Reçu ce matin (29 05 15), par voie postale, une mince enveloppe contenant ces Formes empreintes, formes matrices, Asie Orientale d'A. Berque. Texte écrit, référencé comme toujours, avant de se dire devant un public, porté par la voix de son auteur. La lecture, bic en main prendra davantage de temps. Mais il est disponible...
La taille modeste de l'ouvrage incite à la lecture à haute voix (du français...car l'auteur cite abondamment termes & passages provenant d'autres langues fort inconnues - le japonais, le chinois, le sanscrit, l'allemand même). Deux heures trente, entrecoupées par un café et une immersion dans le monde virtuel. Une telle lecture, comme pour soi mais en interprète audible cette fois, s'habite probablement davantage de ces concepts auxquels ce soi tente de se familiariser. Elle a même eu pour effet l'oubli de confectionner et de savourer le petit-déjeuner !
(Le texte en bleu est un ajout du 23 9 15). L'auteur revient sur plusieurs éléments de son vocabulaire, notamment cet interprète dont il définit bien le sens au §36 (171) de la Poétique de la terre. Il s'insère entre Sujet et Prédicat, dissociant du même coup le sujet de l'interprète.
Citation un peu longue extraite de Poétique de la terre, et pour le même prix, en sus de l'interprète, le sens du titre de l'ouvrage...:
« Comment passe-t-on de l'information à la signification ? À tout le moins par le mais aussi d'un syllemme (§33): à la fois un processus spatio-temporel, & qui suivant l'échelle relève de l'évolution ou de l'histoire, celle d'un milieu en particulier ou de l'écoumène en général, mais aussi hors du temps et de l'espace, dans l'immédiateté du symbole, qui est sans être ce qu'il est. » (PT, 181)
J'interromps la citation pour insérer ici un tableau qui s'est progressivement imposé à moi en lisant le chapitre 4 de Formes empreintes, formes matrices, Asie orientale (43-48):
La première ligne explique pourquoi l'aval est à gauche et l'amont à droite; par analogie avec le spectre de la lumière:
Infra-rouge | Zone visible pour l'oeil humain | Ultra-violet |
L'AVAL des représentations des choses concrètes & particulières relevant de la terre |
Formes visibles | L'AMONT du dao/tao, le processus constitutif des êtres |
métaphysique | ||
Mots japonais pour désigner la forme | ||
SUGATA | KATACHI | KATA |
Forme singulière sous laquelle un certain être apparaît dans une certaine occasion |
Formes visibles. Le mot le plus général pour dire forme en japonais |
Forme matricielle / forme / modèle / moule / patron / style / règle d'usage / convention. pas visible. commande l'actualisation des formes visibles. |
Extériorisation | Intériorisation | |
technique | Symbole | |
Cosmisation du corps | Somatisation du monde |
« C'est par nos systèmes symboliques (colonne de droite) que l'immensité de notre monde est aussi entièrement en nous, incarnée par les synapses de nos neurones. » (47)
Quant au paysage, | ||
Tout en ayant substance, | il tend vers l'esprit. | |
(Zong Bing, Traité du paysage) |
La trajection de la réalité commence par cette tension de la substance vers l’insubstance; par l’assomption de S en P. La tension = l’en-tant-que. P tend vers S, le sujet logique. La trajection de la réalité sensible est guidée par un paradigme. Le rapport entre amont et aval traduit l’idée d’un flux continu, comme celui d’un fleuve. Il s’agit d’une continuité avec une différence progressive, grandissante, qui croît plus « on » s’enfonce loin vers l’aval, plus on s’enfonce loin vers l’amont.
Il s’agit de la conjonction MAIS AUSSI.
Morphose générale de l’être.
« Les formes visibles sont ce qu’elles sont MAIS AUSSI ces formes visibles tendent toujours vers autre chose »,
- dans le flux de la réalité,
- dans la chaîne trajective de la réalité.
Cette relation trajective est sans doute un des principes fondamentaux de la pensée orientale alors que Platon ne pouvait pas penser cette relation trajective, « qui reste pour lui une aporie ».
Si vous le permettez, je reprends la citation de Poétique de la terre là où je l'avais laissée pour préciser les contours de l'INTERPRÈTE:
« - Un "processus" à la fois évolutif & immédiat, qu'est-ce à dire ?
