Le matin répétait dans la forêt le gazouillis des oiseaux en prière
et lavait de rosée sa parure de soie verte. 44
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Les nuages roulaient la pluie en pelotes, en torsadaient les fils. 83
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Des coulées de nuages s'accrochaient aux cimes des sapins et leurs franges d'azur avaient l'éclat d'un soleil ivre de bière mousseuse. Sur l'herbe, l'humidité était d'une blancheur argentine. 86
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Le ciel faisait grise mine et fronçait les sourcils. Dans leur coupole bleu foncé les nuages bruissaient. 91
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Il prenait en plein visage le parfum suave de la prairie,
le ciel bleu foncé collait aux yeux et les plongeait dans la somnolence. 96
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La brume distribuait sur la terre les caresses de la rosée; ça sentait la menthe, le romarin,
et du côté du lac, les prés fauchés fumaient, abandonnés à la cendre. 118
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Tu sais bien qu'en ce bas monde nous sommes seuls avec nous-mêmes. 136
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Ses bottes arrachaient des perles de verre aux buissons verts parfumés. 146
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Le pourpre écumait dans l'azur et colorait de sang les nuages. 155
Une prose poétique d'un charme fou. L'auteur, russe, avait dix-huit ans en 1913. Du Rimbaud pur jus. Il se suicidera à vingt-cinq. Un ovni littéraire. Grâces soient rendues au traducteur, Jacques Imbert (décédé en 2011) qui en a intériorisé à ce point le feu et à l'éditeur de nous en restituer si bellement la fougue. Vous n'avez plus rien à lire ? Précipitez-vous !
Ah oui, un conseil: sortez vos mouchoirs. On y meurt à la pelle dans ce village enkysté dans la campagne près de Riazan. La langue incandescante de l'auteur et de son traducteur habillent cela d'âme russe millénaire, celle des paysans ancrés dans leur terre.