D'abord, à quai, sur les marches supérieures du square Caloni, un homme en long short bleu, torse nu, cuir tanné, casquette, matelote des cordages blancs de belle facture. Il coud, torsade, torsade encore, étire fermement en se servant de la rampe de l'escalier.
L'homme en long short bleu rejoint son bateau, aidé d'un copain en T-shirt rouge, aussi dégourdi que je l'aurais été à sa place. Il transfère son bateau du 56 au 52, cherche une chaîne haussière reliée au corps-mort situé sur le fond du passage à bateaux. Son premier objectif est d'y atteler un de ses nouveaux cordages. Il s'insère entre un bombard et un modeste hors-bord classique. Un écrou d'amarrage fixe le cordage. Trois cordages blancs retiennent le bateau.
L'homme chauve, deux bateaux plus loin, plus âgé, le consulte sur la qualité de ses câbles; « elles sont bonnes, là. ». Il sort ses outils et se met à en resserrer les torons sur les marches inférieures du square Caloni, pendant que l'homme chauve continue à astiquer son bateau. La cabine ouverte doit courir sous la proue. Les douze coups viennent de retentir au clocher phallique*. Un hélico survole la tour et s'éloigne vers l'intérieur des terres.
L'homme au T-shirt rouge, mon presque double, réapparaît avec un sachet plastique. Le capitaine au long short bleu, qui a fini ses resserrages pour le voisin, en extrait un cordage plus fin. Il s'affaire à l'arrière du bateau. Il y pose des flotteurs rouges. Deux noeuds les fixent. Il sait y faire.
Et ils repassent à l'autre amarrage, à côté de la marquise verte. Assis sur le rebord de la dénivellation entre le quai et la promenade, il entreprend un autre cordage encore. L'homme en rouge s'est éloigné avec une caisse en carton, vide il me semble, en lançant un « au revouar » bien d'ici.
Trois outils, un couteau, un cylindre creux et un épissoir. Il s'affaire au cordage de l'autre capitaine. Ils sont maintenant sur le quai, debout, le second en soumission paradoxale. Le cylindre lui a servi à taper sur un noeud. Ils travaillent maintenant côte à côte. Le capitaine chauve a compris ce que fait le premier et l’aide. Une cour de spectateurs s'est agglutinée autour de lui, principalement un père et ses deux fils qui viennent de se mettre à quai, cordages riquiqui...
Le capitaine au long short bleu est un bon ouvrier, bien outillé, sac bleu plein de ressources. L'homme à la marquisette verte et lui sont sur le bateau. Il fait chaud au soleil.
Ils s'épongent.
Puis ils s'en vont tous deux vers le repas. Ramassette, brosse à manche long, planchette, bout de cordage, sac bleu refermé en bandouillère. Plus d'une heure de travail, l'air de rien.
* Marc-André 2 Figueres (1993), Théorie érotique du clocher de Collioure: ou comment capturer les fantasmes, Editions Galerie Profils/CEDACC, 76p.
Texte 10 07 08 Caloni 11h40, nombreuses retouches postérieures; photo 2008 sur Nikon p5100.