- Du point de vue mésologique, ce processus bizarre - bizarre puisque son mais aussi, qui échappe au logos & n'est pas numérisable, à ce qui distingue le vivant de la machine -, c'est une trajection: à partir du donné S et de sa prise en compte - par le sens, par l'action, par le langage et par la pensée - en tant que quelque chose chose par un certain existant, naît une réalité S/P, qui est transmissible, en tant qu'un certain signe (S/P)P', à d'autres existants du même corps médial;.... » (PT, 181)
(Oui, bon quand je disais que la phrase de l'auteur se fait souvent fort entangled, je ne vous mentais pas...Je reprends mon travail strictement linguistique de simplification / clarification, en essayant de ne rien perdre de cette si subtile complexité:)
La chaîne trajective « évolue dans le temps & dans l'espace à diverses échelles, mais aussi est toujours immédiatement là, dans le phénomène de la vie. Le vivant, c'est l'interprète I pour lequel S est P. ... I est toujours là prégnant. »
La poétique de la terre est un double principe: - « la prégnance indéfiniment évolutive de I dans la chaîne trajective »...
& « par ce fait même la construction indéfiniment évolutive de la subjectité de I ». (PT, 181) [subjectité: le fait d'avoir un soi]
D'autres termes apparaissent aussi; ils seront à approfondir comme la morphose et puis cette clarification apportée aux liens qui unissent empreinte et matrice. De la philosophie comme un des beaux-arts, la sculpture en l'occurrence ici. À chaque fois, le lexique trouvera à s'étoffer.
Dans Médiance (2000) déjà apparaissent la matrice et l'empreinte: l'auteur nous y dit que la société utilise le milieu en fonction de la PERCEPTION qu’elle en a. Des matrices phénoménologiques (les schèmes de perception et d’interprétation du milieu) ne cessent ainsi d’engendrer des empreintes physiques (les modes d’aménagement du milieu), lesquelles influencent ces matrices, et ainsi de suite. » (44) « Le paysage peut se concevoir comme une empreinte-matrice. » (44)
Cinq mouvements sont dans l'oeuvrage de 2015 donnés à cette pensée philosophique qui chemine:
1. L'empreinte-matrice
2. De chôra en genèse de l'Homo sapiens
3. La morphose de la vie
4. Les empreintes-matrices de la forme en Asie orientale
5. Conclusion: la trajection des formes vivantes
Il se redit ici*, de façon neuve, comme trajective, l'énonciation d'un courant philosophique qui prend sa force sous la plume de l'auteur et ses collaborateurs: la mésologie. Cette force prise forme synthèse toujours en devenir, toujours à advenir, aux confins entre Orient et Occident dans un mouvement qui s'enrichit à chaque lecture de l'une ou l'autre intuition qui fonde la persistance à vouloir comprendre ! Car rien n'est simple dans le monde de la mésologie. Cela peut paraître compliqué à la surface jusqu'à en découvrir quelques éclairages sur la complexité dont les limites semblent reculer à chaque fois qu'il se lit un texte neuf.
La fécondité interconceptuelle assumée par l'auteur a lieu dans une humilité qui ne semble jamais prise en défaut. Jamais la couverture n'est tirée à soi. Grand soin est pris à pister les lueurs prémésologiques dans les textes d'auteurs qui l'ont précédé. Sur les deux rives du fleuve, l'occidentale et l'orientale.
« Les formes paysagères portent l'empreinte des oeuvres humaines. » Elles « influencent nos manières de percevoir, de penser et d'agir. » Symboliquement, elles sont matrices. (3) Ces formes sont à la fois actives et passives. Elles « relèvent du syllemme (à la fois A et non-A) [tout] comme le troisième et autre genre de la chôra » platonicienne. Le monde sensible est à la fois empreinte et matrice de l'être relatif. (3)
LA MÉSOLOGIE ÉTUDIE LES MILIEUX
Le sujet et son milieu se cosuscitent. Le fait d'être, d'être advenu à son milieu, d'être corrélé à lui, contribue de façon essentielle au meilleur bien-être serein de soi. Cette sérénité même est un chemin / est en chemin ...
