Propos 4 | RENATURER LA CULTURE, RECULTURER LA NATURE, PAR L'HISTOIRE 5 |
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Relire ce propos en ayant un peu mieux perçu de quoi il retourne est une joie que je souhaite partager à l’écrit. Ma démarche a entre autres objets le dessein de susciter la joie qui naît du cheminement en soi d’une meilleure compréhension du propos de l’auteur… Et donc surtout du monde qui nous entoure & dans lequel nous nous débattons. L’ouvrage peut être un trousseau de clés qui permettrait de déboucher sur l’action efficace de chacun à son niveau.
Chaque mot a son importance dans la textuelle berquienne: aucun propos n’est d’usage anodin. Il ne s’agit pas d’un avant-propos, le reste de l’ouvrage constituant alors le propos, comme ailleurs. Rendant par là même l’avant hors propos. Ici l’auteur nous expose sa proposition de lecture du milieu humain, afin que nous la fassions pleinement nôtre. Le syntagme « le propos de ce livre » figure bien page 11.
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« LA MÉSOLOGIE |
vise… à saisir ce qui, dans un milieu concret, allie en une même réalité ce que le dualisme, abstraitement, sépare en deux pôles. » |
DUALISME | Le dualisme est à l’origine de ce couple d’opposés conceptuels moderne « nature vs culture » (7). L’essence du dualisme institue l’objet en loi, L’essence du dualisme absolutise l’objet. La personne est mise hors monde, hors jeu. La personne est refoulée dans son TOM (topos ontologique moderne). Étude du milieu réduite à ses aspects physiques. AB 2005 P 9 |
Le titre du propos fait partie de l’histoire familiale de l’auteur. Il a été reçu en héritage, en quelque sorte. Il avait fait l’objet de discussions entre Jacques Berque, Henri Lefèbvre, Roland Barthes et quelques autres. Il a été repris dans un ouvrage paternel: L’Orient second (1969). Ce titre reconnaît une continuité intellectuelle, une affiliation, l’adhésion d’un fils qui s’emploie à en dépasser la portée, à la déplacer pour la transcender sans la renier.
René DESCARTES, et à sa suite la philosophie occidentale, n’envisage pas le non-dualisme. Il est dualiste. Elle l’est tout autant. Le tétralemme est l’outil qui va permettre à notre pensée de s’évaser, de prendre du champ et de prendre son envol.
TÉTRALEMME | PT 157 | |||
En logique | En français | Selon YAMAUCHI | Selon NAGARJUNA, Bouddhisme du grand véhicule | |
A | AFFIRMATION | 1er lemme | 1er lemme | |
NON A | NÉGATION | 2e lemme | 2e lemme | |
NI A NI NON-A | BI-NÉGATION, NÉGATION ABSOLUE | 3e lemme | 4e lemme | |
À LA FOIS A ET NON-A | BI-AFFIRMATION | 4e lemme | 3e lemme | |
Yamauchi INVERSE L’ORDRE de Nagarjuna qui est le fondateur du bouddhisme du grand véhicule, une religion donc. Son ordre est « un bouclage indéfiniment répété sans aucun développement de la pensée. Pour lui, c'est la bi-négation qui est décisive. Yamauchi la met en 3e lemme et donc ouvre. |
PT 157 | |||
Pour la mésologie, le tétralemme permet de comprendre la pleine réalité profane, c’est-à-dire tout simplement celle où nous existons, notre milieu. | PT 159 | |||
ON PASSE du 3e lemme au 4e lemme par la LEMMIQUE DU C'EST-À-DIRE « dans une immédiateté à la fois temporelle & spatiale qui relève de l'intuition, non de la dialectique. » | ||||
Entre deux termes, A & B SOKU / c'est-à-dire exprime un rapport dans lequel A est/n'est pas B. C'est bien le 4e lemme, le syllemme, où l'on prend à la fois A & NON-A. |
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Le sujet ne peut pas vivre (Est-ce en cela que la décosmisation est à terme mortelle ?) « Sans la cosmophanie d’un monde commun » à tous les sujets humains.
COSMOPHANIE | L'apparaître (un des sens intransitifs du verbe grec phanein) d'un monde. Ce qui, par & pour l'homme, donne un sens au monde; référentiel (domaine de sens) irréductible à la nature, sinon par trajection. PT10 |
Dans notre « monde décosmisé », chacun s’identifie à ses objets qu’il absolutise, en partie parce qu’il ne se sait plus sujet. Il faudrait donc pour que l’homme re-vive, sur-vive. Il faudrait lui faire apparaître un monde qui fait sens, auquel il puisse à nouveau se référer, faire référence, en référer.
L’homme moderne2 vit dans un monde désordonné, qui ne fait pas sens – mais il s’en moque ! –, qui repose sur l’effacement des valeurs, sur la perte de hiérarchisation entre elles – tout a la même valeur, tout a le même goût –, donc devient sans-valeur, jetable.
