Tant qu'à faire s'immerger en un temps éloigné, premier siècle de notre ère, en compagnie d'un auteur, Maxime Rovere, dont la plume polymorphe a déjà plusieurs fois retenu l'attention sur Nulle Part, notamment pour sa bonne connaissance de Spinoza 'Le Clan Spinoza, l'Éthique). Nous embarquons dans l'une ou l'autre caravanes qui sillonnaient les routes (chameaux et chevaux étaient de rigueur, avec au moins un guide humain connaissant la route pour l'avoir déjà suivie).

Apollonios se présente comme pythagoricien (-580/-495) à ses contemporains. Se dire pythagoricien, c'est aussi refuser la viande animale.

Laisser fomenter en soi une inclination à cette fiction frottée au réel historicisé de ces philosophes du premier siècle de notre ère sied mieux que bien. Se promener ainsi dans un temps lointain de façon informée ouvre le champ visuel sur des invariants comportementaux qui se trouvent, notamment chez "nos" tyrans contemporains: Assad, Poutine, Kim Jong-un, Trump mais aussi d'autres encore chassés par la foule comme la première ministre bangladaise en ce début août 2024.

Se referme, ce 7 août, à 7h53, cet ouvrage dont le poids s'envole soudain à côté de l'oreiller. Il possède le souffle d'une grande vie. Est-ce un grand livre pour autant ?

Une recherche informée sur la toile encourage à le penser, même si, bien sûr, mes connaissances propres ne sont pas celles d'un helléniste, ce que je ne suis pas. Vincent Decloquement vient de s'atteler à la huitième traduction française de la Vie d'Apollonios de Tyane par un auteur grec du début du 3e siècle de notre ère, Philostrate. Il a consacré au roman de Maxime Rovere une intéressante chronique dans les Actualités des études anciennes: il y dit son appréciation positive. Patrick Robiano, pour de complémentaires raisons, est aussi de son avis. Seul Marc Lebiez sur En attendant Nadeau semble ne pas avoir apprécié pour des raisons qui peuvent éventuellement tenir à la manière dont il voit la vie... et ce qu'il considère comme une critique d'ouvrage...

Disposer d'érudition secondaire qui se tient à portée de main convient. Jamais je n'ai développé les capacités d'un érudit; bien les aptitudes qui consistent à transmettre des savoirs utiles à celles & ceux dont j'avais la charge pédégogique d'initier et d'approfondir leurs maitrise de la langue anglaise scientifique. Le geste que fait Zeus au verso d'une pièce de monnaie qui a cours à Taxila en Inde avec "la main est très particulier: le pouce et l'index sont joints, les autres doigts largement ouverts. Il s'agit de la main qui transmet les vérités les plus hautes." (72). Un mudra en somme...

Tandis que ma lecture progressait dans ce roman (513), je me suis demandé ce que d'autres en pensaient. J'ai rassemblé sept références ci-dessous.

 Comme souvent, en commençant votre lecture par les dernières pages d'un ouvrage, fût-il de fiction, vous y trouvez l'explicitation de la démarche suivie par son auteur. Cet "À propos du livre" offre un éclairage très dense de ce qui nous attend dès les premières pages du roman. Le mot "roman" ne figure pas sur la page de titre mais est bien mentionné dans cet à propos... Damis fait le récit de sa vie accompagnant un sage à une amie, Cora. Une écriture qui chemine, en quelque sorte.

Un peu avant le milieu du roman, l'érudition peut tendre vers l'excès ses tentacules lasses d'une accumulation débordante. Un peu comme si le sens de la synthèse le disputait à celui de la démesure. Je me suis pourtant accroché et, après une troisième nuit dormie depuis l'entame de ma lecture, cette lassitude avait été mise sur le bas-côté du chemin, n'entravant finalement pas la progression d'une lecture.

Lire ce roman invite aussi au voyage intérieur: il peut même confronter notre parcours personnel à des "rencontres" dont il nous est loisible de tirer profit. Ou non ! Les lieux géographiques fréquentés par Apollonios et Damis sont emplis d'écoles aux philosophies diverses à travers nous nous promenons à loisir. Une lassitude pourrait survenir à poursuivre ces enfilades sans attachement. C'est en exerçant notre attention liseuses qu'elle a le plus de chance de ne pas s'installer, cette lassitude, en s'entrecoupant de pauses intégratives nourries du vécu proche qui nous est offert.