Un tableau peut tenter de rassembler en un lieu quelques mots-clés qui paraissent essentiels:
BIOSPHÈRE | ÉCOUMÈNE |
Umgebung | Umwelt |
Donné environnemental objectif, brut |
Le milieu |
Quantitatif | Qualitatif |
Information | Signification |
Shizen kankyo | Fudo |
Objet que se donne la science dans le dualisme moderne |
Subjectité de l'être humain (12) |
L'ouvrage d'Uexkühl (Milieu animal et milieu humain, Rivages, 2010) porte sur le vivant en général, celui de Watsuji (Fûdo, le milieu humain, CNRS 2011, trad. A. Berque) sur l'être humain. « Tous deux ont ainsi fondé la mésologie. » Le terme a toutefois été inventé par C. Robin. Il lui donne un sens différent: « Partie de la biologie qui traite des rapports des milieux et des organismes. » Pour Robin, ces rapports sont mesurables en termes de CAUSALITÉ alors que pour A. Berque, il s'agit de rapport de RÉCIPROCITÉ entre le sujet et son milieu. Cela suppose que le sujet concerné interprète. Ce rapport, cette relation est ambivalente où chacun est à la fois l'empreinte & la matrice de l'autre. La réciprocité est donc une relation ambivalente.
PAYSAGE
EMPREINTE | MATRICE |
Le paysage exprime une civilisation. | Le paysage participe à des schèmes, à de la culture de perception, de conception, d'action. Ces schèmes canalisent la relation d'une société à l'espace et à la nature. |
Pour les sciences humaines, la culture « tourne toujours sur elle-même, libre de toute détermination par la nature. » (14) F. de Saussure dit l'arbitraire du signe. Au lieu du terme co-détermination, trop déterminé donc, A. Berque a ressenti le besoin d'en forger un neuf: la TRAJECTION. (1984). Besoin de « qualifier une réalité moyenne entre l'objectif et le subjectif. » (14)
Termes dérivés: verbe, trajecter (chez Montaigne, tiens donc: un Bordelais, il signifiait transporter); adjectif: trajectif; concept: trajectivité.
La réalité moyenne est le milieu.
Comment passe-t-on de l'environnement brut à l'environnement humain ? Ce passage est ambivalent. (17) Il est « un va-et-vient complexe où nature et culture se construisent réciproquement dans une relation d'Empreinte-Matrice dont ... la nature [est] le sujet ultime. » « Voilà ce que j'ai appelé la trajection.»
CHÔRA
Vers 1994, A. Berque lit le Timée de Platon où « cette question du milieu comme empreinte-matrice était déjà explicitement posée par le père de notre métaphysique.» (18) Platon emploie le terme de CHÔRA.
S'approprier pas à pas la démarche mésologique en désincrustant du discours berquien est ce qui me paraît essentiel à construire ma compréhension, à l'internaliser, à la faire mienne. Est-ce un processus trajectif, chef ? Rien de ce qui est écrit ici, hormis les paragraphes en italiques, ne sont de moi. Seule la forme que je leur donne est personnelle (désincrustation linguistique de la syntaxe berquienne parfois complexe).
Platon n'est pas clair. Sa pensée n'est pas claire. La pensée européenne va oublier « la question: pourquoi faut-il qu'il y ait un où ? » La pensée européenne s'en tient au TOPOS d'Aristote. La question est différente: « Où sont les êtres ? » Cela forclôt (exclut) « la chôra de la question de l'être ». (21) Chez Platon, la chôra n'est pas identifiée, n'est pas définie. « La chôra n'a pas d'identité. » Elle existe bien même si « c'est difficilement croyable » (c'est Platon qui le dit) et « qu'on rêve en la voyant » (id.).
Seules des métaphores contradictoires la cernent. Platon compare la chôra à une mère, à une nourrice, « c'est-à-dire en somme à une matrice ». (22) La chôra est empreinte et matrice à la fois « par rapport au devenir des êtres du monde sensible ». Ces êtres ne sont que le reflet de l'être véritable, son image. Platon aura le génie de poser que la chôra est bien un troisième genre.
PRISE
La morphose (voir plus loin) est le devenir des formes.
Les choses sont des prises, des prises médiales, des prises écouménales. Les choses nous donnent prise et nous avons prise sur elles. C'est entre les choses et nous une relation trajective.
