1 RECOSMISER | IV Acosmie, ou cosmicité ? |
16 Terre, monde, cosmos, univers |
17 L'acosmie | ||
18 Cosmicité 1: de corps en monde et de monde en corps |
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19 Cosmicité 2: au-delà de l'acosmie |
« Les valeurs humaines s’embraient aux faits de la nature » sans « réduire l’humain & la nature. » 67 au nom de la trajection. La tête de clou en prend pour son grade. L’auteur espère évidemment nous faire comprendre (de l’intérieur) ce qu’il entend par / tout ce qu’il met dans le néologisme trajection. Il terminait le chapitre III par la trajection. Il entame le IV avec elle.
"Trajection Ce terme est un néologisme créé pour les besoins de la mésologie: jacere, jeter; trans, au-delà, par-delà. Voir le lexique mésologique pour davantage de détails. Il est normal que le dictionnaire n'en dise rien. La trajection consiste à se jeter au-delà de l’identité, à traverser la limite entre sujet et objet, sujet et environnement. C’est cela que pratique aussi le tantra ex-rouge, désormais énergétique, tel qu’il s’expose dans le recueil Un écartement convenable sur Nulle part. La trajection vise explicitement à combler le gouffre instauré par le dualisme entre sujet et objet. Ce gouffre est un vide." Extrait de Calage trajectif joyeux.
Nos mœurs / nos manières de vivre
1. sens
2. pensée
3. parole
4. action
En japonais, le sinogramme disant milieu combine du vent et de la terre ou les mœurs, càd nos manières de vivre. La parure est en position de prédicat (P) par rapport à notre corps (sôma) (S) qui est en position d’hupokmeinon (S) comme le monde (P) est en position de prédicat par rapport àla Terre (S). 69
« L’ordre humain ne doit pas s’abstraire de l’ordre naturel. » 70
Question: « Que se passe-t-il quand la modernité fait du monde un univers neutre et objectal ? »
Réponse: « Il se passe une décosmisation. » [Celle-ci] tend à priver nos valeurs de tout fondement dans la nature et dès lors à faire de nos valeurs des absurdités. » 70
• Vous noterez que commence en page 70 l’explication du titre de la 1e partie, à la page 70 de 85. La méthode, le processus sont adroitement inductifs. Cet ouvrage est très finement construit. Il nécessite une lecture attentive à tous les instants.
• L’étape fondamentale ici tient au fait qu’A. Berque nomme trois de nos valeurs.
Nos valeurs
Le bien
Le beau
Le vrai
« ne peuvent pas se fonder tautologiquement en [elles-mêmes]. »
Autrement dit, on ne peut pas fonder
- les valeurs dans les valeurs
- la morale dans la morale
- l’esthétique dans l’esthétique
- la justice dans la justice
- le signe dans le signe
- ni même la physique dans la physique !
L’auteur consent même à admettre que cela « n’est certes pas un mince problème… »
On ne peut pas, ok. Je veux bien. Au nom de quoi ? D’un rejet du tautologique ? J’ai un doute; cela doit être plus précis que ça, plus complexe, plus fondamental… Mais nous n'en saurons pas plus pour l'instant !
§17 L'acosmie
ACOSMIE | Évoque l'anomie durkheimienne, càd l'effacement des valeurs et les désordres qui s'ensuivent. L'anomie est sociale, L'acosmie concerne le social et le naturel, Il s'agit de l'embrayage des valeurs humaines aux faits de la nature… Sans monde. PT 67 §16 |
« Le monde nous échappe parce que le mécanicisme a fait [du monde] une machine. » (71)
« De plus en plus, la mécanique tend à ne suivre que sa propre règle de machine: [la machine] remplace la saveur du monde par la seule fonctionnalité de ses propres foncteurs. » (72)
Ouille, foncteur: Quésaco ? Le Grand Robert:
foncteur [fɔ̃ktœʀ] n. m. ÉTYM.1964; de fonct(ion).
◆ Log. Chacun des opérateurs qui exprime de quelle manière la vérité de la proposition complexe qu'il sert à former est fonction de celle des propositions élémentaires (on dit parfois foncteur de vérité). Les foncteurs comprennent les connectifs binaires et la négation.