L’homme moderne est aussi devenu un objet dans ce monde désordonné (Si c’est gratuit, c’est vous le produit !).Il devient donc lui-même jetable comme les autres objets puisqu’il n’a pas de valeur, que les valeurs ont été effacées par ceux qui l’emploient pour fabriquer des T-Shirts que nous
payerons 3€, alors que son salaire sera de 1 ou 2 USD par jour. Nous jetterons ces « vêtements » au bout de trois lavages ou bien nous en remplirons les vide-greniers… C’est en cela que la décosmisation est mortelle: pensons aux 1100 ouvrières décédées le 24 avril 2013 au Rama Plaza (Bengladesh) dans l’écroulement d’un bâtiment insalubre où était hébergée à moindre coût la société qui les exploitait.
Quelles sont ces valeurs effacées dans la définition de l’acosmie ? Des valeurs humaines. Ok, mais encore ? Elles se feront jour à mesure de la progression.
ACOSMIE | Évoque l'anomie durkheimienne, c-à-d l'effacement des valeurs et les désordres qui s'ensuivent. L'anomie est sociale.L'acosmie concerne le social et le naturel, Il s'agit de l'embrayage des valeurs humaines aux faits de la nature… Sans monde. PT 67 §16 |
acosmique [akɔsmik] adj. ÉTYM.1945; de 1. a-,et cosmique.
◆ Philos. Qui est sans relation avec le monde sensible en tant que réalité organisée; qui caractérise les réalités suprasensibles non régies par un ordre immuable. Le sujet humain n'est pas un sujet acosmique. (Le Grand Robert)
NOTE 2
Dans le vocabulaire de la mésologie, cela devient le TOM (topos ontologique moderne).
La valeur du RE
Se pencher sur le RE des trois verbes servant de titre à chacune des trois parties de l’ouvrage (recosmiser, reconcrétiser, réembrayer) m’a paru étymologiquement fondé. Le Robert historique en trois volumes offre d’intéressantes pistes. Toutes les citations proviennent de plusieurs de ses notices.
RE / RÉ / R – « préfixe tiré du préverbe latin re -/red marquant
☯ Un retour en arrière (recedere, récession),
☯ Un retour à un état antérieur (restituere, restituer), et par suite
☯ Une répétition (recantare, répéter)
☯ ou un mouvement en sens contraire qui détruit ce qui a été fait;
☯ RE a aussi exprimé le renforcement, l’achèvement (relier), valeur qui a cessé d’être productive.
☯ Il est [par contre] très vivant avec la valeur itérative (recommencer). » (RE)
Itératif: « qui est répété plusieurs fois » (Le Robert de Poche).
Répéter: « RE, préfixe à valeur intensive et répétitive: chercher à obtenir, demander, réclamer ( pétition).
Pétition: « petere, chercher à atteindre, chercher à obtenir ».
Pete- racine indo-européenne, PT s’élancer vers, voler, qui a donné le grec ptère/ptero ; ainsi que tomber (pire).
Embrayer est un dérivé (1858) « de braie, pièce de bois mobile dans un moulin à vent, qui sert à soulager les meules ».
La braie « est une traverse de bois que l’on mettait sur le palier d’un moulin à vent ; fonction : le protéger. » Le palierest « l’organe fixe servant à guider un arbre de transmission, un axe mobile. »
En mécanique, embrayer consiste à « mettre en communication une pièce mobile avec l’arbre moteur.
Il signifie ensuite
☯ 1927 (re) prendre le travail » (contraire: débrayer, partir en grève, note jm);
☯ Commencer une action, d’où commencer à discourir, par extension (1948) embrayer sur = mener une action efficace. (contraire: tourner à vide)».
De ce penchant pour l’étymologie, il appert que l’auteur cherche à faciliter
- notre élancement vers,
- notre envol en direction
de ses trois propositions: une nouvelle cosmisation, à valeur itérative et intensive, qui nous ferait croître ensemble (concrétiser) de sorte à mettre en communication de façon renforcée (embrayer) nature et culture.
Les trois temps de l’oeuvrage qui nous est offert sont bien décrits par l’auteur (11):
S’agit-il de trois urgences que la pensée occidentale devrait, selon l'auteur, prendre en compte pour ré-inclure le milieu humain entre l’évolution et l’histoire afin de re-symboliser la relation entre l’Est et l’Ouest, avec l’aide « des grandes civilisations de l’Asie » et faire se rencontrer l’Est et l’Ouest ?
Quatrième de couverture
Je suis extrêmement sensible à une phrase figurant en quatrième de couverture: il s'agit de « dépasser les impasses de la modernité[. Cela] ne se fera pas sans l'appoint, logique et philosophique à la fois, des grandes civilisations de l'Asie. » Cette possible sortie par le haut, d'autres que lui en tracent une voie également. Il a le mérite de mettre à notre disposition (voire à notre portée, en insistant !) les ramifications les plus abouties, un des paradigmes le plus documenté. En le lisant, puis en le comprenant pas à pas, nous en prenons conscience.
Cette lente intégration est un parcours entamé, sans date d'aboutissement. Elle est passionnante, un défi constant posé à l'humilité.