PRISE
CES PRISES PEUVENT ÊTRE | EXEMPLE: la NEIGE |
- des ressources | - stations de ski |
- des contraintes | - pour les éleveurs de vaches |
- des risques | - avalanches |
- des agréments | - pour le lugeur et le photographe |
M. LEROI-GOURHAN (in Le geste et la parole)
La thèse de cet auteur est également géniale. Pour lui, l'émergence de notre espèce est la reconnaissance du milieu (le corps social pour lui) qui est le complément nécessaire du corps animal individuel. « L'évolution d'une lignée de primates en genre humain s'expliquerait par trois processus:
TROIS PROCESSUS
LEROI-GOURHAN | MÉSOLOGIE |
- 1. Anthropisation de l'environnement par la technique, | - 1. Cosmisation du corps par le déploiement de la technique; |
- 2. Humanisation de l'environnement par le symbole, | - 2. Cosmisation du symbole par la transformation de l'environnement (Umgebung), ce qui en fait un milieu (Umwelt); |
- 3. Hominisation du corps animal par effet en retour de la technique et du symbole. | - 3. Somatisation du milieu dans la transformation du corps. |
Sauf dans le vocabulaire, la thèse de M. LEROI-GOURHAN est mésologique.
Pour comprendre la suite du raisonnement serré tenu par A. Berque, un extrait du lexique mésologique m'a paru utile à insérer ici.
TÉTRALEMME | PT 157 | ||
En logique | En français | YAMAUCHI | NAGARJUNA, Bouddhisme du grand véhicule |
A | AFFIRMATION | 1er lemme | 1er lemme |
NON-A | NÉGATION | 2e lemme | 2e lemme |
NI A, NI NON-A | BI-NÉGATION, NÉGATION ABSOLUE |
3e lemme | 4e lemme |
À LA FOIS A & NON-A |
BI-AFFIRMATION | 4e lemme | 3e lemme |
Yamauchi INVERSE L’ORDRE de Nagarjuna qui est le fondateur du bouddhisme du grand véhicule, une religion donc. Son ordre est « un bouclage indéfiniment répété sans aucun développement de la pensée. Pour lui, c'est la bi-négation qui est décisive. Yamauchi la met en 3e lemme et donc ouvre. (PT 157)
Pour la mésologie, le tétralemme permet de comprendre la pleine réalité profane, c’est-à-dire tout simplement celle où nous existons, notre milieu. (PT 159)
ON PASSE du 3e lemme au 4e lemme par la LEMMIQUE DU C'EST-À-DIRE « dans une immédiateté à la fois temporelle & spatiale qui relève de l'intuition, non de la dialectique. » (id.) Entre deux termes, A & B, SOKU / c'est-à-dire exprime un rapport dans lequel A est/n'est pas B. C'est bien le 4e lemme, le syllemme, où l'on prend à la fois A & NON-A.
Et comme si la problématique n'était pas déjà assez complexe, je découvre dans un ouvrage de Marc Ballanfat, Vocabulaire des philosophies de l'Inde (Ellipses, 2003) qu'il se pourrait même bien que les « choses » soient encore plus relatives ! À l'entrée Jinisme (Jainisme), (p. 56-7) il affirme qu'il « est possible et légitime de former à propos de toute chose existante, une cruche par exemple, une série logique de sept propositions qui traduisent les conditions formelles d'une logique multivalente vraie:
- la cruche est;
- la cruche n'est pas;
- il n'est pas vrai que la cruche soit;
- il n'est pas vrai que la cruche ne soit pas;
- la cruche est et n'est pas;
- ni la cruche est ni elle n'est pas;
- il n'est pas vrai que la cruche ni ne soit ni ne soit pas. »
« Il existe probablement à la base du jinisme une intuition, de nature poétique: le réel est inépuisable par l'intelligence humaine. » (57) Conseil utile: ne nous épuisons donc pas...
Rappelons enfin, comme le fait wikipédia, le sens (les sens!) que prend ce terme de lemme.
La réalité d'un milieu, qui est faite de la dimension éco / techno / symbolique, implique très concrètement le troisième et le quatrième lemme (tels que définis par Yamauchi). Cette réalité ne relève ni de l'en-soi d'un pur objet, ni du pour-soi d'un pur fantasme car elle combine les deux en un syllemme. Ce mot vient du grec sullabanein qui signifie prendre ensemble, à la fois A et NON-A. (29)
Ces prises médiales sont méso-logiques car elles com-prennent à la fois l'empreinte et la matrice. (29) Cette lemmique inclut le tiers exclu au lieu de l'exclure comme le fait notre logique occidentale.
L'EN-SOI des choses
L'en-soi des choses est saisi en tant que quelque chose par le POUR-SOI d'un interprète (un existant) individuel ou collectif.
Cette saisie est une interprétation. Cette interprétation est une trajection.