Les universaux humains se retrouvent sur le temps long: Le procès injuste - ou son anticipation - ne laisse qu'une seule alternative: l'exil ou le suicide. Walter Benjamin en est un exemple.


Queques références complémentaires à la lecture de ce roman informé:

1/ Le Livre de l’amour infini. Vie d’Apollonios, homme et dieu par · 15/04/2024

Valentin Decloquement (15 avril 2024). Le Livre de l’amour infini. Vie d’Apollonios, homme et dieu. Actualités des études anciennes. Consulté le 4 août 2024 à l’adresse https://doi.org/10.58079/w8072

« Cette oeuvre, unique tant par sa forme que par sa démarche qui la sous-tend, est à même de satisfaire bien des esprits curieux: amateurs et amatrices d'histoire, de philosophie, d'ésotérisme, de figures oubliées ou de récits de voyage... Quelles que soient vos attentes, vous y trouverez votre compte."


2/ https://www.lesbelleslettres.com/livre/9782251454603/vie-d-apollonios-de-tyane Vie d'Apollonios de Tyane

Texte introduit, traduit et commenté par Valentin Decloquement. L'ouvrage est celui qui déromancerait ma première lecture en ouvrant l'accès à une source première que M. Rovere cite dans sa bibliographie, même si la proximité des dates de parution des deux ouvrages laisse sous-entendre qu'il n'a peut-être pas pu entièrement tirer profit des apports de l'helléniste. En ayant assemblé ces notes, je n'ai pas encore décidé si je lirai l'ouvrage traduit par V. Decloquement. Cela me semble toutefois probable.


3/ À la découverte d’Apollonios de Tyane : entretien avec Valentin Decloquement

Dans cet entretien, l'auteur/traducteur explique comment il a procédé pour nous offrir la première traduction en français depuis 1958. https://lesbelleslettresblog.com/2024/01/23/a-la-decouverte-dapollonios-de-tyane-entretien-avec-valentin-decloquement/


4/ Dans Hellénique, revue de culture grecque, sur la plateforme Hypotheses, Patrick Robiano compare les deux ouvrages: il s'y emploie de façon structurée en comparant le traitement du même épisode par les deux versions, celle de Philostrate, dans la traduction qu'en donne aux Belles Lettres V. Decloquement, et celle, romancée, de Maxime Rovere. P. Robiano a apprécié "le travail de réécriture opéré par le romncier par ailleurs philosophe et spécialiste de Spinoza, et mesure les écarts." Il souligne à juste titre "une rupture radicale avec Philostrate sur un point, le choix du narrateur: "le romancier confie à ... Damis la charge d'un récit à la première personne, et implique par ce biais son lecteur" alors que l'écrivain grec a réécrit élégamment les carnets "d'un disciple d'Apollonios de Tyane, Damis".

Le choix narratif à la première personne déploie la force de son potentiel infini dans l'oeuvre romanesque de Jacques Abeille pour construire sous nos yeux un univers entièrement fictionnel, lui. Il opère de façon efficace donc. Maxime Rovere a emprunté une voie similaire.


5/ https://www.persee.fr/doc/dha_0755-7256_1998_num_24_2_2607#dha_0755-7256_1998_num_24_2_T1_0210_0000 Apollonios de Tyane et la tradition du "theios aner" dans une étude poussée rassemble pour ses lecteursce qu'il y a à (mieux) savoir sur les hommes "divins".

 

Année 1998 24-2 pp. 200-231

6/ https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1999_num_1_3_1959 Apollonios de Tyane. Le mythe avorté d'une sagesse totale

[article] Année 1999 3 pp. 300-310


7/ https://www.persee.fr/doc/ista_0000-0000_1995_act_576_1_2907La vie d'Apollonios de Tyane : d'une géographie réelle à une géographie mythique

[article] Actes du Colloque "Anthropologie indienne et représentations grecques et romaines de l'Inde", Besançon 4-5 décembre 1992

 

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