Dès l'entame, l'impression de lire l'ouvrage d'un prophète. Il s'y assène des vérités, des ordres ("il faut..."). Il s'y expose des intuitions nées chez d'autres qu'il réorchestre sur des instruments propres pour en faire un texte continu qui a pourtant belle allure, de la prestance. Tout est-il à prendre pour argent comptant/content dans cette prose fluide ?
Être né, nous dit-il, c'est expérimenter « d'être une partie de la matière infinie du monde... C'est explorer la mémoire... de notre corps. Chacun de nous est une version de l'histoire de la Terre. » 33
Sa plume semble s'être, au moins au début, profondément plongée dans un dualisme corps/esprit imprégné par le religieux, même s'il fait de louables efforts pour s'en détacher... pour se raccrocher à des psychanalystes, tel Ferenczi qu'il cite abondamment. N'est-ce pas un peu tomber de Charybde en Scylla comme disent les anglophones: fall from the pan into the fire ?
Le ton prophétique proche de la révélation dont l'ouvrage est empreint peut déplaire. Il entrave ma progression à travers les pages davantage qu'il ne l'emporte en tout cas. J'ai peine à me sentir étreint par la forte dose de conviction nécessaire pour y adhérer. Les réserves s'accumulent. Je m'accroche pourtant. L'hypothèse métamorphique peut valoir qu'on s'y arrête. Pas comme ça, peut-être ?
La structure de l'ouvrage semble vouloir d'abord nous convaincre avant de nous amener des éléments qui prouveraient la justesse de notre adhésion. Ce type de chemin convient peu au lecteur que je suis.
D'abondantes citations d'autrui peinent à trouver sourçage précis dans la bibliographie impressionniste qui figure en fin de volume. Elle est davantage un doux babil qu'un assourcement ferme. Du name calling tout au plus.
Les quatre pages de remerciements cèlent une empreinte carbone stratosphérique... & intercontinentale. Seule l'Afrique est absente de ce réseau amical mondial. La prose et la philosophie exposée paraissent de même surfer hors-sol.
Son enthousiasme métamorphique lui fait prendre trop de raccourcis avec l'exactitude que l'on pourrait attendre d'un chercheur, fût-il philosophe.
Avec moi, cet ouvrage n'a pas trouvé sa bonne cible. Pourtant, il avait à priori tout pour plaire à l'univers nullepartien. Je le laisse là, lecture inachevée à la page 113. Peut-être une autre fois ?
Jean Lacoste sur En Attendant Nadeau rend compte de sa lecture personnelle. Roger-Pol Droit dans le Monde des Livres du 29/5/2020, avec d'autres raisons que les miennes, dit également sa réticence. Il semble assez fermé à la pensée divergente que cet ouvrage implique: