Comme souvent, les spécialistes de Spinoza, et l'auteure en est une, éprouvent le désir d'approfondir prudemment les contours d'un concept qui avait été présenté par Bento. Tel cet ouvrage sur Le désir paru en 2017 aux éditions du retour (non encore lu sur NP) et celui, plus récent, chez le même éditeur sur la prudence. L'ouvrage se picore volontiers grâce à la clairvoyance d'une bibliothèque publique liégeoise.

Étude une première fois conduite à son terme dans la dernière décennie du XXe siècle, elle nous parvient à nouveau revue & augmentée. L'auteure nous introduit à la difficulté de rencontrer Spinoza dans ses oeuvres. Elles ont des statuts éditoriaux divers, des diffusions très aléatoires de son vivant (voire aucune pour l'Éthique sauf en copies manuscrites confiées à des amis sûrs).

Dans le Traité de la réforme de l'entendement, nous confie-t-elle, « il suffit de s'engager sur la voie ouverte par Bento Spinoza au §27 du TRE: la bonne méthode

  • ne précède pas la connaissance, elle en procède,
  • n'est pas antérieure mais intérieure à elle.

La méthode de lecture se dégage de sa lecture & par sa lecture, de sorte que les règles sont données par Spinoza lui-même. »

Pour trouver cette méthode, la prudence est de mise. Spinoza en avait fait sa devise:

 Chaque lettre qu'il a écrit s'introduit par ce Caute, quel que soit son correspondant. Cette règle de vie

  • englobe toutes les autres &
  • résume par sa précision & sa concision la pensée de l'auteur.

Le premier chapitre de C. Jaquet triture la devie sous deux aspects: un aspect pratique « ou l'art de s'adapter à la capacité de compréhension de la foule » 13 en lui dévoilant « la vérité dans la mesure du possible. ... La prudence est plus une pédagogie du vrai que du secret. » id Il s'agit de « faire appel à l'expérience plutôt quà la raison ». Spinoza définit l'expérience comme étant « les faits que les [humains] constatent dans la nature par les sens. » 14 mod. L'expérience appartient souvent au premier genre de connaissance mais « elle n'est pas nécessairement toujours erronée & peut fournir des enseignements universels fiables ». 17-18 & « Spinoza n'exclut pas que l'expérience puisse être source de certitude » 16 si elle peut « donner lieu à une connaissance claire & distincte. » 17 Cette « expérience déterminée par l'entendement fournit des connaissances suffisantes & peut seconder l'entendement à plusieurs titres. » 17

La prudence peut

  • INDIQUER, montrer à défaut de démontrer,
  • CONFIRMER, « mettre en évidence des faits qui corroborent une démonstration rationnelle,
  • ATTIRER l'attention sur un seul cas particulier,
  • INCITER à réfléchir,
  • ILLUSTRER « & s'appuyer sur des histoires & des exemples qui parlent à l'imagination; illustrer c'est « faire entendre par images ce que l'entendement ne peut faire saisir par concepts. » 18

Lire Spinoza, ou à propos de Spinoza, c'est (presque) toujours recourir aux ressources de la terminologie.

La RAISON, elle, - ce contrepoint de l'expérience, « opère des déductions vraies en s'appuyant uniquement sur des axiomes de l'intellect connus par eux-mêmes. »

La prudence est « la clé de voûte du système ». 23 « La maxime Caute résume à elle seule la double nature de la démarche philosophique: atteindre la plus haute sagesse & savoir la communiquer. » 23

L'auteure passe ensuite en revue la place que la prudence occupe dans les oeuvres de Spinoza.

La deuxième partie du 4e chapitre concerne « De la connaissance de la nature au salut dans l'Éthique » qui entreprend l'étude de la nature. « L'Éthique est la prudence théorique incarnée, car elle donne un modèle de cette science intuitive qui constitue la perfection suprême. » 82

C'est muni de ce beau programme que l'étude approfondie de l'Éthique s'emploie Nulle Part...

 

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