La forêt recrache des borborygmes bizarres. Elle se protège des intrusions par un épais roncier en lisière. Elle lui sert de refuge. Elle s’y ressource peut-être. Elle ose faire usage d’une liberté qu’elle n’a pas reçue. Elle l’a trouvée en elle, à sa source.
Elle va indifférente et belle. Ses cheveux ont le crêpage naturel du continent noir. On ne lui connaît pas d’homme dans sa vie. Pourtant, elle porte une plénitude qu’elle a dû aiguiser à la proximité d’une âme aussi profonde que la sienne. Pas forcément un homme d’ailleurs. Elle est déjà une énigme pour celles et ceux qui ne lisent que les surfaces.
Ses dons guérissent de la vie mal foutue. Elle vit de ce qu’elle reçoit sans le demander. Elle choie si elle le choisit: femme de son siècle, elle déambule sans retenue. Son territoire est vaste. Elle touche, parle, apaise, rallume.

L’instant qu’elle est
lui suffit probablement
pour trouver la réponse.
C’est facile pour elle,
elle possède le bon
lecteur de questions.

 

Nous sommes presque toujours une grande question: nous la coltinons sans même la connaître souvent. Elle y apporte une égale bienveillance, discrète et inaperçue la plupart du temps.
Un soulagement. Un jour à marquer d’une pierre blanche. Quelques-uns vont plus légers. Leur question lui a parlé. Elle croit en la force de l’humain. Personne ne lui a jamais entendu les rituels d’une religion qui nierait sa liberté trouvée.
Les rencontres tiennent de la coïncidence. Enfin, nul ne sait si elle les provoque ou si c’est nous. Qui y peut, de toute façon ?
Son regard. Une vibration, d’évidence. Elle n’enjambe guère l’aura des éveillés. Ils n’ont plus besoin d’elle.
Mais son plaisir…

Sa discrétion la protège des intrusions.
Pourtant, nous saurons d’intuition
l’instant de l’échange, sans toujours
en identifier la source:
c’est la première fois.

Une armure solide, elle y revient
le temps qu’il faut pour libérer
la palpitation qu’elle contient.
Elle s’y attache. La dilution survient.
D’amour, elle vit. Comme eux, comme vous.


« La mort un féminin
comme si nous ne pouvions
admettre d’autre solution
que de nous voir retirer le don
par celles qui un jour
et provisoire
nous l’ont offert. »

Est-ce un cadeau, ce don ?
Pas toujours. Empoisonné, alors.
Il faudrait la sagesse de le refuser.
C’est sûrement tentant,
cette entrée chaude et animale.
Seulement voilà:
c’était une sortie
et rien ne disait
les horreurs
qu’elle celait.
C’était la première fois.

 

La citation provient de : Serge Delaive (2006), Les jours, La Différence, collection Clepsydre.
p. 98 : Mort n’a pas de sexe (mais reprendre c’est voler).

Les deux photos sont extraites du livre de Uwe Ommer, Black ladies, ed Taschen; les deux dessins proviennent du site web de François Schuiten ainsi que de Casterman.
Ce texte a été produit dans le cadre de l'atelier de poésie de Karel Logist début décembre 2011. Il s'agit d'un texte à contraintes que j'ai mollement respectées...


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