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Jocelyn nous avait habitué à ses arrivées furtives. Ses pas, plus habiles aux cailloux des chemins qu'aux pavés de nos hameaux, effaçaient leurs traces avant même de s'imprimer. il semblait glisser sur un fin coussin d'air.
Marie avait le chic pour déposer un café allongé à sa table sans qu'il ait rien dit, comme s'il était sûr qu'elle le verrait la première. L'éternel sourire qu'il portait aux lèvres rayonnait jusqu'à ses yeux. En déposant le café fumant, elle était aussi tout sourire: elle le raccompagnerait bientôt jusqu'à l'orée de la forêt seigneuriale. Leurs chuchotis effleureraient les chants d'oiseaux saluant les premiers feux du couchant sur la mer, parant les contreforts des Albères de couleurs émues.
Il repartait le sac à dos garni de victuailles locales, toujours choisies sur certains étals du marché sur la Place. Il engageait volontiers la conversation avec les maraichers auprès de qui il s'arrêtait. Leurs réponses l'étoffaient d'un savoir qu'il n'avait pas. Il n'hésitait jamais à demander un conseil, tantôt sur la marjolaine à replanter, la recette pour préparer ce légume oublié, la saveur d'un fruit neuf à ses papilles.
Son passage régulier, ces deux-là se savaient liés par une même vibration, les nourrissait. Le ressort qui les animait s'en trouvait avivé. Ils ne devaient pas s'assembler pour se comprendre. Ils étaient un répit pour l'autre.