La mise en page artistique voulue par J. Abeille (2003) évoque celle d'A. Berque quand il nous présente un poète venu de Chine. Ici en 2014, mais aussi 2016 dans La pensée paysagère, réédition probable d'une première édition en 2009. Magie d'idéogrammes inventés à gauche, sus à droite, tous deux décodés.

Chaque auteur fait monde en son écriture. Ce tableau ouvre à des rapprochements formels aptes à plonger l'esprit dans une forme de bonheur insondable...

Les enfants d'Inilo fondent leur représentation "sur un mythe qui pose le dessin, héritier de la trace, en tant qu'origine des modulations de la langue" L'écriture du désert. 10 Certaines cérémonies sont les fêtes de la régénération de la voix. Les enfants d'Inilo sont "des gens pour qui l'efficacité symbolique l'emporte sur toute autre [.] Ils ne se soucient guère de l'usage immédiatement pratique que l'on pourrait faire de l'écriture." 12 Ils sont fiers en dévoilant la fécondité de leur système de notation qui éveille "chez le lecteur les pouvoirs du rêve & de l'imagination." 12

Quand une écriture, celle de J. Abeille, se fait anthropologue d'une écriture entraperçue au désert, cela éveille chez nous, ses lecteurs, admiration sincère quant aux pouvoirs infinis du rêve & d'une imagination mis au service d'une langue créatrice de mondes que conduit avec compétence une persistance à créer, à faire monde & à l'étoffer en univers onirique sans fin.

De telles plumes emportent hors de soi plutôt que d'approfondir les linéaments d'une identification compassionnelle. Des élans de plume déploient devant nos yeux le caractère opaque ou obscur du règne des femmes. Ce côté obscur de la force des femmes n'est pas sans rappeler une évocation trouvée dans l'oeuvre d'A. Berque avec ce poème chinois voyant en vallée la femelle obscure.

C'est en procédant à pareils rapprochements qu'un univers mental s'adosse à ses propres lectures, formant la trame dense d'un référentiel transversal. Se recoupent ainsi les chemins de ses traces.

Qu'une plume bordelaise (J. Abeille), si longtemps dépossédée quand il s'agit de se frayer un passage étroit jusqu'à ses lecteurs, aboutisse de pareille façon à la densité jouissive de multi-univers est propre à provoquer sidération... Cela va bien au-delà de l'admiration !

Les exégèses des siècles à venir, quand bein même ils exhumeraient l'oeuvre de J. Abeille, y perdront leurs traces dans ces forêts foisonnantes de mythes créés tout spécialement à cette fin !

Chaque auteur fait monde en son écriture: l'une, celle de J. Abeille est lumineuse, l'autre est restée quelque part dans la vallée... dans un recoin fort ombreux, au-delà même des jargons qui l'encombrent.

 

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