« (…) Mc Culloch et Pitts ont montré, en effet, qu'il y a isomorphisme entre les opérateurs intervenantdans les différentes formes de connexions neuroniques et lesfoncteurs de la logique des propositions (réseau booléen) et ce fait fondamental indique que si les structures logiques sont le produit de constructions progressives, se réorganisant et se poursuivant de palier en palier jusqu'à celui de la formalisation elle-même, ces constructions, sans être préformées puisqu'elles sont de plus en plus riches, remontent jusqu'aux coordinations nerveuses et sensori-motrices elles-mêmes. »
J. PIAGET, Épistémologie des sciences de l'homme, p. 101.
connectif, ive [kɔnɛktif, iv] adj. et n. m.
ÉTYM.1799, subst.; de connecter.
2 Log., ling. Vieilli. ➙ Connecteur, 2.
connecteur [kɔnɛktœʀ] n. m. ÉTYM.1799; de connecter.
1 Techn. Appareil de connexion. Connecteur téléphonique. — Électr. Prise à broches multiples. ⇨ TABLEAU NOMS D'APPAREILS.
2 Log., ling. Connecteur propositionnel, connecteur: symbole ou mot qui permet de former une proposition complexe à partir de plusieurs propositions élémentaires.
Typologie des connecteurs (jm)
1 Connecteurs binaires (la conjonction, l'implication, l'équivalence…).
2 Connecteur de la négation,
3 Connecteur de l'implication.
4 Connecteurs et théorèmes de syntaxe, en logique mathématique (calcul propositionnel).
5 Connecteurs primitifs,
6 connecteurs dérivés.
7 Connecteur unaire: la négation.
Il s’agirait dès lors de redécouvrir la saveur du monde. Beau programme, non ?
« Il n’est apparemment pas trop tard » et nous sommes encore « capables de reprendre les choses en main. » (72)
Exemple de reprise en main: « il y a eu rejet du diktat ‘il faut adapter la ville à l’automobile’, càd un système mécanique. Aujourd'hui on pense plus sainement qu’une ville doit plutôt être adaptée à la vie humaine. » Enfin, cette ville-là, parce que à Liège par exemple, on continue à faire ce qu’il ne faut pas faire en amenant les voitures trop près du centre urbain historique. L'asbl URBAGORA veille depuis longtemps à ne pas laisser la ville s'endormir. Cette association a même voici peu lancé un semestriel intitulé Dérivations.
MAIS nous ne sommes pas toujours capables de reprendre les choses en main.
MAIS nous ne sommes pas toujours capables de reprendre les choses en main à temps.
DONC dans ces cas-là, c’est trop tard.
Cela devient grave quand on « interpose de la mécanique entre nos corps et la Terre, entre notre corps et le monde. » il s’agit d’une privation de monde.
Les pages 73 à 75 relève douze exemples d'acosmie qui est « par définition sans ordre. Il est impossible de la saisir dans un certain ordre. On ne peut qu'en relever des exemples. » Leur lecture est à la fois réjouissante, & vous laisse pantois, sans souffle, appalled, atterré, frappé de stupeur. Même pas incrédule... Tous les exemples ramènent au fait que l'homme moderne vit « hors de son milieu & de l'histoire qui l'y a produit ».
L'homme moderne n'est plus un citoyen, il est un particulier. (74). Comme « il n'a pas de corps médial », il n'a « pas de souci pour autrui ». (74).
Il est déconcerné, il ne prend plus part au monde. Ça a l'air plus grave que « pas concerné », dit comme ça ! Le déconcernement face au monde. (74) L'anglais dirait probablement: they feel unconcerned. Être déconcerné consiste entre autres à se sentir « contraints de se comporter par rapport çà la vie sociale en observateurs distanciés plutôt qu'en participants actifs... » (note 100, p. 75)
§18 Cosmicité 1: de corps en monde et de monde en corps
« Pour voir de belles formes de cosmicité », il faut remonter avant « l'établissement du paradigme occidental moderne classique ». (76)
Un principe se dégage: « Toute cosmologie... incarne le mouvement de la trajection, l'assomption de S en P & et l'hypostase de P entre S'. » (77) « La trajection est [dans cette phrase précédente / dans ce principe] un va-e-vient à la fois cosmisation du corps et somatisation du monde (soma, le corps en grec). » (77) L'important, si je comprends bien, c'est que le mouvement de va-&-vient ne se fige pas, ne s'arrête pas; sinon, c'est la décosmisation qui s'installe.
