Ce livre, publié en 1956, réédité en 2006, consiste en la mise en oeuvre de la méthode marxiste du matérialisme historique en matière de l'histoire de la philosophie. (réorchestration Avant-Propos de l'auteur). Ne pas s'attendre dès lors à une étude de la doctrine spinoziste pour elle-même mais bien comme exemple « d'une étude méthodologique poursuivie à propos de Spinoza ». 18
Jean-Toussaint Desanti (1914-2002) a abandonné le PCF dans la seconde moitié des années 50. Ce premier tome n'a pas eu de suite. Sa quête méthodologique demeurera à jamais confiée à ce tome unique. Le volume inclut cependant une Esquisse d'un second volume, jamais paru, lui. Pierre-François Moreau a été sollicité pour rédiger la postface de la réédition: il l'a intitulée Philosophie & singularité.
Dominique Desanti, dans la préface qu'elle a rédigée pour l'édition établie en 2006 pour la collection Quadrige (PUF), cite deux lettres que son mari avait adressées à P. Picasso dans lesquelles il donne un portrait enthousiaste de Spinoza: « Je suis en train de publier un livre intitulé "Introduction à l'histoire de la philosophie". Je tente d'y montrer le lien entre
- un courant d'idées
- & la réalité économique & sociale
au sein de laquelle il se développe. J'ai pris pour prétexte l'analyse de la Hollande au XVIIe siècle & le philosophe rationaliste Spinoza. » 13
« Voici bientôt trois siècles qu'a disparu ce persécuté juif chassé de la synagogue, rejeté & calomnié par toutes les Églises, il a conçu, en son temps, l'idée d'un monde où tous les hommes vivraient sous l'emprise de la raision, délivrés
- des erreurs,
- des haines
- & des superstitions. »
« [Spinoza] était certain de dire vrai, en un temps
- où l'on brûlait encore les hérétiques
- & où la vérité qu'il disait était sacrilège.
C'était un homme dont la lucidité n'avait jamais aboli la passion. Chacun de nous, disait-il, devait persévérer dans son être, s'affirmer avec toute sa force; & pour lui cette persévérance était celle de la droite pensée. » 14
J-T Desanti avait sollicité l'artiste pour lui demander un portrait de Spinoza qui figure dans l'ouvrage.
Desanti a étudié l'histoire des Pays-Bas en profondeur. Son prisme marxiste dûment pris en compte, cela est passionnant. Il confirme l'intérêt que j'y ai porté en me plongeant
- dans le Dictionnaire des Pays-Bas au siècle d'or (CNRS, 2018)
- & dans l'ouvrage L'hiver au siècle d'or hollandais, art & climat, d'Alexis Metzger, paru aux Presses de la Sorbonne en 2018.L'ouvrage jouit d'une vaste iconographie illustrant le siècle le plus froid du deuxième millénaire (12).
Cette triple plongée dans le siècle permet de mieux appréhender le terreau dans lequel la doctrine spinoziste a planté ses racines pour étendre son dais protecteur par devers elle. J-T Desanti, comme T. Negri et G. Deleuze sont des décapeurs situant Spinoza dans son siècle. Leurs analyses tiennent en joue, portent à bouts de bras ce qui a animé Spinoza à concevoir son oeuvre. Ce décapage marxien/marxiste offre un point de vue sur la place qu'occupait la famille de Spinoza dans la société bourgeoise de l'époque.
Prendre conscience de la nécessité interne d'une recherche d'un bien propre engage le corps tout entier sur une voie nécessaire. Desanti, 140
C'est dans le monde où le corps vit qu'il a intériorisé cette nécessaire recherche d'un bien propre. Le corps tient compte du réel contingent poiyr décider de s'engager ainsi sur une voie qui lui est propre. Elle est devenue nécessaire à la vie qui coule en lui. Desanti, 140
La confrontation avec les écrits philosophiques d'un auteur permet d'en extraire des pertinences qui sont ancrés dans son cheminement propre.
Situer l'oeuvre dans son siècle,
y compris économiquement.
Une lecture marxiste.