savoir dans quel réel on entre, & s'il y a une technique adéquate pour ouvrir le chemin à d'autres.
NP
Écrire serait aussi ouvrir le chemin à d'autres. Le chemin s'ouvre à soi en se déployant par tâtonnements en une écriture qui le pourvoie de caractères définitoires, de balises aussi.
L'écriture est là pour tracer la carte de ses méandres; elle n'advient que parce que le tracé est devenu apparent, précis & clair. Souvent, l'écriture consent au simple témoignage postérieur qui dépend d'une formulation faisant partie de sa définition. Sans elle, le tracé reste sous-jacent & peine à se dire.
Des choix posés, des voies empruntées, des carrefours conjoints, des bas-côtés aussi, ceux où le corps s'enlise. S'enlise & apprend, retient & évacue. 


MGLl
J'éprouve le besoin de poser des questions à la vérité que je vois comme un ajustement. Les êtres ont le sentiment ultime qu'il existe un lieu où chacun arrivera à sa coincidence. À chacun la sienne.
Dire ce qu'[est cette coincidence/cette vérité ?] reste une donnée en suspens. La vérité comme matière reste inaccessible, mais tous nous nous acheminons par la "forme" vers ce point d'attraction. Il n'y a personne qui ne s'achemine.
La vérité comme matière est

  1. le contour final & achevé de la vie de chacun,
  2. la réponse donnée avec rectitude au juste appel.

Demander "qui suis-je?" est une question d'esclave; demander "qui m'appelle?" est une question d'homme libre.
NP
Cette vérité qui n'est

  1. ni subjective
  2. ni objective

mais une matière difficile à saisir par son hermétisme même. Qu'il s'agisse de cheminer vers sa propre coincidence est joliment dit, que ce soit un lieu, visionnaire, une donnée en suspens, évanescent, comme impalpable. & elle aboutit à la matérialité.


MGLl
FULGOR & FIGURES
FIGURES

  • = ce que j'ai appelé plus tard scènes fulgor
  • = noeuds constructifs
  • = modules
  • = des contours qui enveloppent le noyau scintillant
  • = des diagrammes
  • = une personne qui a existé historiquement
  • = une phrase (c'est le jardin que la pensée permet)
  • = un animal
  • ou = une chimère.

Mon texte suit le fil qui relie les différentes scènes fulgor.
NP
L'unité nait de ce fil
"même si apparemment il n'y a pas de logique." 41
Elle découvre chaque scène en y progressant "car je ne sais pas à l'avance ce que chaque scène fulgor contient.

Son noyau peut être

  • une image
  • ou une pensée
  • ou un sentiment intensément affectif
  • ou un dialogue."

NP
J'imagine la liste non exhaustive.


Nous sommes une somme d'ébranlements conduits par une mobilité, une forme de souplesse d'échine qui se construit tant que la vie est un flux non figé.
La résonance que j'éprouve en progressant dans son texte est réelle. Le cadre par lequel elle définit ses hypothèses est un mouvement en soi. Cette anthologie tient aussi à l'anthologiste, comme toujours: Joao Barento.

J'aimerais comprendre en quoi Spinoza a exercé une influence sur elle.


Lu 27 05 19
Trouver apaisement dans une prose corporelle, attenante à la profondeur de sa réflexion lumineuse & première. MGLl possède cette perle essentielle dont a un jour commencé la destinée, plume à la main, pour ne plus s'arrêter. Cette écriture est une ressource intérieure.


MGLl
[Ce] bref moment de dévoilement sublime [est] devenu une longue séquence portant une vibration explicite[, il] est le monde de l'écriture.
L'écriture nait dévoilement d'un bref moment sublime & se transforme en une longue séquence vibrant de façon explicite.
MGLl 56
"La connaissance amène l'abondance, au point de rendre les hommes généreux."
MGLl s'attache à élucider l'objet d'une vision. Se définit-elle comme écrivain visionnaire ? 71

Les princes Les gens
Les attentifs Les distraits
Les intenses Les mornes
Ont besoin de miséricorde Les orgueilleux


"Il y a une histoire silencieuse des intenses qui, parce qu'ils ont besoin de miséricorde, n'imposèrent pas à leurs congénères les chaines de l'explication ni des mirages pour le désir.
J'aimerais que survive l'affirmation que nous sommes des épiphanies du mystère." Ce mystère " se déroule dans nos balbutiements." 71-72
72 L'inhabituel s'appelle mystère. Lire, c'est stimuler la lecture. Converser avec l'après-midi: indispensable à la fois "pour la connaissance mutuelle de l'après-midi & de moi-même face à l'après-midi.
73 Vivre, une gloire & une mort mystérieuses. "& à la fin, la mort. Mais durant mon calendrier, j'essaierai de faire part de tout ce que, tout au long de ma vie, j'ai pu suspecter de l'existence."
... "On peut tirer de l'existence ce qui d'elle se lit." 73


épi/phane: illustre, éclatant
sur/brille

épiphanie = manifestation de quelque chose qui était caché.


Nos mystères brillent ou rayonnent sur nos balbutiements.
En écrivant au coeur de notre processus vital, en annotant attentivement nos balbutiements intenses du mystère, nous les faisons rayonner au coeur de notre processus vital.
C'est par cette constance même à annoter attentivement

  • tout ce que le processus vital en soi fait rayonner, fait émaner,
  • tout ce qui émane du processus vital en soi

que chaque INTUITION trouve un chemin d'abord peu marqué, comme s'il hésitait à apparaitre; ensuite, il se précise, davantage apte à porter nos pas réflexifs.

J'ai remplacé MYSTERE par INTUITION, comme je suis remonté au sens grec d'épiphanie. Pour la même raison.

autre reformulation
C'est en confiant avec constance ces notes à des carnets de vie de manière attentive que chaque intuition qui émane du processus vital en soi, hors conscience, trouve à se frayer un chemin

  • d'abord peu marqué, comme s'il hésitait encore à apparaitre,
  • ensuite, à mesure qu'il précise son tracé, il devient davantage apte à porter nos pas réflexifs au long cours.

Qu'un paragraphe comme le précédent suffise au jour, c'est aussi en cela que ce chemin au tracé précis s'apaise sous les pas.


sur MGLl
Chaque/toute écriture aboutie/qui s'est trouvée déploie un vocabulaire propre. Déceler certaines évocations chez une voisine de palier est plaisant.


Trouver matières à rebondir
dans cette langue dénouée,
aux nodosités porteuses
de tant d'amplitude;
de vastes terroirs
se balisent, porteurs

d'univers cohérents &
récurrents qui s'explorent
avec jouissance, tant leurs saveurs
se marient dans l'anonymat
de mots traduits...


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