L'interprétation s'effectue selon quatre grandes catégories prédicatives:
INTERPRÉTATION PAR - les sens |
CATÉGORIES PRÉDICATIVES: - la totalité des êtres vivants |
- l'action | - la totalité des êtres vivants |
- la pensée | - les animaux supérieurs « car elle suppose la représentation distale (à distance) et la réaction proximale ». 31 |
- la parole | - les humains; la parole « distingue les humains des autres vivants. » 31 |
La prédication est une opération logique limitée à la parole humaine.
La réalité équivaut à la saisie du Sujet en tant que Prédicat, ou
r = S / P.
La barre oblique symbolise la trajection, l'en-tant-que. (31)
Cette lente décortication de ce texte court semble être la seule manière qui me convienne de m'approprier peu à peu et de façon enfin non régressive cette méso-logique.
Dès que la matière est, il y a sens. (31)
S I P = S EN TANT QUE P POUR I, où l'interprétation par I représente le degré de subjectivation du milieu.
MORPHOSE
La morphose est une prise de forme qui est une prise d'être qui s'effectue à
- n'importe quelle échelle de l'être: de la cellule à la communauté biotique tout entière,
- quelque échelle de temps que ce soit: de l'évolution des espèces à l'histoire humaine.
La morphose est une chaîne trajective où intervient nécessairement la subjectité de l'être en question. (Euh, oui, pardon: la subjectité est le fait d'avoir un soi...)
L'humain qui dit je est l'être sujet prédicat de soi-même. (35) « C'est le paraître qui guide le devenir de l'être. » (35) Dans son propre milieu qui est le monde sensible, il n'y a d'être qu'en tant que paraître et pour paraître. C'est le principe de la phénoménalité de l'être. S N'EXISTE QU'EN TANT QUE P POUR I: il n'y a pas selon ce principe de la phénoménalité de l'être de pur en-soi. 36
Le domaine de la mésologie porte sur la biosphère et l'écoumène se cale sur Heisenberg. La science exacte a pour visée le réseau de nos rapports avec la nature. La science « cesse d'être le spectateur de la nature et se reconnaît elle-même comme partie des actions réciproques entre la nature et l'homme. »
La méthode scientifique
- choisit
- explique
- ordonne &
- admet « les limites qui lui sont imposées par le fait que l'emploi de la méthode transforme son objet, et lui sont imposées par le fait que par conséquent la méthode ne peut plus se séparer de son objet. »
ESPÈCE
Le mot latin species a pour sens premier vue, regard. Cela provient de l'indo-européen SPEK qui exprime l'idée de voir, de regarder comme dans spectacle ou inspecter. Il a aussi pour sens aspect, apparence, grand air, bel aspect (ad= vers & specio= regarder).
La spéciété est une société d'espèce. « Un degré au-dessus, [il y a] la société que forment ensemble les différentes espèces » (37, n22), et ce, dans le cadre du géocosme.
Le géocosme est « l'ensemble des mondes propres à chacune des espèces qui vivent sur terre ». (id)
Il existe donc une « socialité interspécifique ».
Quatre questions et une définition:
Q1: Qu'est-ce qui « peut lier mutuellement les membres d'une certaine espèce, dans leurs propres termes ? » (37)
Q2: Comment s'apparaissent-ils les uns aux autres ?
Q3: Existent-ils les uns pour les autres ?
Q4: formulation personnelle (qui reformule Q3): Le matin, la fourmi dit-elle bonjour à l'abeille qui sort de la ruche ? Et si oui, comment se comprennent-elles ?
Progresser dans les entrailles même de la mésologie est un lent processus mâturant. La difficulté provient pour partie de la nécessité ressentie par son concepteur de recourir à un vocabulaire néologique extrêmement foisonnant. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle s'établit et se complète un lexique à mesure que je progresse. La densité de la charge conceptuelle à malaxer est une autre source de difficultés. Les notes prises en carnet forcent à clarifier sur papier là où un soulignement ne suffirait pas à en assurer une timide assimilation.
* L'auteur anime sa trentième et dernière note de cette vie-ci: « Les vues ici outrageusement compactées sont développées, référencées et argumentées autant que faire se peut dans mon dernier livre: Poétique de la Terre. Histoire naturelle et histoire humaine, essai de mésologie, Paris, Belin, 2014. » L'outrage n'est pas si grand puisque cette conférence en livrée clarifie, ce à quoi l'auteur semble désormais s'atteler depuis quelque temps, des concepts qui éclairent le réel quotidien auquel il offre des clés de décodage précieuses pour redensifier le monde.