Belle avant-soirée. Avoir finement préparé la structure légère de son déroulement a contribué à contenir.

Trois des quatre invités m'étaient inconnus, dont les deux poètes français. C'est suffisamment rare de bénéficier de leur présence qu'il m'a paru qu'en être était une évidence.

La violoncelliste invitée, Sarah Wéry, nous a offert une composition personnelle en tous points étonnante qui implique la personne totale. Peu de mélodie, un inclassicisme inclassable - peu importe d'ailleurs -. Deux respirations ont aspiré nos humanités disponibles à l'écoute, à l'expérimentation choisie. Dissonances travaillées, soudain le son s'amplifie résonance sur le violoncelle, la voix claque, chuinte, siffle, devient souffle humain proche du soupir; les ongles griffent la carapace de l'instrument, qui en a vu d'autres... Puis un poème japonais s'épèle haut & clair dans l'air climatisé de l'auditorium du Curtius. Chaque instantanéité, sa surprise. L'instrumentiste a voix au chapitre. Très inspirée.

Des deux poétesses et des deux poètes, deux coups de coeur: Anne Malaparade, une forme de bonheur textuel sûr de lui se dit sans effets de manche devant nous, comme un retrait qui n'éprouve nul besoin vital de se mettre en avant. Elle a lu de façon à la fois convaincante & audible des passages de son plus récent recueil, Personne, passage. Un débit rapide, clair, qui ne pose pas, dit simplement son intériorité ciselée, comme si elle suffisait à ne pas chercher d'autre effet que d'être.

Les quelques inédits que nous a confiés le poète Yves Namur, grand anthologiste belge jamais encore croisé, sont des avant-goûts disant l'incertain du poème dans sa forme conjuguée. Une voix laisse la porte ouverte au doute, l'incertain, l'improbable même peut-être. Avec conviction & à-propos.

On ne présente plus Rose-Marie François en terres liégeoises: elle le fait très bien elle-même. L'écouter déclamer devant nous quelques-uns de ses textes livre des confirmations bienvenues & plaisantes. Comme des rappels de vaccin, en quelque sorte.

Dans leur conversation, elle nous confiera être traversée, sans savoir par quoi. Elle a tenu à nous narrer ce poème sur l'écroulement des tours jumelles publié en 2000, un an avant le double attentat. Une mise à jour de Sodome & Gomorrhe, précisera-t-elle, docte. Elle parlera plus tard de l'inconscient en dépit du doute, car "je ne me prends pas pour une pythie", prit-elle soin de nous préciser, presque sans y insister mais afin que nul n'en ait l'idée. Une saine précision.

L'instinctif, l'intime conviction & l'intuitif auraient aussi pu éclairer le débat, dans le droit fil de Spinoza, cité par Anne Malaparade parmi quelques autres. Face au silence du public présent, accepté par la salle, à une exception près, le cheminement dans les contre-allées nullepartiennes sait taire l'incongru d'une prise de parole qui ne nous a pas été offerte, par manque de temps, le début tardif peut-être aussi...comme s'il fallait attendre ceux qui ne viendront pas.

Sarah Wéry nous livre, prenant très brièvement part au débat entre poètes, deux pistes aux sillons profonds, qui balisent l'intuition en peu de mots: hyperlucidité & choses flottantes. Tout est dit, une émanation du vécu. Elle avait pressenti son intervention dirimante. C'est effectivement une direction possible à emprunter pour sortir d'une cérébralité trop pure. Chaque définition de sa poésie personnelle est évidemment légitime et non contestable en soi.

Emmanuel Laugier nous lira plusieurs extraits à paraître d'Écrits de l'agenda, notations qui nous sont précieuses à tenter de mieux cerner le poète derrière le Français.

La macération du débat entre les poètes et le très inspiré Gérald Purnelle, qui animait la soirée, a été servie par la maestria conceptuelle d'Emmanuel Laugier, prompt à saisir une balle au rebond. Sa plume critique dans la rubrique poésie du Matricule des Anges m'est connue & appréciée.

Enfin, pour terminer, tout Liège dans cette anecdote: un Monsieur, qui s'avèrera être le Président du Marché de la Poésie qui venait d'avoir lieu à Paris, introduit la soirée en précisant qu'il en est l'organisateur, en quelque sorte, tandis que le meneur de débat le présente - il s'agit d'Yves Boudier, Merci ! -, complète & ajoute deux organisateurs liégeois dont le rôle a servi de liant, d'incitant tout autant: la Maison de la poésie Jacques Izoard et la Ville de Liège qui nous accueille en ses murs muséaux.

La portée de nos différences belgo-françaises se lit aussi dans les approches offertes; un si petit échantillon pourtant !


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