L'existence humaine a une dimense à la fois charnelle et cosmique (BI-AFFIRMATION du 4e lemme, le syllemme). Deux mots ont gardé trace de cette double dimension: femme et homme.
Le Robert historique résume pour chacun de ces mots par un tableau on ne peut plus probant:
« En somme, telle une femme, le milieu (la chôra de Platon) donne le sein à l'être relatif (la genesis) qui s'en trouve bien aise. (§32) »
« Terrestres nous sommes et en terre finirons après nous être dressés quelque temps vers le ciel. » (78) A. Berque pratique l'étymologie comme un des beaux-arts. C'est presque trop beau pour être vrai après avoir lu ses pages d'étymologie lumineuses. J'ouvre le Robert Historique, et le réseau notionnel est encore plus plus étendu !
« La vision du monde orientale [...] rapproche l'esprit & le corps. » (80) Le concept central de la vision du monde orientale est le qi, le souffle. En japonais le mot fudo signifie vent - terre. « L'humain est l'incarnation d'un but: l'alliance cosmique de la terre & du ciel par le vent, par le souffle, par la voix, par la parole... » (78)
« En cosmologie, il faut dépasser la modernité, pas l'ignorer » (81), comme le feng shui qui « n'a pas connu sa révolution copernicienne » (81) et donc ignore la modernité, la science du cosmos.
§19 Cosmicité 2: au-delà de l'acosmie
Ce sous-chapitre va « poser un premier jalon ». (81) « SI quelque ordre d'ensemble, c'est-à-dire quelque possible cosmicité, doit se dégager de mon propos, ce ne sera par définition qu'à la fin du livre. » Confirmation du pas à pas précis de cette construction philosophique.
Mais appel à l'humilitas du lecteur est faite: « Parvenus au tiers de ce livre, dépasser l'acosmie de la modernité ne peut encore être qu'un objectif. » (81) Nulle fanfaronade, un juste sens de la mesure, dussions-nous en souffrir, mais ce serait notre problème. Patience de mise. La démarche entreprise n'est pas frustrante si l'on veut bien marcher sur le chemin que trace la poétique de cette terre-ci, de façon, posée, analytique, sous la plume berquienne. Voir se construire sous mes pas la richesse du chemin est une joie de chaque instant. Ce rendre compte ne peut que très imparfaitement dire cette joie ancrée. Votre lecture de Poétique de la Terre n'est pas dispensable.
D'autres outils devraient encore se co-construire devant nos yeux, mieux avec nous avant que d'autres jalons ne mettent l'acosmie moderne bien plus à mal encore ! La bête immonde a de la ressource ! Le nom immonde figure dans un tableau à la p. 82:
L'humain n'est ni monde ni immonde. (3e lemme) Il est ce va-&-vient continuel entre les deux, tout en n'étant ni l'un ni l'autre. Une déclinaison littéraire sur la colonne médiane se lit en suivant ce lien.
82 Monde
- souterrain ---> inferni ---> enfers
- bas monde
- de la chute
- supérieur
- céleste
A. Berque s’en tiendra (83) à la rassurante coincidence des opposés entre deux images qui aboutissent au ciel: « Pour ces deux maîtres à penser, donc, le monde, c’est le ciel. » 83
PLATON | NISHIDA |
Champion de la transcendance de l’être absolu |
Champion de l’immanence du néant absolu |
Kosmos=ouranos | Sekai= mu |
Monde = le ciel | Monde = néant, alias le vide bouddhique; le sinogramme représentant le vide bouddhique veut dire le ciel. |
« Au delà de l’œuvre d’art … l’œuvre humaine est foncièrement celle qui, à partir de la Terre (la planète, la biosphère), a déployé la demeure humaine: l’écoumène (… l’habitée), ensemble des milieux humains122, par trajection du substrat (S : la Terre) en un certain prédicat (P : tel ou tel monde). » 83-84
Note 122 au sens de « relation de l’humanité à l’étendue terrestre ». A. Berque emploie le mot au féminin, pour la distinguer du sens traditionnel en géographie: partie habitée de la Terre, où le terme est de genre masculin. (84)
« Cette trajection est … une ouverture du monde – une cosmophanie: l’apparaître d’un monde, par émergence de l’être à un niveau supérieur (tra, trans). » (84)